
Affaire Marne & Finance: «Le véritable problème, c’est qu’on n’a aucun chiffre!»

Ils sont à bout. Cela fait près de deux ans et demi qu’ils veulent sortir du piège de leurs placements. Et certains commencent à se trouver en difficulté.
Quelques 5.000 épargnants sont toujours aux prises avec Marne & Finance dans l’autre volet de l’affaire Bio c’Bon: le placement Immo Capital Builder System (ICBS). Pendant des années, la foncière a vendu allégrement ce produit, pilier de son développement, grâce aux CGP. ICBS investissait dans les murs de commerce et garantissait à ses souscripteurs un rendement de 5% à 6% par an, un capital garanti à 100% et surtout une sortie possible à partir de la cinquième année. Voilà pour les promesses. Car depuis fin 2019, c’est la débandade.
Empêtré dans des difficultés financières, Marne & Finance a tout bonnement arrêté de répondre aux demandes de rachats de ses clients. Raison évoquée: un cas de «force majeure». «La réalité est évidemment qu’en tant que bailleur spécialisé dans les murs de commerces nous avons été frappés durement et nous accusons actuellement plusieurs millions d’euros de retard sur nos loyers», appuyait dans nos colonnes en février dernier son fondateur et dirigeant Thierry Brissaud. Une explication sans fondement pour le Tribunal de commerce de Paris qui le condamnait en début 2021 à verser 575.000 euros dans le cadre de sept dossiers portant sur ce placement.
Marne & Finance a bien tenté une sortie de crise. Le groupe a proposé aux CGP une série d’avenants, dont le premier assurait le remboursement du capital étalé sur cinq ans (et non versé en une fois), sans percevoir aucun intérêt pour cette période. Acceptable pour certains, inacceptable pour d’autres, qui dénoncent un manque d’informations pour pouvoir prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. Pas de chiffres, pas de données: difficile d’évaluer la santé financière de la foncière et la viabilité de l’avenant.
D’autant qu’en coulisses, le groupe se préparerait une autre porte de sortie. Selon nos informations, son plan B consisterait à céder son activité en charge de l’ICBS à un investisseur privé externe, appuyé par un groupe d’investissement dubaïote. Ce nouvel actionnaire ferait entrer la société en Bourse et permettrait aux investisseurs actuels de conserver des actions…Décotées de 70%.
Chez les CGP dont les clients sont pris au piège d’ICBS, le silence de Marne & Finance ne passe plus. Pour peser dans le rapport de force, plusieurs se sont regroupés dans une association, l’Unicif.
Son président s’explique.
Christophe Delabroye, conseiller en ingénierie fiscale et stratégie immobilière (Altair Strategic) et président de l’Unicif
Que reprochez-vous à Marne et Finance?
Nous lui reprochons un manque complet d’informations et de transparence, tant à notre égard que celui de nos clients, sur la situation du groupe, sa santé financière et les opérations qui sont décidées actuellement à notre insu. Notre crainte est que des restructurations s’opèrent au détriment des investisseurs ICBS. Or les seules informations tangibles et vérifiables dont nous disposons sont celles publiées au greffe. Sinon les réponses sont lacunaires.
Face à l’afflux massif de demandes de sortie et les difficultés de paiement, le groupe a proposé plusieurs solutions de rééchelonnement puis a évoqué une opération d’entrée en bourse, donc totalement à l’opposé du produit d’origine, tout cela sans communiquer d’informations complètes sur les projets ou la situation financière des sociétés concernées Cela fait des mois que nous leur demandons des chiffres pour évaluer leur pérennité. Nous ne rejetons pas en bloc l’étalement des créances mais nous devons être sûr qu’il sera efficace.
Le groupe a-t-il répondu à vos demandes?
Non, Marne & Finance ne nous a donné aucun chiffre! D’où la création de l’Unicif: nous nous sommes regroupés pour pouvoir être entendus mais cela reste encore difficile. Nous avons été reçus par à six reprises par son ancien président Thierry Brissaud, à présent remplacé par Patrick Schiltz, comme le montrent les derniers actes publiés. Mais il ne nous a jamais donné d’information précise sur la santé financière du groupe.
La situation est inacceptable: des investisseurs se retrouvent associés d’une entreprise sur laquelle ils ne savent rien! Or, l’information est indispensable car tous ceux qui avaient demandé leur sortie ou signé des accords de rééchelonnement ne sont plus payés et sans explication, alors que des actifs existent et qu’ils ont une valeur! Certains se trouvent déjà dans une situation délicate…
L’affaire est devant la justice. Quelle est la position du juge?
Une procédure a été ouverte au bénéfice de Marne & Finance, mais il s’agit d’une procédure confidentielle et non publique, d’où les difficultés à comprendre les opérations en cours.
Avez-vous fait des propositions à Marne & Finance?
Oui, nous étions plutôt en faveur d’un étalement sur cinq ans, plutôt que dix. Mais le véritable problème dans toute cette affaire, c’est que l’on n’a aucun chiffre! Il est difficile de faire des propositions réalistes alors que nous manquons d’informations importantes. La seule chose que nous savons avec certitude à ce stade est que nos clients seraient perdants avec l’introduction en Bourse. Marne & Finance doit expliquer ce qu’elle envisage pour les particuliers investisseurs ICBS.
L’Unicif ne représente pas tous les CGP englués dans cette histoire. Combien en représentez-vous?
Quatre-vingts cabinets sont membres de l’association. Nous représentons 1.200 clients et 1.600 contrats (sur 5.500 au total signés), pour un montant d’encours de 120 millions d’euros (sur les 480 millions investis dans ICBS au total). Nous invitons les autres CGP à nous rejoindre s’ils le souhaitent et à ne pas rester isolé face au mutisme de Marne & Finance.
Quelles sont les prochaines étapes?
S’agissant de la procédure évoquée, c’est un peu le flou car du fait de sa confidentialité, nous n’avons pas accès aux dates. Des échéances sont apparemment fixées pour septembre mais ce que nous souhaitons vraiment savoir c’est quand il sera décidé d’expliquer aux investisseurs ce qu’il se passe, comment les opérations qui s’opèrent actuellement les impactent et ce que deviendront leurs parts. Aujourd’hui nous sommes dans l’impossibilité de les aider. Cette situation est intolérable car ce sont eux qui étaient là au démarrage du groupe pour investir et soutenir son essor. Voilà comment on les remercie aujourd’hui. Vivra-t-on un Bio c’Bon 2?
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