
Quelle place pour les crypto-actifs dans la gestion de patrimoine ?

Par Valentin Iehl, co-fondateur de Smart-Asset
Le rôle du CGP dans cette nouvelle classe d’actifs
En tant que professionnel indépendant de la gestion de patrimoine, apporter du conseil sur des crypto-actifs reste très délicat. La réglementation sur le sujet reste floue au regard des obligations et du devoir de conseil qui encadrent l’activité.
La loi Pacte permet déjà aux CIFs de conseiller un produit dont le sous-jacent est un crypto-actif par l’intermédiaire d’un investissement dans un FPCI (Fonds Professionnel de Capital investissement) ou dans un FPS (Fonds Professionnel Spécialisé) qui peuvent investir dans la limite de 20 % de leurs actifs dans des crypto-actifs. Ces fonds qui peuvent être éligibles à l’assurance-vie permettent d’avoir une exposition indirecte aux actifs numériques.
Cependant, ces fonds sont soumis à des critères d’éligibilité spécifiques (investisseur professionnel ou contrepartie éligible au sens AMF) en plus des obligations habituelles relatives au conseil approprié, ce qui restreint d’office le public cible.
Il y a un réel enjeu autour de la réglementation, puisque c’est elle qui va pouvoir donner les directives pour protéger au mieux les épargnants-investisseurs qui se retrouvent trop souvent livrés à eux-même dans l’univers des cryptos.
Même si le professionnel n’est pas en mesure de proposer du conseil spécifique sur des crypto-actifs notamment par manque d’aisance ou de connaissance sur le sujet, il doit tout de même sensibiliser son client aux risques auxquels il s’expose : aucune protection du capital, volatilité extrême, risques divers (opérationnel, de marché, de change…) et absence de protection en cas de perte ou de vol des actifs, notamment via une détention sur un portefeuille non custodial. En définitif, l’exposition médiatique et les nouveaux usages offerts par les cryptos-actifs vont continuer à alimenter les débats sur l’intégration de cette classe au sein du patrimoine d’un épargnant.
Au sein d’un secteur qui évolue très rapidement, la réglementation essaye de suivre le pas au détriment parfois de l’innovation et de la construction, des échanges continus avec l’ensemble des parties prenantes de l’industrie seront nécessaires pour proposer un cadre qui soit bénéfique à tous les acteurs que ce soit sur les aspects de compétitivité économique, de souveraineté numérique et de protection des investisseurs-épargnants.
Enfin, à l’heure où l’ESG, l’ISR, et plus largement les investissements à impact sont aussi au centre des discussions, une attention toute particulière devra être portée quant à l’impact des crypto-actifs au regard de ces sujets.
Au-delà de ces réflexions indispensables, intégrer des crypto-actifs dans le patrimoine des clients est une possibilité à envisager, compte tenu du très fort développement du secteur.
Un univers d’opportunités pour l’allocation client
Le marché des crypto-actifs est aujourd’hui un marché à part entière qui se développe à vitesse grand V.
Rien qu’en France, on observe nombre d’entreprises traditionnelles qui se lancent dans l’écosystème à travers les NFT et le métavers. Certaines sociétés de gestion de portefeuille ou de private equity se spécialisent notamment sur les thématiques cryptos. Des acteurs bancaires pourraient, à terme, opérer des rapprochements avec l’industrie crypto (on pense notamment à ODDO-BHF qui a participé à la dernière levée de fonds de Coinhouse ou encore Société Générale, groupe très investi dans l’écosystème via Forge).
La réglementation n’est pas non plus en reste, avec notamment le régime PSAN introduit par la loi Pacte et les futurs MICA et Régime Pilote Européen DLT.
Ces dispositions sont la preuve d’un écosystème en ébullition, visant à favoriser la démocratisation de cette typologie d’actifs au sens large au sein d’un patrimoine.
Et ceci grâce aux multiples facettes de l’écosystème offrant une diversité de projets, de protocoles aux utilités et aux cas d’usages variés qui en font un vivier d’opportunités et de diversification.
Mais pour pouvoir apprécier la réalité des projets qui composent cet écosystème, il faut savoir occulter le rendement et la volatilité à court terme pour se concentrer sur des “fondamentaux” de long terme.
Il ne faut pas s’y tromper, les crypto-actifs peuvent avoir une place de choix dans le patrimoine d’un épargnant, mais il faut à tout prix éviter d’y être surexposé, au même titre qu’un autre investissement alternatif. Le secteur reste encore peu mature, en constante évolution, et comporte des risques plus qu’élevés de perte en capital en raison de la spéculation qui entoure ces actifs.
Pour les aficionados du milieu, le récent crash du stablecoin UST, qui devait initialement respecter une parité 1 UST = 1 $, est bien la preuve du risque inhérent à ce type d’investissement.
