
Retards, défauts, business model... Le point sur le crowdfunding avec Forvis Mazars et France FinTech
Florence de Maupeou et Bertrand Desportes connaissent bien le crowdfunding. Tous les ans, la déléguée générale adjointe de France Fintech (anciennement directrice générale de Financement participatif France) et l’associé de Forvis Mazars, publient ensemble le baromètre du marché. Cette année, face à la dégradation des indicateurs, ils ont publié des chiffres à mi-année. Ironie du sort : alors que le financement participatif est en proie à sa première crise, il fête aussi cette année ses 10 ans. A cette occasion, Florence de Maupeou et Bertrand Desportes ont corédigé le livre «Le crowdfunding. Faites bouger l’économie positivement», publié aux éditions Gualino.
Mais c’est bien pour parler marché que les deux experts ont rencontré la rédaction. Ils ont répondu aux critiques sur les points épineux du moment.
L’inefficience des garanties
Souvent mises en avant par les plateformes, elles sont dans les faits peu souvent activées. Dès lors, quelle valeur les investisseurs peuvent-ils leur accorder ? «Il est souvent plus pertinent d’entrer en négociation avec le porteur de projet que se lancer dans une procédure qui peut ne mener nulle part», explique Florence de Maupeou. «Les garanties sont un outil de dissuasion pour aligner au départ les intérêts des porteurs de projets, des plateformes et des investisseurs, insiste Bertrand Desportes. Mais il n’est à utiliser qu’en cas d’ultime recours.»
Manque de communication
Effrayés par les procédures collectives qui gèlent le remboursement des créances, les investisseurs se plaignent souvent de ne pas être assez informés par les plateformes. «Les investisseurs doivent comprendre qu’elles ne peuvent pas toujours tout dire. Quand les opérateurs entrent en procédure ils sont protégés », éclaire Florence de Maupeou.
Surexposition du marché à des opérateurs immobiliers
Un des indicateurs absents du baromètre annuel de France Fintech et Mazars est le poids des porteurs de projets dans le marché du financement participatif. A ce jour, il n’existe pas de tableau bord en temps réel permettant le suivi de ces chiffres. Souvent cité dans la presse, l’agrégateur en ligne Hellocrowdfunding n’est pas exhaustif. Il permet toutefois d’avoir des indications approximatives.
Certains opérateurs n’ont pas froid aux yeux et ont massivement emprunté via des plateformes… Quitte à provoquer des difficultés en cascade. C’est le cas par exemple du promoteur P2I qui a emprunté près de 51 millions d’euros auprès de 10 acteurs différents entre 2016 et 2024. Placé en redressement judiciaire en novembre dernier (quelques semaines après avoir levé 800.000 euros via Homunity), il affiche actuellement un taux de retard de 38% (qui pourrait bien se transformer, au moins en partie, en perte sèche).
Florence de Maupeou indique que des «bonnes pratiques sont déjà en place et doivent être renforcées» pour contenir le risque de surexposition, notamment un fichier d’alerte recensant les porteurs de projet se finançant auprès des plateformes. Mais son efficacité est toutefois limitée par le fait que les opérateurs ne signalent pas forcément toutes leurs levées en crowdfunding.
*Erratum : le porteur de projet mentionné dans la vidéo, qui aurait levé plus de 600 millions d’euros en crowdfunding, est en réalité le cumul de plusieurs sociétés anonymisées sur Hellocrowdfunding.
Une évolution du modèle économique des plateformes ?
Face à la crise de confiance, les acteurs du crowdfunding pourraient bien ajuster leur business model. Il repose jusque-là sur le prélèvement d’une commission de 5% à 8% auprès des porteurs de projet au moment de la levée de fonds tandis qu’aucun frais n’est facturé aux investisseurs particuliers.
