
Crédits à l’habitat : Attention aux effets indésirables des taux bas

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a publié le 23 juillet 2019, son rapport annuel sur le financement de l’habitat en 2018.
Dans un environnement de taux d’intérêt durablement bas, le marché de l’immobilier résidentiel a été très dynamique en 2018 : le nombre de transactions a atteint un nouveau pic historique de 970.000 ventes, bien au-delà de la moyenne de 788.000 observée depuis 2000, tandis que l’indice INSEE des prix dans l’ancien a progressé de 3,2% en métropole (+4,2% en Île-de-France et +2,8% en Province).
Dans cet environnement porteur, la production annuelle de crédits à l’habitat s’est élevée à 203 milliards d’euros en 2018, un chiffre toujours nettement supérieur au montant moyen annuel depuis 2003 (145 milliards d’euros), bien qu’en baisse par rapport à 2017 (-26%). Ce retrait s’explique par la chute des rachats de crédits externes (-67%), qui sont passés de 23,6% de la production annuelle en 2017 à 9,5% en 2018 et se maintiennent à ce niveau au premier trimestre 2019.
Dans le même temps, les encours de crédits à l’habitat ont franchi en 2018 la barre des 1.000 milliards d’euros (1.010 milliards au 31 décembre 2018), enregistrant sur l’année une croissance de 5,8% qui se maintient à ce rythme au premier trimestre 2019.
Les crédits à l’habitat octroyés par les banques françaises continuent d’être presque exclusivement à taux fixe (98,5% de la production en 2018), limitant ainsi les risques liés à une éventuelle remontée des taux pour les ménages, tandis que la quasi-totalité de l’encours (96,9%) bénéficie d’une protection de type caution, hypothèque ou garantie, permettant de limiter les pertes en cas de défaut d’un emprunteur pour les banques.
À cela s’ajoute une politique d’octroi principalement basée sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur, mesurée notamment au travers du taux d’effort à l’octroi (debt service to income ou DSTI) et non sur la valeur du bien financé.
En dépit de fondamentaux qui restent sains, la montée soutenue de l’endettement des ménages en France constitue un sujet de préoccupation du point de vue des risques qu’elle pourrait faire peser sur la stabilité financière. Dans ce contexte, la question de l’évolution des critères d’octroi reste primordiale. Or, comme en 2017, on observe une poursuite du relâchement des conditions d’emprunt des ménages, qui se prolonge au début de 2019:
- Le prêt moyen à l’octroi a augmenté de manière quasi ininterrompue depuis 2009 pour s’établir à 17.0187 euros en 2018, soit une hausse de 5,5% par rapport à 2017 qui reste supérieure à celle des prix de l’immobilier
- La durée moyenne des prêts à l’octroi a continué d’augmenter pour la troisième année consécutive pour retrouver son niveau de 2008 à 19,9 ans, soit une augmentation de 11 mois par rapport à 2017.
- Le taux d’effort moyen à l’octroi s’inscrit en légère hausse pour la troisième année consécutive pour atteindre 30,1% en 2018 (+0,4 point de pourcentage par rapport à 2017) mais reste toujours en deçà du niveau de 2009 (31,6%).
- Le taux d’endettement moyen à l’octroi a également nettement augmenté pour la troisième année consécutive pour atteindre 5,2 ans en 2018 (+4 mois par rapport à 2017), son plus haut niveau depuis 2004.
- Le rapport entre le montant des prêts et la valeur des biens financés (loan to value ou LTV) à l’octroi a augmenté pour la quatrième année consécutive (+0,3 point), pour atteindre 87,3%, son plus haut niveau depuis 2001. Toutefois, la quasi-totalité des prêts étant amortissables et les prix de l’immobilierétant de nouveau orientés à la hausse, la LTV moyenne en cours de vie est plus faible que la LTV moyenne à l’octroi et demeure relativement stable depuis 2016, aux alentours de 69%.
L’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR) et la Banque de France restent donc particulièrement vigilantes quant à l’évolution des risques liés au financement de l’habitat; il convient que les établissements prêteurs se montrent des plus prudents quant aux conditions auxquelles ils financent les acquéreurs. Compte tenu de l’importance dans la production des emprunteurs déjà propriétaires disposant de revenus et d’une surface financière plus importante, les risques semblent toutefois contenus, comme en témoignent la faible sinistralité des crédits, tant en termes de stock (taux d’encours douteux de 1,3% au 31 décembre 2018, en baisse de 13 points de base par rapport à 2017), qu’en termes de flux (les passages en défaut sur 12 mois ont représenté 0,73% de l’encours au premier trimestre 2019, un plus bas depuis mi-2015).
Le coût du risque reste quant à lui négligeable, à 3 points de base en 2018, en-dessous de sa moyenne depuis 2006 (5 points de base). Cette sinistralité réduite se reflète dans les taux de pondération faibles qui continuent de baisser (de 0,4 point sur 12 mois à 11,3% en juin 2018) mais restent dans la norme, en particulier lorsqu’on tient compte de la couverture des risques par les organismes de caution.
Cependant, en dépit de la stabilité du coût moyen du passif et de la légère baisse des frais généraux, le taux de marge nette de l’encours de crédits à l’habitat a continué à se dégrader en 2018 sous l’effet de la baisse rapide du taux d’intérêt moyen perçu (de 2,2% en décembre 2017 à 2% en décembre 2018). Les taux à la production restant inférieurs au taux moyen de l’encours, le renouvellement du stock de crédits devrait continuer à réduire le taux d’intérêt moyen de l’encours encore quelque temps, exerçant une pression supplémentaire sur les marges.
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