Afin d'éviter le maximum de déconvenues, il convient de se renseigner sur les projets qui vous intéressent, creuser le sujet, analyser les cas d’usage, les roadmaps, les stratégies de déploiement et d’évolution dans le temps. En somme, comme pour tout investissement, il est primordial de comprendre ce sur quoi on place son argent.
Au même titre que d’autres investissements très risqués, un horizon d’investissement à long terme est requis pour gérer au mieux la volatilité. Tout en gardant en tête que le dernier bear market sur le marché des cryptos en 2018-2019 a entraîné la disparition de 95% des projets. Seuls les plus résilients, bénéficiant d’un fort capital de confiance, sont toujours présents. Avec une approche similaire aux investissements sur les marchés traditionnels, il faut diversifier au maximum les investissements et ne pas faire preuve de maximalisme.
Les arnaques restent aussi légion dans le milieu. S’appuyer sur les courtiers enregistrés PSAN par l’AMF - à défaut d’avoir des acteurs agréés qui sont soumis à une réglementation plus poussée - ou bien des sociétés de gestion (agréées elles aussi par l’AMF) restent les meilleures solutions pour s’exposer.
Plus d'articles du même thème
-
Franklin Templeton et Binance s'unissent pour lancer des actifs numériques
Le gestionnaire accélère dans la digitalisation des titres en misant sur la force de frappe de la plus grande plateforme de trading de crypto. -
Kraken étend son offre de trading actions et ETF à l'Union européenne
La plateforme d'échange de cryptomonnaies se lance dans le trading d’actions américaines et ETF, via des jetons xStocks de la blockchain Solana. -
Klarna et la crypto réveillent les introductions à Wall Street
Le succès de la cotation du spécialiste du paiement fractionné, associé à l’engouement provoqué par les projets d’introduction en Bourse de plusieurs acteurs des cryptoactifs, illustre l’intérêt des investisseurs pour les valeurs financières de nouvelle génération.
Sujets d'actualité

ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- Tracfin a encore intensifié ses signalements en 2024
- Sébastien Lecornu commence son chemin de croix budgétaire avec Fitch Ratings
- L’exonération du régime mère-fille dépasse le seul cadre de l’impôt sur les sociétés
- L’Union européenne cherche la clé d’une épargne retraite commune
- Eric Rosenthal quitte le groupe Apicil pour AG2R La Mondiale
Contenu de nos partenaires
-
Népal : après les émeutes meurtrières, l'armée poursuit les tractations politiques
Katmandou - Les tractations politiques s’accélèrent vendredi au Népal autour du chef de l’armée pour tenter de nommer un nouveau Premier ministre, après les émeutes anti-gouvernementales du début de semaine, qui ont fait au moins 51 morts. Depuis mercredi, le général Ashok Raj Sigdel reçoit et consulte de nombreuses personnalités pour trouver un successeur à KP Sharma Oli, contraint mardi par la rue à présenter sa démission. Il devait s’entretenir vendredi après-midi avec le président Ramchandra Paudel, l’ex-cheffe de la Cour suprême, Sushila Karki, et une figure de la contestation, Sudan Gurung, a annoncé à l’AFP un porte-parole des manifestants, Nimesh Shresth. Réputée pour son indépendance, Mme Karki, 73 ans, est pressentie pour prendre la tête de la transition mais elle ne fait pas l’unanimité, notamment parmi les jeunes manifestants. La crise - la plus meurtrière survenue au Népal depuis l’abolition de la monarchie en 2008 - a débuté lundi, lorsque la police a ouvert le feu sur des jeunes manifestants qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites. Une vingtaine de manifestants ont été tués, des centaines d’autres blessés, nourrissant l’indignation et la colère de la population. Le lendemain, le chef du gouvernement a tenté de reprendre la main en ordonnant le rétablissement de Facebook, Youtube et X et promis une enquête «indépendante» sur les violences policières. Mais rien n’y a fait: des jeunes réunis sous une bannière «Génération Z» ont investi les rues de la capitale Katmandou et mis à sac de nombreux bâtiments publics, résidences de dirigeants politique et autres symboles du pouvoir. «Très tendu» Le parlement a été incendié, comme la résidence du Premier ministre, qui n’a eu d’autre choix que de présenter sa démission. Âgé de 73 ans, le chef du Parti communiste (maoïste) népalais, qui a dirigé quatre fois le gouvernement depuis 2015, menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Il incarnait l'élite dont la jeunesse du pays, largement privée d’emploi et lassée de la corruption, exigeait le départ. Les troubles ont fait «au moins 51 morts (...) dont 21 manifestants et 3 policiers», a déclaré vendredi à l’AFP un porte-parole de la police, Binod Ghimire. L’armée a repris le contrôle de la capitale. Ses soldats en armes, accompagnés de véhicules blindés et de chars, continuaient