Bertrand Desportes rapporte que des discussions sont en cours pour faire évoluera ce modèle. «Le secteur a besoin de rassurer tout le monde et de réaligner les intérêts. L’un des moyens pourrait être de décaler la perception d’une partie de la commission à la fin du remboursement», plaide-t-il.
Plus d'articles du même thème
-
Thomas Labergère (ING): «Il faut réconcilier le citoyen avec l'économie et la finance»
A l'occasion de l'événement Banques 2030 organisé le 27 mars par L'Agefi, Thomas Labergère, le directeur général d'ING en France, évoque les mesures nécessaires pour promouvoir la compétitivité des banques européennes. -
Patrimoine Online – Juin 2024
Céline Mahinc, dirigeante du cabinet de gestion de patrimoine Eden Finances et vice-présidente de l’Anacofi-Immo est l’invitée de la dernière émission de la saison. En studio, Estelle Dolla de Private Corner a parlé de l’état du marché du non coté. Et le banquier d’affaires Jean-Louis Duverney-Guichard, managing partner du cabinet NewCo Corporate Finance, a donné ses conseils pour valoriser au mieux uncabinet de gestion de patrimoine. -
Indécence, BCE et crowdfunding : les 3 actus de Céline Mahinc
La dirigeante d’Eden Finances et vice-présidente de l’Anacofi-Immo était l’invitée fil rouge du dernier Patrimoine Online de la saison. -
Les enjeux de la COP28
La conférence internationale sur les enjeux climatiques s’ouvrira le 30 novembre sur fond de polémiques et de fortes tensions. -
Xavier Lavayssière : «Aujourd’hui, les stablecoins sont de mauvais moyens de paiement du quotidien»
Par leur caractère stable et interopérable, les stablecoins suscitent un intérêt grandissant de la part du monde financier traditionnel. Xavier Lavayssière, chercheur indépendant en régulation des cryptoactifs, apporte son éclairage dans cette vidéo. -
«Nous sommes dans une période de ralentissement des bonus bancaires»
Denis Marcadet, fondateur de Vendôme Associés, et Corinne Orémus, sa directrice générale, constatent les effets sur les bonus et les recrutements des difficultés éprouvées par les banques d'investissement à partir du second semestre 2022.
Sujets d'actualité

ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- Le logement en France : une crise durable
- Andera officialise la cession de Patrimmofi à Vyv
- Le Médiateur de l’assurance alerte sur les «trous de garanties» lors des substitutions des couvertures emprunteurs
- Les transactions dans la gestion de patrimoine dynamisent le non-coté
- Figen AI lance la première plateforme d’intelligence artificielle de la pierre papier
Contenu de nos partenaires
-
Moissons
La récolte mondiale 2025 de blé est la plus importante de tous les temps
Ce record est pourtant loin de constituer un acquis ou un gage de détente dans la géopolitique alimentaire -
La Bourse de New York ouvre en hausse, portée par l’espoir d’un assouplissement de la Fed
Washington - La Bourse de New York a ouvert dans le vert vendredi, affichant son optimisme quant à la possibilité que la banque centrale américaine (Fed) procède à un net assouplissement monétaire dans les prochains mois après la publication d’un emploi atone aux Etats-Unis. Dans les premiers échanges, le Dow Jones prenait 0,20%, l’indice Nasdaq gagnait 0,72% et l’indice élargi S&P 500 avançait de 0,43%. Nasdaq © Agence France-Presse -
Gouvernement socialiste après Bayrou ? Les espoirs ténus du PS face à l'impasse politique
