La banque privée construit son écosystème technologique

AM TECH
Benoît Menou
technologoe - banque

Innover ensemble : qui est le partenaire idéal ? : le thème de l’AM Tech Day sied à la banque privée. Dont les acteurs ne peuvent ignorer l’exigence de transformation technologique pour garder le bon cap. Une navigation hasardeuse en restant isolé. Exploration en compagnie des participants à la table ronde dédiée lors de l’événement organisé par L’Agefi ce mardi 5 octobre. « L’externalisation est un sujet stratégique d’actualité pour notre secteur, tout le monde a intégré cette logique », avance Olfa Maalej, directrice des produits et solutions chez Neuflize OBC. « Nous devons aller chercher des solutions si nous estimons qu’elles peuvent être meilleures ou moins chères », poursuit la dirigeante de la banque privée filiale d’ABN Amro. « Nous mutualisons les investissements pouvant servir au plus grand nombre de clients », pointe Bruno Piffeteau, responsable France d’Allfunds. Cette wealthtech BtoB met en relation gestionnaires et distributeurs de fonds.

Un rôle d’intégrateur

« Historiquement, l’électronisation des années 90 a suscité l’explosion de l’innovation au sein même des banques. Qui, dans les remous de la crise internet de 2000, se sont davantage concentrées sur le client et moins sur la technologie », explique Zakaria Laguel, cofondateur du robo-advisor WeSave, désormais logé au sein d’Alto Wealth & Distribution dont il est coresponsable. Cela chez Amundi Technology, nouveau pôle du gestionnaire d’actifs offrant des prestations externes en épargne. « Les fintechs sont aujourd’hui incontournables, elles prospèrent sur cette opportunité de créer de la technologie qu’elles ne distribuent pas forcément en direct », poursuit le dirigeant.

On comprend que la tendance touche tout le spectre d’activités de la banque privée, du perfectionnement du processus d’investissement à l’optimisation du back-office ou à une gestion plus fine des risques. Bruno Piffeteau cite l’exemple d’« une banque privée qui va s’appuyer sur notre plateforme digitale pour ses besoins en matière ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR). Nous lui proposons des services personnalisés de sélection ou due diligence des sociétés de gestion et des fonds, ainsi que des capacités de simulation de portefeuilles et des reportings clients sur mesure. » Olfa Maalej, de son côté, cite la collaboration avec The Hokus Platform visant à optimiser la distribution d’assurance par la banque. Au menu, rationalisation de la saisie d’informations et des contrôles, meilleure visibilité sur les étapes de traitement des opérations…

« Plus qu’une fintech, nous sommes le trait d’union entre les banques privées et les fintechs proposant une gamme complète de services et de produits bancaires digitaux », indique Stéphane Gomis, directeur général adjoint d’Azqore. Cette filiale d’Indosuez Wealth Management (avec Capgemini pour actionnaire à 20 %) propose, avec sa plateforme front-to-back, une externalisation des fonctions IT cœur et des outils front des banques privées. Azqore participe à des économies d’échelle pouvant aller jusqu’à 40 % sur le fonctionnement informatique. Aux yeux de Stéphane Gomis, les fintechs qui vont se démarquer sont celles pouvant jouer le rôle d’intégrateur. Et tout l’enjeu pour la banque privée, note le dirigeant, est de « gérer la cohérence de ces différents apports, ce mille-feuilles de solutions servies directement ou indirectement par les fintechs. » Allfunds est ainsi, selon Bruno Piffeteau, une plateforme « composée d’éléments que nous développons seuls ou avec d’autres ». « Si une fintech veut travailler avec une banque, elle doit elle-même être en architecture ouverte. Pour être efficace, c’est indispensable », abonde Zakaria Laguel. « Cela dépend tout de même de la stratégie de chaque banque », nuance Olfa Maalej. « Chez ABN Amro, nous allons continuer de travailler avec des fintechs autour de services spécifiques, nous pouvons acquérir des participations minoritaires chez nos partenaires afin de renforcer nos relations », précise la dirigeante de Neuflize OBC. L’intégration se fait alors plus volontiers au sein de la banque : selon Olfa Maalej, « les partenaires apportent des briques que nous intégrons dans notre chaîne de valeur ». Certes, « nul ne peut prétendre être intégrateur unique sur la totalité des missions à mener », concède le directeur général adjoint d’Azqore.

Diplomatie

Le thème de la maîtrise de la donnée constitue de l’avis général un enjeu majeur pour la banque privée de demain. « Nous devons répondre à l’élévation des exigences de nos clients en matière de standards de services attendus, note Olfa Maalej. L’aspect digital est pour eux un acquis désormais, et avec lui la gestion optimale des données. L’agrégation des comptes est une bonne illustration, nos clients étant le plus souvent multibancarisés. » « La banque privée est sur ce point de l’agrégation en retard par rapport à la banque de détail, bien souvent elle ne dispose pas encore de solution », souligne Stéphane Gomis chez Azqore. Olfa Maalej le reconnaît, « nous suivons cette question mais n’avons pas encore choisi d’agrégateur. Pas surtout par manque de propositions, mais dans l’attente d’harmoniser nos décisions pour l’ensemble du groupe ABN Amro ». « Il semble, d’une façon générale, difficile de proposer des solutions locales, l’approche doit vraiment être transfrontalière », relève Zakaria Laguel.

Sur le terrain, la réussite pratique de la collaboration passe par une mobilisation des équipes. « L’aspect humain est crucial », pointe Zakaria Laguel. « Notre présence peut légitimement inspirer de la frustration aux équipes de la banque, qui doivent sortir de leur zone de confort. Nous devons faire preuve de beaucoup de diplomatie pour avancer ensemble. Il faut dès le départ tordre le coup aux préjugés », précise le cadre d’Alto Wealth & Distribution.

L’humeur de conception et d’application de la relation « est un point très important, abonde Olfa Maalej. Les réticences internes d’équipes pouvant se sentir menacées sont compréhensibles, nous devons démystifier la relation avec les fintechs. Il doit s’agir d’une expérience gagnant-gagnant pour l’ensemble des acteurs ». Zakaria Laguel en donne l’illustration avec le partenariat noué entre WeSave et LCL qui « est un bel exemple de complémentarité et d’apports mutuels entre les équipes de la banque et de la fintech, permettant une accélération de la digitalisation du conseil dans une démarche de co-construction avec une feuille de route centrée sur les besoins du banquier privé comme du client final ». Qui n’en attend pas moins.

Un évènement L’AGEFI

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