vendredi à patrouiller dans les rues désertes de Katmandou sous couvre-feu. Ses habitants ont été autorisés à sortir vendredi matin quelques heures pour se ravitailler, alors que se poursuivait le grand nettoyage engagé pour effacer les traces des destructions de mardi, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Notre priorité, c’est de faire le plein de carburant parce qu’on a besoin de notre moto pour aller travailler», a déclaré à l’AFP Laxmi Thapa, 32 ans, ravie de pouvoir mettre le nez dehors. «On est sorti aujourd’hui car la situation s’améliore», s’est-elle réjoui aux côtés de son mari. «C'était très tendu, on est resté à l’abri chez nous». «Exigences» La gigantesque chasse à l’homme lancée pour retrouver les quelque 13.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leur prison continuait à battre son plein dans tout le pays. Moins d’un millier ont été rattrapés à ce jour, certains sur le sol de l’Inde voisine, a précisé vendredi le porte-parole de la police: «12.533 sont toujours en cavale». Le président du Népal, Ramchandra Paudel, a promis jeudi de faire «tous les efforts» pour «trouver une issue à la situation difficile que connaît le pays». L’octogénaire, à qui la Constitution impose de nommer le Premier ministre, a promis d’y parvenir «aussi vite que possible» et «de satisfaire les exigences des citoyens qui ont protesté». Les discussions sont toujours animées dans les rangs des représentants de la «Génération Z», qui peinent à s’accorder sur un nom pour diriger une transition qu’ils veulent radicale. «Nous voulons que ça change», a exhorté jeudi Sudan Gurung. «Notre première exigence, c’est la dissolution du Parlement. Et la fin de la corruption doit être une priorité absolue». «Nous voulons la transparence du gouvernement, une éducation de qualité, des opportunités d’emploi et une vie digne», a énuméré un autre, James Karki, 24 ans, devant la presse. «Je veux croire que l’armée va nous entendre». Paavan MATHEMA © Agence France-Presse -
Troisième acte
Retraite progressive : une option encore trop sous-utilisée
Chaque semaine, avec l’Opinion, retrouvez les conseils d’Emmanuel Grimaud, président de Maximis et expert en gestion des fins de carrière pour mieux gérer votre troisième partie de vie professionnelle -
Selon la Banque de France, une nouvelle baisse de taux de la BCE est "tout à fait possible"
Paris - Le gouverneur de la Banque de France a expliqué vendredi qu’au vu des risques actuels de nature à faire fluctuer l’inflation européenne, une nouvelle baisse de taux de la BCE au cours des prochaines réunions était «tout à fait possible». «Rien n’est prédéterminé à l’avance, mais il est tout à fait possible qu’il y ait une autre baisse de taux dans les réunions qui viennent», a déclaré François Villeroy de Galhau sur BFM Business, estimant que, concernant l’inflation, «les risques sont plutôt à la baisse dans le futur proche». Le gouverneur a tenu ces propos au lendemain du maintien de ses taux directeurs par la Banque centrale européenne. L’inflation «se situe actuellement autour de l’objectif à moyen terme de 2%» et les perspectives d’inflation sont «globalement inchangées», avait observé la banque centrale. M. Villeroy de Galhau a souligné qu’il avait été «beaucoup discuté», au cours de cette réunion, des risques dans les deux sens pesant sur l’inflation. «Nous avons été plusieurs, dont moi, à souligner les risques plutôt à la baisse sur l’inflation dans le futur proche», a-t-il ajouté, et de nature à la faire passer sous 2%. Il a ainsi cité «l’appréciation de l’euro contre le dollar: chaque fois que l’euro s’apprécie de 3 centimes contre le dollar, et c’est à peu près ce qu’on a vu depuis le mois de juin, ça fait au moins 0,1% d’inflation en moins». Il a aussi évoqué «la montée des importations chinoises à relativement bas prix», qui ont «augmenté de 12%» sur un an pendant «les trois derniers mois de 2025". Parallèlement, «nous avons regardé s’il y avait des risques d’inflation à la hausse», a poursuivi le gouverneur, jugeant «clair» que «l’accord (...) conclu avec les États-Unis fin juillet (imposant des droits de douane de 15% aux produits européens entrant aux Etats-Unis, NDLR) n’entraînera pas, lui, d’inflation supplémentaire en Europe». «Donc les risques à la hausse sur l’inflation me paraissent plus faibles que les risques à la baisse». Il a estimé qu’en matière de taux, la BCE devait, «plus que jamais, montrer (...) un pragmatisme agile», c’est-à-dire «décider en fonction des données et des prévisions» mais être «prêt(e) à bouger s’il le faut». Il a relevé que «l’interprétation des marchés» après le statu quo de jeudi avait «peut-être montré une certaine exagération dans l’interprétation restrictive": l’euro a grimpé, les marchés semblant avoir compris que les taux de la BCE seraient sur pause pendant une durée prolongée. © Agence France-Presse