
Alexandre Claudet, président d’Aestiam : «Ce qui se passe sur le marché des SCPI n’est pas catastrophique»

L’Agefi Patrimoine : Les décotes de prix de parts s’enchainent, avec des baisses allant jusqu’à -17% et pourtant, vous appelez au calme…
Alexandre Claudet : Le contexte économique marqué par de fortes hausses des taux d’intérêt a des impacts sur l’ensemble des secteurs et bien entendu sur celui de l’immobilier. Ce qui se passe aujourd’hui sur le marché n’est pas catastrophique. Il faut garder en tête que l’immobilier, et encore plus les SCPI, sont des investissements de long terme, souvent intégrés à des stratégies d’épargne retraite. Mais l’envol des collectes et l’attractivité des SCPI ces dernières années a pu faire oublier quelques fondamentaux : regarder les indicateurs du fonds, comprendre comment se forme la performance et se souvenir que l’achat de SCPI comporte des risques, notamment de perte en capital. Il faudra faire preuve de plus de pédagogie, de plus de transparence. Cela me convient car c’est le credo d’Aestiam depuis longtemps ! De même, la comparaison avec le fonds euro m’a toujours paru surprenante. Comme toute classes d’actifs, l’immobilier connait des cycles. Après des années de hausse, le marché s’est grippé. Les arbres ne montent pas au ciel. Mais les SCPI possèdent des mécanismes qui leur permettront de passer cette période.
Vous conseillez donc aux CGP et leurs clients de serrer les dents ?
Je dirais deux choses. La première est de faire attention aux prophéties autoréalisatrices. En paniquant, en voulant sortir précipitamment, ils pourraient mettre des fonds en difficultés et créer par là-même des problèmes de liquidité qui n’auraient pas eu lieu.
Deuxième point : il ne faut pas faire de généralités. Toutes les SCPI ne se comporteront pas de la même façon. Ne les mettons pas toutes dans le même panier alors qu’il y a différents marchés. Si on ne distingue pas leurs sous-jacents respectifs, ni leurs caractéristiques propres, on peut vite arriver à des amalgames ! Ne serait-ce que le bureau par exemple : le marché est très segmenté. Ce n’est qu’une partie des actifs qui souffrent véritablement aujourd’hui. On ne peut pas dire que l’ensemble des bureaux soit en difficultés.
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Beaucoup s’étonnent de l’importance des décotes de prix de parts, au point de douter des évaluations de fin 2022…
Sur certaines typologies d’actifs, le marché a bougé très vite, mais seulement depuis le début d’année. Les transactions ont fortement ralenti au quatrième trimestre 2022 sans que les ajustements de prix se fassent. Or, les expertises, qui commencent plus tôt, n’ont pas intégré ces corrections. D’où cette impression de décrochage très fort.
Les jeunes SCPI semblent tirer leur épingle du jeu. Sont-elles vraiment les gagnantes de la crise ?
Effectivement, on entend beaucoup dire qu’il faut investir sur ces SCPI, dont certaines caracolent en tête des collectes. Si c’est pour leur taille qui leur confère une bonne agilité et donc une capacité à profiter positivement des nouvelles conditions de marché, oui. Mais attention aux effets trompeurs : on a souvent tendance à voir ce qui brille sans soulever le capot et regarder le moteur. Je préfère me tourner vers des SCPI d’un format comparable mais dont l’essentiel des actifs n’aura pas été acheté en haut de cycle et qui auront déjà constitué des réserves. De manière générale, dans un souci de pérennité des rendements sur la durée, il faut s’assurer que les conditions d’aujourd’hui pourront être reproduite demain sans se laisser griser par des taux de charges ou des taux d’occupation qui ne pourront qu’évoluer. Ce qui a été distribué un jour ne pourra plus l’être le lendemain !
De manière globale, je dirais que c’est une bonne période pour investir dans les SCPI car elles achèteront dans de meilleures conditions que ces dernières années et que de toute manière, elles rentrent dans des stratégies patrimoniales de long terme. Les prix de certaines typologies d’actifs baissent, du fait de la hausse des taux, de leurs caractéristiques mais aussi du besoin de certains vendeurs à céder rapidement. Les investissements qui seront faits seront relutifs et amélioreront leur rendement. Malheureusement, le moment est aux interrogations et aux doutes. Les investisseurs, un peu inquiets pourraient vouloir s’éloigner plutôt que rentrer sur le marché…
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La liquidité de votre SCPI Aestiam Pierre Rendement inquiète (353 jours de délais de cession). Comment expliquez-vous cet embouteillage ?
D’abord par la concomitance de deux évènements : la fermeture du marché secondaire d’Aestiam Pierre Rendement pour plusieurs semaines lors de sa transformation en SCPI à capital variable en 2019, puis tout de suite après, l’arrivée du Covid qui a plus fortement pesé sur les actifs de commerce et d’hôtellerie. Ces deux classes d’actifs ont suscité la méfiance des investisseurs et provoqué quelques sorties anticipées, en plus des sorties courantes, mais surtout pas assez de souscriptions pour offrir des contreparties. 5% des parts sont encore en attente de sorties aujourd’hui. Bien que la SCPI fonctionne bien, les délais de retrait pèsent encore sur son attractivité.
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Pourquoi le fonds de remboursement n’a pas permis de débloquer la situation ?
Un fonds de remboursement ne règle pas tous les problèmes ! Les gérants doivent l’alimenter soit en prenant sur le résultat d’exploitation de la SCPI, ce qui serait contreproductif, soit en cédant des actifs. Cela peut prendre du temps car il faut bien sûr préserver la qualité du patrimoine du fonds pour la très grande majorité des associés qui ne sont pas sortants. De plus, la règlementation impose de fixer un prix de retrait inférieur ou égal à la valeur de réalisation de la SCPI ce qui amène à un prix de retrait inférieur à celui qui est théoriquement en vigueur, d’où le fait que les investisseurs sortants peuvent refuser ce choix. Ils restent alors dans le carnet d’ordre et continuent d’être comptabilisés comme « en attente », ce qui envoie un signal négatif au marché. Si seuls les associés qui ont un besoin impératif de liquidité restaient positionnés dans le carnet d’ordre, la SCPI retrouverait une liquidité normale...
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