
Paris, vrai-faux champion d’Europe

Brongniart, 1 – City, 0 ! Pour la première fois, la capitalisation boursière des entreprises cotées à Paris a dépassé celle de Londres. Il n’en fallait pas davantage pour déclencher les bruyantes réjouissances des supporters de l’équipe de France financière. Six ans après le référendum sur le Brexit, voilà enfin l’Anglais renvoyé dans ses buts. Si le symbole est fort, la réalité qu’il recouvre devrait toutefois inciter à plus de modestie.
Passons sur les effets de change qui, avec une livre sterling mal en point, font pencher la balance des valorisations du côté de l’euro. L’inversion du rapport de force en faveur de Paris reflète la rétrogradation de la place londonienne à la suite du Brexit. Une partie de la liquidité s’est déplacée dans l’Union européenne, et de grandes entreprises, européennes ou non, ont choisi de s’y coter. La capitale française bénéficie aussi de la composition favorable de ses indices phares, où règnent les géants du luxe, chouchous des investisseurs. Enfin, elle n’aurait pu tirer parti de la situation sans un opérateur de marché solide. Laissé pour quantité négligeable après son passage au New York Stock Exchange, Euronext est redevenu une plateforme qui compte sur le continent. Le groupe traite chaque jour sur ses différents marchés un volume d’actions bien supérieur à celui de son concurrent londonien.
Muscler son jeu
Si la France a su jouer de ses forces, elle n’aurait pu signer la victoire du moment sans la faiblesse de l’adversaire, que nul n’obligeait il est vrai à tirer contre son propre camp. Sur d’autres marqueurs de la réussite que la capitalisation boursière, la domination tricolore est moins probante. En termes de levées de fonds et de cotations, Amsterdam, autre place de la galaxie Euronext, se montre plus dynamique. L’an dernier, Paris a accueilli sur ses différents terrains boursiers des dizaines de nouveaux émetteurs, mais autant d’entreprises sont rentrées au vestiaire. Natixis et Iliad hier, EDF ou Somfy demain : des poids lourds de l’économie ou de belles pépites familiales choisissent de quitter la cote sans toujours être remplacés en quantité et en qualité. Au passage, les conditions de sortie de l’électricien donneront aux investisseurs un bon aperçu du respect que la puissance publique porte aux droits des actionnaires minoritaires. D’autres sociétés, comme l’intermédiaire de paiement lyonnais Digital Virgo, préfèrent céder au vieux réflexe qui pousse les entreprises tech dans les bras du Nasdaq, malgré les efforts entrepris ces dernières années pour les retenir à domicile.
Net des retraits de cote et des rachats de titres, le rôle de la Bourse de Paris dans le financement en fonds propres des entreprises reste donc loin de celui d’un champion du monde. On peut en dire autant des marchés de capitaux européens dans leur ensemble. La place financière doit encore muscler son jeu avant de pousser des cocoricos.
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Paris - Après BMW et Mercedes-Benz, Stellantis: le nouveau patron du quatrième constructeur automobile mondial, l’Italien Antonio Filosa, a lui aussi remis en cause l’interdiction des ventes de véhicules thermiques en 2035 dans l’Union européenne, un objectif «pas réaliste» sans l’introduction de «flexibilités» pour les constructeurs affectés par la crise. «Les objectifs de baisse de 55% des émissions (de gaz à effet de serre) d’ici 2030 et d’interdiction des ventes de voitures thermiques en 2035 (dans l’Union européenne) ne sont pas réalistes tels que définis», a déclaré dans une interview aux Echos samedi le nouveau directeur général de Stellantis. «Il faut introduire des flexibilités qui contribueront à la fois à la décarbonation et au maintien de l’activité industrielle», a ajouté le successeur de Carlos Tavares à la tête du 4e constructeur automobile mondial (Jeep, Peugeot et Fiat). L’interdiction à partir de 2035 de la vente de voitures neuves à essence ou diesel, hybrides comprises, dans l’UE, emblème des ambitieuses mesures du Pacte vert européen (Green Deal), a été actée par la Commission européenne en mars 2023 malgré les réticences allemandes. Une clause «de revoyure» a été fixée pour 2026 afin de faire un premier état des lieux et éventuellement apporter des ajustements au texte. Cet objectif est contesté depuis plusieurs mois par une partie des constructeurs, confrontés à des ventes de modèles électriques qui patinent, à la concurrence chinoise grimpante, aux droits de douane américains et à la chute des bénéfices mondiaux. Des «assouplissements» peuvent être étudiés mais à condition qu’ils ne remettent «pas en cause» la sortie des énergies fossiles, avait indiqué en juin le ministère français de l’Industrie. Pression de l’industrie Le constructeur allemand de voitures premium BMW a proposé vendredi de repousser à 2050 l’interdiction. La semaine précédente Ola Källenius, patron de Mercedes-Benz et président de l’association des constructeurs européens (ACEA), avait qualifié l’objectif de 2035 d’"inatteignable». Sous la pression de l’industrie, la Commission européenne a déjà assoupli en mars les objectifs de réduction d'émissions de CO2 à moyen terme et sa présidente Ursula von der Leyen doit ouvrir la semaine prochaine un «dialogue stratégique» avec les constructeurs automobiles, peu après le début du salon de l’automobile de Munich (IAA), rendez-vous incontournable pour le secteur. «Il faut maintenant passer du dialogue stratégique à l’action stratégique. Et vite. Il ne faut pas sous-estimer le déclin rapide de l’industrie automobile européenne», a ajouté Antonio Filosa. Interrogé sur la remise en question de l'échéance 2035, il a réaffirmé le besoin de «leviers de flexibilité» pour «enrayer le cercle vicieux qui entraîne la baisse des ventes et retarde le renouvellement d’un parc automobile vieillissant». Il propose des mesures de «verdissement du parc type prime à la casse ou à la reconversion pour des véhicules plus récents», des «supercrédits CO2» pour les ventes de petites voitures électriques ou encore une meilleure valorisation des véhicules hybrides. Ces mesures visent à «redynamiser le marché» pour «réduire les coûts de production» et «rendre les voitures plus abordables». Priorités aux utilitaires électriques Comme l’avait fait début juillet Jean-Philippe Imparato, qui dirige la branche européenne de Stellantis, Antonio Filosa a réaffirmé que «les décisions les plus urgentes à prendre à Bruxelles concernent la trajectoire de décarbonation des véhicules utilitaires légers», un marché «en souffrance» car la demande des professionnels n’est pas au rendez-vous face aux coûts élevés. Cela «met en danger» des dizaines de milliers d’emplois et il faut «étendre de trois à cinq ans les objectifs de réduction des émissions de CO2» pour ce segment, estime-t-il. S’il rappelle que cet axe est stratégique notamment pour la France, «car l’une de nos plus grandes usines d’utilitaires est dans le Nord, à Hordain», il affirme, interrogé sur de potentielles fermetures d’usines, qu’il est «impossible de se prononcer à ce stade, nous devons d’abord voir comment évolueront les échanges sur la réglementation européenne». Dans un marché automobile mondial qui «se régionalise» sous la «double pression des droits de douane et des réglementations», poursuit M. Filosa, «l’Europe a choisi la voie de l'électrification complète, orientation que nous soutenons et sur laquelle nous avons fortement investi, mais dont nous questionnons aujourd’hui le rythme et la rigidité vu les réalités du marché». Mathilde DUMAZET © Agence France-Presse -
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