
La place de Paris lance une opération séduction de la French Tech

Malgré le renouveau des introductions en Bourse (IPO) depuis le début de l’année (Believe, Aramis, Spartoo, HDF…) et de nombreux projets annoncés ou attendus (OVHcloud, Colis Privé, GreenYellow…), la Place de Paris pense pouvoir faire mieux. Surtout au moment où une vingtaine de jeunes entreprises issues de l’univers de la French tech pourraient choisir la Bourse dans les prochains mois pour financer leur croissance.
« Il est important pour la Place que ces 20 à 30 licornes (start-up de plus d’un milliard d’euros de valeur, NDLR) viennent se coter à Paris », explique Philippe Henry, ancien banquier de HSBC et membre d’Europlace, l’association de la promotion de la Place de Paris, à l’occasion de la présentation d’un rapport sur l’attractivité des introductions en Bourse à Paris.
Dévoilé à l’occasion de son International Financial Forum 2021 qui se tient ce mardi, ce rapport dresse une série de propositions visant « à consolider les atouts » de la Bourse de Paris « et accompagner l’accélération des introductions comme une meilleure compétitivité des conditions d’accompagnement financier des entreprises », dans un contexte post-Brexit et de relance économique.
Motiver les investisseurs
Selon le groupe de travail d’Europlace, le premier poste d’amélioration concerne les investisseurs eux-mêmes, parfois pas suffisamment engagés dans ce type d’opération, notamment lorsqu’il s’agit de société de technologie dont les modèles économiques et les valorisations sont moins bien compris. La difficile IPO de Believe, premier groupe de la French tech à se frotter à la Bourse, s’explique en partie par le manque d’appui des investisseurs, même si le Fonds stratégique de participations (FSP) des assureurs s’était engagé à participer à l’IPO.
Europlace propose de « développer avec force une base domestique d’investisseurs ayant la capacité d’agir en tant que cornerstone, (investisseur qui s’engage en amont à acheter une part des actions mises en vente par la société, NDLR) ainsi que les fonds crossover (capables d’investir en non coté et en coté, NDLR), y compris parmi ceux labellisés Tibi ». Ce label est accordé à des fonds qui se sont engagés, à l’initiative du ministère de l’Economie, à mobiliser 6 milliards d’euros pour les entreprises de technologie d’ici à fin 2022. Europlace propose d’« encourager dans les cahiers des charges du label Tibi la mention de conditions d’engagement plus précises en termes de préanalyse des dossiers d’entreprises de croissance, en amont de leurs opérations pour les IPO de la Place ».
Autre proposition à destination des investisseurs : « encourager le développement de fonds IPO par les sociétés de gestion françaises et la création de fonction de screening des opérations primaires (émissions d’actions, NDLR), afin de permettre aux sociétés de gestion françaises de participer plus activement ». « Favoriser encore davantage, via l’assurance-vie et l’épargne salariale, l’investissement en unités de compte dans des fonds actions, en développant les fonds dédiés aux Tech et aux sociétés vertes européennes », renforcerait également la capacité de participation des investisseurs aux IPO. L’actionnariat salarié est également reconnu comme un bon soutien potentiel aux introductions en Bourse.
Donner envie aux licornes
Mais le dynamisme des introductions en Bourse n’est pas qu’une question de demande. Il faut aussi donner envie aux entreprises d’aller en Bourse, reconnait Europlace selon laquelle la Place n’insiste pas suffisamment sur les avantages compétitifs de Paris. « Une introduction en Bourse sur Euronext coûte deux fois moins cher que sur le Nyse ou le Nasdaq. Nous ne l’expliquons peut-être pas suffisamment », admet Sophie Javary, vice-chairman de la banque de financement de BNP Paribas pour la zone Europe-Moyen Orient-Afrique, qui a également conduit la rédaction du rapport d’Europlace.
Pour renforcer ces avantages, l’association propose d’« étudier la mise en œuvre d’un nouveau segment de marché regroupant les sociétés de croissance, notamment des secteurs des nouvelles technologies et de la transition énergétique, capables de mettre en œuvre les meilleurs standards en matière de liquidité, transparence et gouvernance, sur le modèle du Segment Star de Borsa Italiana », qui vient justement d’être rachetée par Euronext. La Bourse de Paris dispose d’un segment réservé aux sociétés de croissance, avec Euronext Growth, mais celui-ci, à la différence du Star, est non réglementé, ce qui peut refroidir certains investisseurs d’y opérer.
Pour animer le marché, Europlace reconnait aussi qu’il est nécessaire de « relancer la recherche actions pour les sociétés cotées de toutes tailles, outil clé de liquidité dans la durée, en s’alignant sur les pratiques de financement de la recherche des Places financières non européennes ». La révision en cours de la directive Mif 2, qui a chamboulé le métier de recherche actions en le découplant des activités de trading, est une occasion à saisir, estime Europlace. Pour « accroître la liquidité sur le segment des petites et moyennes capitalisations de croissance », le lobby recommande de promouvoir « le rôle des contrats de liquidité en prenant en compte la position réaffirmée de l’AMF sur ce dispositif éminemment utile » malgré les réticences du régulateur européen des marchés financiers (Esma).
Droits de vote multiple
Un meilleur marché des introductions en Bourse demande aussi des évolutions réglementaires. Deux pistes avancées par Europlace feront probablement débat : l’association pousse pour une « initiative européenne de type Small Business Act afin d’alléger les obligations incombant aux petites entreprises, cotées ou non, notamment en matière de composition du conseil d’administration et de publication d’informations portant sur les rémunérations », ce qui reviendrait à affaiblir les règles actuelles du Say on pay qui permet aux actionnaires de se prononcer sur les rémunération des dirigeants.
Europlace ouvre également le débat sur l’autorisation des actions de préférence avec droits de vote multiples pour les sociétés cotées, un régime qui permet aux fondateurs de conserver le contrôle de leur entreprise même après une cession majoritaire du capital en Bourse, mécanisme utilisé par quasiment toutes les entreprises américaines de technologie qui se cotent. Les Pays-Bas autorisent eux-aussi ce système. Dernièrement, Londres a également accepté que des sociétés à droits de vote multiple puissent accéder au marché premium de la Bourse. Même si ce régime ne fait pas l’unanimité chez les investisseurs, car il a tendance à diluer leur pouvoir, Europlace a constaté « une forte demande des dirigeants d’entreprise de croissance à ce sujet », indique Philippe Henry. La loi Pacte permet ces droits de vote multiple, sauf pour les entreprises cotées. La réforme proposée par Europlace ne concernerait que les entreprises de croissance. « Il faut que le cadre juridique ou fiscal s’adapte à ces entreprises le temps dont elles ont besoin pour se développer. C’est essentiel si nous voulons financer la 4e révolution industrielle », insiste Philippe Henry.
Enfin Europlace propose plusieurs mesures plus techniques, comme la possibilité des mener des opérations sans tranche réservée aux investisseurs particuliers ou d’alléger les règles des émissions de titres de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires.
Des groupes de travail thématiques se réuniront dès septembre pour avancer sur les sujets jugés les plus prioritaires par la Place. Europlace a par exemple déjà saisi le Haut comité juridique de la Place de Paris pour travailler sur la question des droits de vote multiple.
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Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse