Euronext modifie son centre de gravité avec Borsa Italiana

La Bourse paneuropéenne a conclu jeudi le rachat de l’opérateur italien, synonyme de diversification et de relocalisation d’activités de Londres vers le continent.
Fabrice Anselmi
Euronext à la Défense Bourse cotation marché
Euronext intégrera dorénavant les résultats de Borsa Italiana.  -  (RK)

Euronext a fait d’une pierre deux coups jeudi, profitant de la présentation de ses résultats du premier trimestre 2021 pour annoncer le bouclage de son rachat de Borsa Italiana auprès du London Stock Exchange (LSE Group), pour un montant final de 4,4 milliards d’euros avec le complément de prix lié au cash généré depuis juin 2020. Comme anticipé, l’opérateur boursier a annoncé le lancement d’une augmentation de capital d’un montant de 1,8 milliard pour financer en partie cette opération, au prix de 59,65 euros par action avec un ratio de souscription de 2 actions offertes pour 5 actions ordinaires détenues. Après le choc initial sur le cours de l’action (-2% jeudi matin), le marché a pris en compte le changement de dimension que cela implique pour le groupe, puisque l’action est remontée pour finir à 85,80 euros (+1,4%).

Le plan de financement, qui inclut un placement privé de 600 millions, puis à terme 1,8 milliard d’émissions de dette, a en revanche amené l’agence S&P Global Ratings à dégrader sa notation de A- à BBB. Elle considère que «la situation financière d’Euronext s’est fortement dégradée», les ratios cash-flows opérationnels/dette et dette/Ebitda passant respectivement au-dessous de 23% et au-dessus de 3,5 en 2021, et que «les risques de compensation et de règlement» augmentent avec les nouvelles activités malgré les bénéfices à moyen terme.

Euronext a présenté un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de +5,2% à 249,2 millions d’euros malgré une volatilité et des volumes moindres qu’au premier trimestre 2020, et un Ebitda de 148,7 millions d’euros, avec une marge de 61,5% et un bénéfice par action (BPA) ajusté à 1,53 euro (+6,3%). De bons résultats tirés par une forte croissance organique des activités hors négociation, les acquisitions récentes comme VP Securities à Oslo et une maîtrise des coûts.

Mais le groupe intégrera dorénavant les résultats de Borsa Italiana, stables au premier trimestre avec 124,1 millions de chiffre d’affaires pour un Ebitda en hausse de +3,4% à 76,8 millions (61,9% de marge), et changera donc de dimension. L’ensemble Euronext-Borsa Italiana deviendra le premier marché primaire actions d’Europe avec 5.100 milliards de capitalisation boursière à fin 2020, le premier marché secondaire cash actions et ETF (exchange traded funds) avec 12,2 milliards d’échanges quotidiens (ADV), un leader sur les échanges d’obligations souveraines via MTS avec 216 milliards d’ADV.

Il changera aussi de profil : «Avec ce nouveau chapitre de son histoire, le groupe concrétise son ambition de construire la première infrastructure de marché paneuropéenne, reliant les économies locales aux marchés de capitaux mondiaux, au profit de tous. Il se positionne désormais comme le leader européen sur la cotation et les marchés secondaires, et accroît sa diversification avec de nouvelles capacités de négociation en fixed income, et surtout de compensation (avec CC&G pour 18.400 milliards compensés en 2020) ainsi que dans le métier de dépositaire central CSD (avec Monte Titoli pour 5.900 milliards de titres conservés désormais)», a rappelé le président du directoire d’Euronext Stéphane Boujnah, évoquant un plan stratégique combiné qui sera présenté au quatrième trimestre.

Nouvelles «routes» pour le trading ?

L’opération donnera bien plus de place à Borsa Italiana et aux actionnaires italiens (CDP Equity pour 7,31% et Intesa Sanpaolo pour 1,31%) qu’ils n’en avaient au sein de LSE Group. Au-delà d’une nouvelle gouvernance, qui sera validée par une assemblée générale le 11 mai, et d’un plan d’intégration qui s’organise comme prévu, l’autre nouvelle concerne la migration du centre de données du groupe de Basildon (près de Londres) à Bergame (près de Milan), a priori au deuxième trimestre 2022. Le transfert s’inscrit dans le cadre d’un contrat signé avec la société italienne Aruba, qui a construit le plus grand centre de données cloud d’Italie sur les 200.000 m2 d’une ancienne usine de coton.

Stratégique également au regard du Brexit, cette décision importante doit aussi permettre la migration des marchés de Borsa Italiana vers la plateforme de trading Optiq en 2023. Ce pourrait être un casse-tête coûteux pour les banques et autres fournisseurs de liquidité qui passent des ordres dans la nanoseconde et pourraient donc devoir déplacer physiquement une partie de leurs desks de trading à haute fréquence (HFT) en «colocation» dans la région pour réduire le temps de latence dans l’exécution des transactions. Loin d’Amsterdam, qui était pourtant devenue le plus grand centre de négociation d’actions d’Europe en janvier…

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