Paris, vrai-faux champion d’Europe

La France a ravi à Londres son titre de première place boursière européenne. Le reflet des faiblesses de son adversaire plutôt que de ses propres forces dans le paysage mondial.
Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L’Agefi.  - 

Brongniart, 1 – City, 0 ! Pour la première fois, la capitalisation boursière des entreprises cotées à Paris a dépassé celle de Londres. Il n’en fallait pas davantage pour déclencher les bruyantes réjouissances des supporters de l’équipe de France financière. Six ans après le référendum sur le Brexit, voilà enfin l’Anglais renvoyé dans ses buts. Si le symbole est fort, la réalité qu’il recouvre devrait toutefois inciter à plus de modestie.

Passons sur les effets de change qui, avec une livre sterling mal en point, font pencher la balance des valorisations du côté de l’euro. L’inversion du rapport de force en faveur de Paris reflète la rétrogradation de la place londonienne à la suite du Brexit. Une partie de la liquidité s’est déplacée dans l’Union européenne, et de grandes entreprises, européennes ou non, ont choisi de s’y coter. La capitale française bénéficie aussi de la composition favorable de ses indices phares, où règnent les géants du luxe, chouchous des investisseurs. Enfin, elle n’aurait pu tirer parti de la situation sans un opérateur de marché solide. Laissé pour quantité négligeable après son passage au New York Stock Exchange, Euronext est redevenu une plateforme qui compte sur le continent. Le groupe traite chaque jour sur ses différents marchés un volume d’actions bien supérieur à celui de son concurrent londonien.

Muscler son jeu

Si la France a su jouer de ses forces, elle n’aurait pu signer la victoire du moment sans la faiblesse de l’adversaire, que nul n’obligeait il est vrai à tirer contre son propre camp. Sur d’autres marqueurs de la réussite que la capitalisation boursière, la domination tricolore est moins probante. En termes de levées de fonds et de cotations, Amsterdam, autre place de la galaxie Euronext, se montre plus dynamique. L’an dernier, Paris a accueilli sur ses différents terrains boursiers des dizaines de nouveaux émetteurs, mais autant d’entreprises sont rentrées au vestiaire. Natixis et Iliad hier, EDF ou Somfy demain : des poids lourds de l’économie ou de belles pépites familiales choisissent de quitter la cote sans toujours être remplacés en quantité et en qualité. Au passage, les conditions de sortie de l’électricien donneront aux investisseurs un bon aperçu du respect que la puissance publique porte aux droits des actionnaires minoritaires. D’autres sociétés, comme l’intermédiaire de paiement lyonnais Digital Virgo, préfèrent céder au vieux réflexe qui pousse les entreprises tech dans les bras du Nasdaq, malgré les efforts entrepris ces dernières années pour les retenir à domicile.

Net des retraits de cote et des rachats de titres, le rôle de la Bourse de Paris dans le financement en fonds propres des entreprises reste donc loin de celui d’un champion du monde. On peut en dire autant des marchés de capitaux européens dans leur ensemble. La place financière doit encore muscler son jeu avant de pousser des cocoricos.

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