
L’emploi américain surprend à la hausse, les taux rebondissent

L’économie américaine a continué de créer des emplois à un rythme soutenu et nettement supérieur aux attentes en septembre, permettant au taux de chômage de se maintenir à un plus bas depuis plusieurs décennies.
Le département du Travail (US Bureau of Labor Statistics, BLS) a annoncé vendredi que les Etats-Unis avaient créé 336.000 emplois non agricoles (NFP) le mois dernier, après 227.000 en août, en données révisées fortement à la hausse (+40.000), selon l’enquête auprès des entreprises. Le taux de chômage s’est établi à 3,8%, soit au même niveau qu’en août, selon l’enquête auprès des ménages.
Les économistes sondés par le Wall Street Journal s’attendaient au contraire à ce que les créations de postes se maintiennent sous les 200.000 pour un quatrième mois consécutif - du jamais vu outre-Atlantique depuis 2018 - et tablaient en moyenne sur 170.000 embauches nettes en septembre, pour 3,7% de chômage.
Les emplois non agricoles de juillet ont aussi été révisés en hausse à 236.000 créations (+79.000), le BLS ayant pris la mauvaise habitude de réviser chaque mois depuis janvier les chiffres de plusieurs mois précédents - plutôt en baisse avant l’été.
Mercredi, ADP avait fait état de seulement 89.000 nouveaux emplois dans le secteur privé en septembre : encore une fois un grand écart avec le BLS, dans cette période post-covid où les instituts ont de grandes difficultés à corriger les statistiques des effets saisonniers habituels. «Nous pensons que les aléas saisonniers ont stimulé la croissance globale des NFP dans les secteurs des loisirs et peut-être encore dans l’emploi public», note Nancy Vanden Houten chez Oxford Economics. Les emplois gouvernementaux ont été à l’origine des révisions à la hausse en juillet et en août (voir graphique), ce qui l’amène à parler d’un rapport «désordonné» : la comparaison avec l’enquête des ménages sur de mêmes bases statistiques proposées par le BLS aboutirait… à une baisse de 7.000 créations d’emplois.
Pénurie de main d’oeuvre
Des recrutements même modestement plus importants que ce niveau sont susceptibles d’exacerber la plus grave pénurie de main d’oeuvre qu’aient connue les Etats-Unis depuis 1945 et de nourrir les doutes quant à la capacité de la Fed à restaurer la stabilité des prix sans avoir à durcir encore sa politique.
En août, le chômage avait quelque peu progressé mais ce phénomène peut s’expliquer par des variations saisonnières et rien n’indique que les plans sociaux se soient multipliés aux Etats-Unis. Les inscriptions au chômage sont par exemple retombées à leur niveau d’avant la crise sanitaire et oscillent autour de 200.000 par semaine, alors qu’elles ont tendance à dépasser les 300.000 lorsque l’économie se contracte.
Signe de tensions potentiellement élevées sur le marché du travail, les offres d’emploi ont également bondi de manière inattendue, pour s’établir à 9,6 millions en août après 8,9 millions en juillet selon les chiffres du département du Travail publiés mardi (Jolts).
La Fed reste très attentive à ces tensions dans le cadre de sa politique de lutte contre l’inflation, les pénuries de main d’œuvre pouvant entraîner des hausses de salaires susceptibles d’alimenter l’augmentation des prix. Mais en septembre, le salaire horaire moyen a progressé de 0,2% sur un mois, conformément aux attentes des économistes. Par rapport à septembre 2022, la hausse s’établit à 4,2%, contre 4,3% attendus par le consensus.
Vers une nouvelle hausse des taux ?
La Réserve fédérale (Fed) américaine a relevé ses taux Fed Funds à 11 reprises depuis mars 2022 pour freiner l’activité et faire redescendre l’inflation à 3,7%. Malgré le ralentissement constaté ces derniers mois, l’économie américaine continue d’absorber la totalité des nouveaux entrants sur le marché de l’emploi. Selon ses estimations, seuls 75.000 à 100.000 nouveaux emplois chaque mois seraient nécessaires pour maintenir le marché à l’équilibre.
Alors que le dernier rapport sur l’emploi avait amené la Fed à faire une pause le 22 septembre, ces chiffres sont susceptibles de lui mettre la pression pour remonter ses taux une nouvelle fois le 1er novembre (à 5,75%). Cette probabilité a grimpé de 20% jeudi à 27% vendredi, retrouvant presque son niveau du début de semaine selon l’outil FedWatch de CME Group. Les taux américains à 2 et 10 ans ont aussi rebondi de 5 points de base (pb), à 5,07% et 4,76%.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse