
La mobilisation des institutionnels continue pour le financement de la technologie

Les institutionnels jouent le jeu des fonds de Place. Avec 18 milliards d’euros collectés par les fonds labelisés «Tibi», destinés à financer les entreprises de croissance, les 21 investisseurs du programme ont servi de catalyseur aux levées de fonds technologiques. Le club des 21 a contribué pour plus de 3,5 milliards d’euros au programme destiné au financement des start-up les plus développées. «Les assureurs représentent la pierre angulaire du financement du programme Tibi, a affirmé Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), lors d’une conférence de presse organisée par le ministère de l’Economie. Ils ont déjà engagé 2,3 milliards cette année et s’apprêtent à investir encore presque 1 milliard.»
Ainsi, AG2R La Mondiale avait en mars dernier alloué 110 millions d’euros à l’initiative Tibi, à peu près également répartis entre le coté et le non-coté, selon Jean-Louis Charles, son directeur des investissements et du financement.
«Les gestionnaires qui ont pignon sur rue sont les plus à l’aise pour lever auprès d’investisseurs institutionnels, avec des documentations déjà adaptées, remarque Rima Maitrehenry, avocate associée du cabinet Racine. Cependant, l’initiative Tibi a l’avantage de décomplexer les investisseurs et leur a permis d’analyser des fonds de nouveaux entrants sur le marché. Ces investisseurs vont traditionnellement arriver après le premier closing, lorsqu’il y a déjà des investissements dans le fonds, mais si le fonds reste trop petit, ils auront un problème d’emprise si leur ticket minimum est trop important. Le seuil minimum de taille du fonds s’établit généralement à 100 millions d’euros.»
Les deux fonds de retraite publics impliqués dans l’initiative ont aussi joué leur rôle. Dans son rapport de 2019, Philippe Tibi préconisait «un assouplissement des conditions d’investissement en France et dans des fonds multi-investisseurs du Fonds de réserve de retraite (FRR) et de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) afin que ceux-ci participent aux levées de fonds late stage au lieu d’attribuer des mandats avec des conditions très spécifiques desquels les sociétés de gestion se désintéressent. Les fonds late stage sont par nature multi-investisseurs, comme tous les fonds de capital-investissement. Les mandats pour cette classe d’actifs ne sont pas une pratique de marché commune.»
En 2020, sur les 250 millions d’euros que l’ERAFP avait décidé de mettre en 3 ans au service de cette initiative, 100 millions ont été engagés, dont 50 millions via des investissements en fonds d’actions cotées, et 50 millions au travers de sa participation dans des fonds «tech» non cotés. Le FRR s’est également engagé à investir 250 millions en capital croissance. Il a déjà souscrit à 4 fonds fermés pour 175 millions. Il investira également dans des actions cotées «global tech» à hauteur de 250 millions en 2021.
Les fonds dotés d’une réputation établie ont pour l’instant le plus largement bénéficié de l’impulsion du programme. «L’initiative Tibi nous a donné des moyens et de la visibilité, confirme Virginie Morgon, présidente du directoire d’Eurazeo, qui est labellisé pour son fonds «growth» non coté. En France, nous avons des entrepreneurs extraordinaires et des VCs confirmés. Il nous manquait la capacité d’aller vers le capital croissance et de ne pas laisser toute la place aux investisseurs étrangers. Nous avons raté la première vague des Gafa, il ne faut pas laisser passer la seconde. Avec Mano Mano, Doctolib, ContentSquare ou BackMarket, nous sommes fiers d’accompagner de grands leaders européens.»
Focus sur la santé
La thématique technologique se montre à présent attractive pour les investisseurs, avec une résilience et une capacité de croissance confirmée lors de la pandémie de Covid-19, au côté du secteur de la santé.
Florence Lustman a précisé que «la santé de demain représente un enjeu majeur pour la souveraineté sanitaire de notre pays, comme la crise de la Covid-19 l’a rappelé. Les assureurs sont déjà engagés, au travers du programme d’investissement ‘Relance Durable France’, dont 800 millions – sur les 2,3 milliards d’euros du programme – sont consacrés au financement des entreprises du secteur de la santé. Avec leur métier d’investisseur de long terme, les assureurs sont bien placés pour relever le défi du financement des biotechs, dont le cycle de développement – recherche - test - homologation – s’inscrit sur le temps long».
Le label «Tibi» a déjà été apposé sur une dizaine de fonds consacrés à la santé, principalement en non-coté.
Etroitesse de la cote tech française
Pourtant, les fonds cotés Tibi sont surtout mondiaux, car les marché français et même européens restent encore trop étroits. «Sur les fonds Tibi rendus éligibles sur le coté, un seul a surperformé à long terme l’indice de référence MSCI World Information Technology, et a donc créé de l’alpha, note Boutros Thiery, directeur des solutions d’investissement pour la France chez Mercer. Les sociétés françaises et européennes de la tech sont encore aujourd’hui sous-représentées par rapport aux sociétés américaines dans l’univers coté, la priorité reste donc le financement des sociétés non cotées, par les investisseurs français, mais aussi internationaux.»
Si le sous-jacent n’est pas totalement local, les investissements reçus via le label permettent aux gérants de se muscler et de recruter. Anne-Frédérique Cabasset, directrice commerciale adjointe institutionnels & grands comptes France de la Financière de l’Echiquier, analyse l’effet sur son produit : «Le fonds a attiré l’attention des investisseurs institutionnels, qui ont effectivement souscrit. La collecte depuis s'élève à plus de 100 millions d’euros, le fonds ayant un encours de près de 900 millions à ce jour.»
Les investisseurs du programme Tibi se sont engagés à investir 6 milliards d’euros dans les fonds labellisés avant la fin de 2022. Pour l’instant, 60% de l’objectif est atteint. Pour toucher le nouveau but posé par le ministre des Finances de 30 milliards d’ici un an et demi, le club va tenter d’accueillir des homologues étrangers.
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