
Le défi de la relève de Philippe Brassac au Crédit Agricole

Qui va succéder à Philippe Brassac à la tête du Crédit Agricole ? Voilà des mois que la banque verte est traversée de cette question. Si le débat est feutré, il n’en est pas moins puissant. Les enjeux de cette transition vont bien plus loin que la simple question de l’incarnation de la banque par son directeur général. Ils touchent à la cohésion du groupe avec, en point d’orgue, les questions de l’intégration et de l’organisation du pouvoir.
Au cours des vingt-trois ans depuis la cotation en Bourse de Crédit Agricole SA – la filiale qui porte les différents métiers, de la gestion d’actifs à la banque de financement en passant par l’assurance ou LCL, à l’exception de l’activité des banques régionales -, le groupe bancaire, né au 19e siècle, a traversé bien des crises.
Une gouvernance pacifiée
Or, les dix années qui s’apprêtent à se refermer avec la fin du double mandat de Philippe Brassac à la tête de Crédit Agricole SA font figure de parenthèse enchantée pour le groupe bancaire mutualiste. Pendant cette décennie, l’architecture souvent complexe de la gouvernance mutualiste - qui a souvent fait sa force, mais aussi, par moments, sa faiblesse - a pu être maîtrisée et clarifiée. Le triumvirat de gouvernance formé par Philippe Brassac avec Dominique Lefebvre, le président de Crédit Agricole SA, également à la tête de la FNCA, l’instance de représentation des Caisses régionales, et de la SAS La Boétie, le véhicule qui porte la participation de 60% dans la banque cotée, et avec Raphaël Appert, premier vice-président de la Fédération et vice-président du conseil de CASA, est parvenu à pacifier les relations au sein du groupe.
A la clé, une combinaison spectaculaire de croissance et rentabilité et deux plans stratégiques réussis. Sur la période 2015-2023, la banque cotée, Crédit Agricole SA a vu ses revenus progresser de 43%, à 24,6 milliards d’euros, et son résultat net s’envoler de 80% à 6,3 milliards. Pour l’ensemble du groupe, c’est-à-dire en intégrant les banques régionales, le produit net bancaire et le résultat net ont progressé de 12% et de 38%, respectivement à 35,6 milliards et 8,3 milliards d’euros.
Pourtant, la différence manifeste de rythme est un enjeu bien identifié au sein du groupe. La croissance est bien plus soutenue dans les métiers logés chez Crédit Agricole SA qu’au sein des banques régionales qui demeurent dépendantes de la santé économique de l’Hexagone. Les craintes de certaines caisses ? Se voir peu à peu réduites à un simple rôle d’actionnaires, de plus en plus dépendantes des dividendes de Crédit Agricole SA, et perdre leur autonomie alors qu’elles doivent relever le défi du renouvellement de leur clientèle.
Or, ces banques de plein exercice n’ont souvent plus les mêmes priorités les unes par rapport aux autres, en raison de la diversité de leurs territoires, ni surtout les mêmes moyens à déployer. C’est à l’aune de ce défi stratégique que devra sans doute s’apprécier le choix du futur patron de Crédit Agricole SA.
Six candidats
Pas moins d’une demi-douzaine de candidats, 100% hommes, sont en lice, tous membres du comité exécutif de Crédit Agricole SA, à l’exception de Michel Ganzin, aujourd’hui directeur général de la caisse Paris Ile-de-France, la caisse régionale la plus importante du groupe en termes de résultats comme de revenus. Parmi eux figurent Jean-Paul Mazoyer, directeur général adjoint, chargé des technologies et du paiement, très impliqué dans le dossier Worldline, où le Crédit Agricole a pris un ticket et apporté des actifs, Gérald Grégoire, à la tête du pôle client et développement, l’enjeu majeur du groupe pour les dix prochaines années, et Stéphane Priami, directeur général de CA Personal Finance & Mobility, où la banque ne cache pas ses ambitions. Quatre «quinquas».
Enfin, deux des trois directeurs généraux délégués de la banque se sont également engagés dans le processus de sélection. Jérôme Grivet, ancien patron de LCL et de Crédit Agricole Assurances, passé par HEC et l’ENA, est l’homme qui parle aux investisseurs et aux marchés, couvrant notamment, en tant que responsable du pilotage et des fonctions de contrôle, la direction financière.
Dans ce parcours sans faute, il est pourtant le seul à ne pas avoir dirigé de caisse régionale, un élément susceptible de peser, notamment face au dernier candidat en lice, Olivier Gavalda qui a fait toute sa carrière au sein du groupe, alternant fonctions centrales et directions en région. Il est, depuis 2022, directeur général délégué chargé de la banque universelle, le cœur du réacteur du groupe. Toutefois, à bientôt 61 ans, cette figure consensuelle ne pourrait être, le cas échéant, comme Jérôme Grivet, âgé pour sa part de 62 ans, que l’homme d’un seul mandat.
A lire aussi: Le Crédit Agricole à la rescousse de Worldline, un enjeu de souveraineté
Temps long ou pape de transition ?
Désormais, le processus s’accélère, avec une fumée blanche attendue d’ici à la fin de l’année. «La décision sera bien évidemment collective, mais Dominique Lefebvre et Raphaël Appert pèseront très lourd dans le dispositif et dans le choix», convient un banquier, rompu aux arcanes du groupe. Tous deux sont aux commandes du comité des nominations et de la gouvernance de la banque cotée.
«Leur souhait le plus cher est d’arriver à reproduire une gouvernance inscrite dans le temps long», poursuit ce bon connaisseur du groupe. Avec, en clair, l’espoir de pouvoir offrir au prochain directeur général la possibilité de réaliser deux mandats, gage de temps pour effectuer les transformations nécessaires. «Mais si c’est au prix d’un risque de fragilité de la cohésion, ils n’hésiteront pas.»
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse