
Veolia fragilise la défense de Suez

La pilule empoisonnée de Suez perd de son efficacité. Saisi par Veolia, qui conteste la validité de la fondation néerlandaise créée par Suez pour sanctuariser sa division eau France, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné jeudi le gel du dispositif, et ce jusqu’à la tenue de toute assemblée générale appelée à se prononcer sur ce mécanisme, avec comme limite l’AG ordinaire qui se tiendra au printemps prochain pour valider les comptes 2020. L’ordonnance est à ce stade provisoire, le temps pour le tribunal d’organiser un débat contradictoire.
Dans un communiqué, Veolia a «salué cette décision» en ajoutant qu’il prévoit d’assigner Suez «dans les meilleurs délais pour faire juger la nullité de ce dispositif qui viole des règles essentielles de droit français». De son côté, Suez a promis de «faire valoir ses droits et ses arguments à l’occasion de ce débat contradictoire afin d’obtenir une levée de cette mesure», tout en rappelant que «ce dispositif, parfaitement conforme à l’intérêt social» du groupe «et à l’intérêt de ses actionnaires, reste aujourd’hui en place».
L’ordonnance fragilise toutefois la principale arme de défense de Suez contre le projet d’OPA de son premier actionnaire. Le dispositif est effectivement «en place» mais il n’est pas activé. Les deux actions des sociétés Suez eau France destinées à être transférées à la fondation néerlandaise pour empêcher la cession de cette activité pendant quatre ans sont toujours dans un compte séquestre. Si l’ordonnance est confirmée, le conseil d’administration de Suez, qui avait la possibilité d’appuyer sur le bouton pour transférer les actions, n’aura plus le droit de bouger. Sauf si les actionnaires venaient à approuver le dispositif en AG.
Veolia également neutralisé
Sur le ring depuis deux mois et demi, Veolia et Suez continuent donc de se rendre coup pour coup devant les tribunaux. Suez a également marqué un point jeudi en obtenant la confirmation en appel de la suspension d’une partie des droits de son adversaire tant que la procédure d’information-consultation des salariés n’est pas achevée. Au mieux, Veolia espère retrouver ses droits début février, soit trois mois après le début de la consultation des salariés. Mais la procédure pourrait être prolongée en cas de possibles demandes d’expertises de la part des représentants du personnel, ce qui bloquerait d’autant Veolia. Si tel était le cas, un proche de Veolia promet d’agir en justice. D’autres rounds devraient suivre…
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Paris - Venu de la droite, discret au point d'être quasi inconnu du grand public, Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre à 39 ans, est un compagnon de route du chef de l’Etat depuis 2017, devenu un rouage essentiel de la macronie. De tous les gouvernements depuis la première élection d’Emmanuel Macron, il a déjà manqué de peu Matignon l’année dernière. Celui qui n’a «jamais complètement défait» ses cartons depuis la dissolution devait déjà être nommé rue de Varenne le 13 décembre avant que François Bayrou ne s’impose au forceps. Malgré l’absence de majorité et l’instabilité politique qui en découle depuis 2022, Sébastien Lecornu s’est maintenu au poste stratégique de ministre des Armées depuis trois ans, où il a connu pas moins de quatre Premiers ministres, Elisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier, et François Bayrou. Peu loquace publiquement à son poste de gardien de la «grande muette», Sébastien Lecornu est aussi un homme politique réservé. C’est en grande partie en coulisses qu’il a étendu son influence. «C’est un fidèle de Macron qui ne lui fera pas d’ombre. Son bilan à la défense est plutôt bon», relève auprès de l’AFP un diplomate sous couvert de l’anonymat. Leur proximité remonte en partie au mouvement des Gilets jaunes, après lequel M. Lecornu avait co-animé les «grands débats». «Lecornu, c’est le bon soldat qui par ailleurs n’a pas trop de charisme», ajoute un conseiller ministériel. «Manoeuvrier» Proche de Gérald Darmanin et d’Edouard Philippe, issus comme lui de la droite, il s’est illustré politiquement par ses négociations pied à pied avec les parlementaires de tous bords pour faire adopter, à la quasi unanimité, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, en hausse de 40% par rapport à la précédente. «Il est apprécié sur tous les bancs de l’Assemblée», selon un ancien membre de la commission Défense de l’Assemblée qui décrit «un animal politique": il maîtrise ses dossiers, répond sans regarder ses notes et distribue alternativement à ses adversaires flagorneries et tacles appuyés. Mais «ce n’est pas difficile» de faire passer un budget en hausse, modère un responsable du bloc central, qui le voit davantage «manœuvrier» et pointe la montée du RN dans son département de l’Eure. Reste à savoir si cet homme, jugé «habile» par un responsable socialiste, saura convaincre le PS avec qui Emmanuel Macron a demandé de travailler. «Il comprend vite les choses», mais «il est plus à droite que Bayrou», note le même. Il a été épinglé dans la presse pour un dîner avec Marine Le Pen, ce qui en fait «l’homme de la négociation avec le RN dans la psyché socialiste», selon une ministre. Sur le budget, alors que son prédécesseur a été accusé de dramatiser la question de la dette, Sébastien Lecornu affirmait récemment ne pas croire que le FMI soit «aux portes de Bercy» mais se dit certain que «si nous ne faisons rien, le pays va s'étouffer à petit feu». Réserviste Il reste conscient qu’"accepter ce job (de Premier ministre), c’est accepter de mettre les deux doigts dans la prise et que ça continue de grésiller», glisse un proche. Originaire de Normandie, petit-fils de résistant, il a un temps pensé faire Saint-Cyr mais s’est lancé très jeune en politique. Sa carrière a débuté à droite, à l’UMP puis chez les Républicains (LR), battant plusieurs records de précocité. Assistant parlementaire à 19 ans, il devient en 2008 le plus jeune conseiller dans un cabinet ministériel -celui de Bruno Le Maire aux Affaires européennes- puis en 2015, le plus jeune président d’un département, l’Eure, après avoir été maire de sa ville, Vernon. Propulsé au gouvernement à 31 ans, il passe par plusieurs ministères : l’Ecologie, les Collectivités, l’Outre-mer, puis les Armées. Réserviste de la gendarmerie dans l’Eure, cet amateur d’histoire élu sénateur en 2020 répétait vouloir rester aux Armées, citant régulièrement l’action de son lointain prédécesseur Pierre Messmer, inamovible titulaire du portefeuille sous le général de Gaulle. S’il reste discret dans les médias, il a pris la lumière avec la guerre en Ukraine, s’efforçant de mettre en musique le «réarmement» du pays ordonné par le chef de l’Etat ou les garanties de sécurité que les Européens seraient susceptibles d’apporter à Kiev. Il a été aussi en première ligne dans l’intensification de la coopération européenne en matière d’industrie de défense, notamment avec l’Allemagne. Face à ce qu’il voit comme le «plus gros dérèglement géopolitique depuis la Seconde guerre mondiale», il a bénéficié pour son ministère d’un budget en ascension constante, à l’inverse de la plupart de ses collègues. Après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, c’est lui qu’Emmanuel Macron a envoyé en tournée régionale pour négocier la libération d’otages français retenus dans la bande de Gaza et incarner la position française. Anne RENAUT © Agence France-Presse