Paris - Olivier Faure y croit-il vraiment ? La probabilité qu’un gouvernement socialiste remplace celui de François Bayrou semble mince face aux macronistes, vent debout contre la suspension de la réforme des retraites promise par le PS, et à l’hostilité de La France insoumise, qui les rend encore plus vulnérables à l’Assemblée. Après la probable chute du gouvernement Bayrou lundi, le Parti socialiste veut croire que le président de la République Emmanuel Macron nommera enfin un Premier ministre issu de ses rangs, «seule solution pour une sortie de crise» dans un contexte social «éruptif», et alors que la gauche est arrivée en tête des législatives anticipées de 2024, souligne le secrétaire général du parti, Pierre Jouvet. L’hypothèse a pris de l'épaisseur jeudi, lorsque le patron des députés LR Laurent Wauquiez a promis de ne pas censurer a priori un gouvernement de gauche, sans ministres LFI. Mais l’assise d’un tel gouvernement serait bien mince, alors que La France insoumise, qui réclame elle la destitution du chef de l’Etat, affirme qu’elle ne soutiendra pas un gouvernement socialiste. Socialistes, Ecologistes et communistes représentent quelque 120 députés sur 577. Le parti d’Olivier Faure refuse de croire que LFI irait jusqu'à censurer un gouvernement de gauche. «Comment iront-ils (le) défendre devant leurs électeurs ?», demande Pierre Jouvet. Car il ne s’agit pas pour le PS de former une coalition gouvernementale avec une partie de la macronie. Olivier Faure répète qu’il veut «un gouvernement de gauche», avec ses partenaires du Nouveau Front populaire mais sans LFI, pour proposer une politique de gauche, dont écologistes et communistes seraient «les vigies exigeantes», selon M. Jouvet. Sans majorité à l’Assemblée nationale -comme les gouvernements précédents- Olivier Faure propose de «changer de méthode», et de ne pas recourir au 49.3, ce qui obligera la gauche à des compromis, notamment avec les centristes, pour faire passer ses mesures. De quoi énerver François Bayrou, qui lui reproche de vouloir le faire tomber, pour ensuite tenter de négocier avec lui une non censure. «Des baffes sur les marchés» Mais dans le bloc central, l’hypothèse d’un Premier ministre PS est examinée, Emmanuel Macron ayant enjoint aux chefs de sa coalition gouvernementale de «travailler avec les socialistes». Le parti à la rose, qui rappelle, schéma à l’appui sur les réseaux sociaux, qu’il a dans l’histoire «toujours relevé les comptes du pays», défend la crédibilité de ses propositions budgétaires, prévoyant de réduire le déficit de 21,7 milliards d’euros en 2026, moitié moins que les 44 milliards proposés par François Bayrou. Au sein du socle commun, certains saluent une évolution. «Ils essaient de proposer un chemin qui leur est propre, qui n’est pas le programme du NFP» et «fait quand même de la réduction des déficits publics un impératif», remarque le député Renaissance Mathieu Lefèvre. Mais certains marqueurs de gauche, comme la suspension immédiatement de la réforme des retraites avant un retour à l'âge de départ à 62 ans sont vus comme des lignes rouges par le bloc central. «Il y a des choses sur lesquelles les nôtres ou les LR ne transigeront pas», comme les retraites, après avoir «pendant trois ans pris des baffes sur les marchés» sans changer d’avis, souligne un cadre Renaissance. «Revenir stricto sensu sur la retraite à 62 ans, sans poser une équation valable qui permet de boucher le déficit inhérent à cette mesure, ça ne tient pas», argumente le président du groupe Horizons à l’Assemblée, Paul Christophe, sans exclure son soutien si un équilibre financier est trouvé. Le président de la République est sans doute le moins prêt à accepter de revenir sur cette réforme. Sans écarter absolument la nomination d’un socialiste à Matignon, ses proches laissent plutôt filtrer ces dernier jours sa volonté de choisir une personnalité «dans sa zone de confort» mais qui sache négocier une non censure avec le PS. Ce scénario pourrait-il trouver grâce aux yeux des socialistes ? S’exprimant sous couvert d’anonymat, à l’heure où le PS s’efforce de faire monter les enchères dans son mano a mano avec le bloc central, un député reconnaît q’"il y a un risque de s’abîmer» au pouvoir pour le parti. Cécile AZZARO et Stéphanie LEROUGE © Agence France-Presse