Investissement immobilier: pourquoi les Français trainent des pieds

L’idée d’investir dans la pierre les séduit mais plusieurs freins les refroidissent. Au-delà de l’engagement financier, la complexité fiscale est rédhibitoire pour beaucoup.
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«En principe oui, mais à voirpour plus tard», c’est en substance ce que se disent beaucoup de Français sur l’investissement immobilier.

Le groupe Consultim a présenté ce mercredi 1er juin les résultats de son étude menée par Harris Interactive sur le rapport des Français à la pierre(1). En théorie, il est bon: ils sont toujours séduits. Du moins, en théorie...

Retraite : le PER plutôt que la pierre !

70% des Français considèrent l’investissement immobilier comme rentable, notamment les moins de 35 ans (75%) et les franciliens (74%). Pourtant, dans les faits, ils sont beaucoup moins nombreux à vouloir franchir le pas. Cela se voit particulièrement pour la retraite. Alors que les Français sont davantage inquiets par leur pension que par l’âge de départ (85% contre 76%), seuls 1/3 envisagent l’investissement immobilier pour s’assurer un meilleur niveau de vie dans leurs vieux jours. Ils préfèrent miser sur leur assurance vie et épargne retraite (60%), une retraite complémentaire (45%). La Bourse,elle, arrivebonne dernière (20%).

Les compléments retraite envisagés par les Franais (de plus de 40 ans)

Source :Les Français et les enjeux associés au logement et à l’investissement immobilier. Harris Interactive pour Consultim

Les freins sont nombreux. Financiers, tout d’abord: 62% déclarent ne pas avoir les moyens de se lancer. «Ce taux monte à 66% dans les classes populaires et à 73% pour les sondés percevant moins de 2.000 euros par mois», explique Consultim dans son étude. Le groupe avance aussi la complexité de ce type d’investissement, présupposée ou réelle. Avec en corollaire la crainte d’une fiscalité trop lourde. «Certains Français ont peur de se lancer car ils ne savent pas dans quoi ils vont mettre les pieds», a appuyé Jean-Daniel Lévy, directeur délégué Harris Interactive France, lors de la conférence de présentation.

Les Français n’ont pas le «réflexe immo»

Difficile de leur donner tort, tant la politique logement des gouvernements successifs évolue. La valse des dispositifs fiscaux a notamment de quoi leur donner le tournis. Résultat : les Français ne suivent plus la cadence. Seuls 60% connaissent le dispositif Pinel, 39% la défiscalisation Monuments historiques, 34% le statut LMNP et 20% le régime Censi-Bouvard. L’accélération de la transition énergétique du parc ancien leur donne aussi quelques sueurs froides. Sur ce dernier sujet, Jean-Luc Guitard, directeur général, de Consultim, a regretté «une ambition forte mais avec un manque d’accompagnement» (voir ci-dessous).

La connaissance des Français des dispositifs fiscaux

Source :Les Français et les enjeux associés au logement et à l’investissement immobilier. Harris Interactive pour Consultim

Et au-delà de ces freins, les Français n’ont tout simplement pas le «réflexe immo». «L’immobilier n’est pas très présent dans le débat public, a souligné Jean-Daniel Lévy. Il est souvent représenté de manière partielle ou caricaturale, comme les chalets à la montagne. Cette absence fait que les Français ne pensent pas en premier à l’immobilier quand ils veulent investir».

Pour lever ces verrous, Consultim a établi plusieurs propositions qu’il compte présenter au prochain ou à la prochaine ministre du Logement. Parmi elles, la libération du foncier et des mesures de densification pour compenser l’objectif de zéro artificialisation nette. Jean-Luc Guitard plaide également pour débloquer l’épargne salariale afin de financer des travaux de rénovation énergétique. Enfin, pour faciliter le financement, il propose le nantissement des contrats d’assurance vie, afin de profiter de sa manne de capitaux disponibles.

, Transition énergétique: «des coups à faire, mais surtout beaucoup de coups à se prendre» Comme beaucoup de professionnels du secteur, Jean-Luc Guitard déplore un manque de cohérence dans la stratégie de transformation énergétique du parc ancien du gouvernement. Lors de la conférence, il a souligné l’obligation du nombre de places de stationnement en fonction de celui d’habitants. Une règle obsolète selon lui compte tenu de «l’évolution des usages de transport». «La politique de zéro artificialisation nette des sols n’est pas accompagnée de mesures de densification», a-t-il appuyé, plaidant pour une un coefficient minimal d’occupation des sols afin de «garantir un minimum de densificationdans certaines zones.» Plus globalement, la course à la transition énergétique du parc ancien est encore source d’incertitudes pour les propriétaires mais aussi les acquéreurs. «Personne ne sait vraiment combien coûte les travaux pour passer d’une passoire thermique à un logement décent, a martelé Jean-Luc Guitard, soulevant la perte de valeur des logements interdits à la location par la loi Climat et résilience. Il n’y a pas que des coups à faire en achetant une passoire thermique, il y a aussi beaucoup de coups à prendre!» Le directeur général compte proposer deux mesures au prochain ou à la prochaine ministre du Logement, pour encourager les propriétaires à réaliser des travaux. Au-delà d’améliorer le déficit foncier pour les bailleurs de passoires thermiques (mesure déjà avancé par certains professionnels lors de la campagne présidentielle), il propose surtout de partager le gain de performance énergétique entre le locataire et le propriétaire. Et cela en recourant au mécanisme existant dans le logement social, la «troisième ligne de quittance». «Elle permettrait à un propriétaire, qui a réalisé des travaux de rénovation énergétique, de récupérer une partie des économies réalisées par le locataire sur sa facture énergétique», plaide-t-il. Pas sûr que l’idée passe, mais elle aurait le mérite selon lui d’inciter les bailleurs à rénover, plutôt que de les contraindre et de se lancer dans «la chasse aux aides». ,

(1) «Les Français et les enjeux associés au logement et à l’investissement immobilier», Enquête réalisée en ligne le 24 avril 2022, jour du second tour de l’élection présidentielle. Échantillon de 7 311 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

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