
L’IA générative met les gérants au défi de la maîtrise des données

La dernière évolution de ChatGPT — l’outil d’intelligence artificielle d’OpenAI — a provoqué un engouement mondial pour l’intelligence artificielle générative. Dans le secteur de la gestion d’actifs, l’IA permet aux gérants de portefeuille de gagner en efficacité, dans leurs analyses des risques et le choix d’allocation d’actifs. Une technologie dans laquelle les sociétés de gestions d’actifs investissent massivement, mais qui soulèvent également des interrogations. Comment maîtriser la gestion des données ? S’assurer de leur fiabilité ?
A l’occasion de l’AM Tech Day, événement annuel organisé par L’Agefi et dédié à l’asset management et ses transformations technologiques, plusieurs acteurs ont partagé le 3 octobre leurs perspectives. “C’est un sujet absolument brûlant. Chez BlackRock, nous sommes convaincus que l’IA générative va être une révolution”, annonce Philippe Verboogen, responsable au niveau mondial des clients actifs sur les marchés privés chez BlackRock, en évoquant les investissements engagés par la firme américaine. Celle-ci est concernée à la fois comme asset manager et comme fournisseur de solutions technologiques. BlackRock Solutions est en phase de test sur certains cas d’usages, avec notamment la nécessité “d’éduquer des modèles massifs de langage”. Dans la gestion d’actifs, plusieurs pilotes dédiés à la captation d’information et la production de rapports d’analyses, ainsi qu’à la modélisation du risque et de gestion d’allocation d’actifs sont également en cours.
Structurer
Un potentiel séduisant, mais dont les défis restent nombreux. Ceux-ci sont principalement liés à la gestion d’une masse de données financières et extra-financières, dont il faut déterminer les propriétaires, mesurer la fiabilité et s’assurer qu’elles soient utilisées de manière éthique. Des enjeux majeurs dont se saisissent les gestionnaires d’actifs pour éviter un scénario similaire à la première vague IA, qui a donné lieu à beaucoup d’attentes, mais vu peu de projets se concrétiser par manque de structuration.
Nous sommes convaincus que l’IA générative va être une révolution
“Il faut que ça passe en production”, prévient Lionel Gitzinger, chief data officer chez Axa Investment Managers, en évoquant la nécessité de poser un cadre pour éviter l’échec. “On a besoin de gouvernance autour des modèles et de la donnée. Si on n’est pas un peu structuré pour que les cas d’usages puissent être portés jusqu’au bout, tout cela restera un rêve”. Dans l’organisation d’Axa IM, cette volonté se traduit par un repositionnement des data managers, qui ont été rapprochés des opérationnels métiers pour que la dimension «business» de l’IA soit bien prise en compte.
A lire aussi: Les Big Tech fourmillent de projets dans l’IA générative
Cette gouvernance autour de la gestion des données repose sur la mise en place de règles de bonnes pratiques en interne, qui définissent les niveaux de responsabilité de chacun. Un cadre essentiel quand le tri et l’analyse de données restent subjectifs. “Quand une donnée sur un instrument financier remonte avec différentes caractéristiques, provenant de différentes sources, il faut savoir faire le bon choix. Mais aussi, surtout dans le cas d’une grosse organisation, définir qui est responsable de l’identification et la correction”, détaille Yoan Chazal, associé chez Deloitte.
Protection des données
De même, avoir recours à des prestataires de services peut soulever des interrogations sur la protection des données et la maîtrise du modèle d’IA. Ce mode opératoire présente toutefois des avantages évidents en termes de rationalisation des coûts. Un choix vers lequel s’est tourné BlackRock, bien que le groupe refuse d’utiliser des modèles de données open source. “On veut garder la maitrise du modèle d’apprentissage”, affirme Philippe Verboogen.
Vigilance donc, quand la multiplication d’acteurs dans une chaine de sous-traitance peut causer des soucis opérationnels. “Les chaines de sous-traitance affectent la rapidité de circulation des données, leurs qualités, les chaînes de réconciliation, la multiplication des référentiels et leurs incohérences souvent, il faut le dire”, rappelle Arnaud Claudon, responsable des lignes métiers investisseurs institutionnels et gestionnaire d’actifs chez BNP Paribas. La banque a travaillé sur une série d’initiatives pour “minimiser ces nuisances” et être en mesure de collaborer avec des prestataires technologiques. Quant à Axa IM, il a fait le choix de créer son propre service interne, Axa Secure GPT, basé sur le service Azure OpenAI de Microsoft.
Bien que son essor soit fulgurant, l’utilisation de l’IA générative dans l’asset management en est encore à ses prémices. Au-delà des process internes, une question demeure sur l’identification du propriétaire de ces données. Avec d’un côté, des fournisseurs spécialisés dans les données de marché et de l’autre, des gestionnaires d’actifs qui les transforment. «Cette question de la transformation des data est fondamentale”, souligne Lionel Gitzinger, et doit être réglée contractuellement.
Plus d'articles du même thème
-
Broadcom anticipe une forte croissance dans l'IA en 2026 et bondit en Bourse
Après de solides résultats trimestriels, le géant des semi-conducteurs a dévoilé le gain d'un contrat de plus de 10 milliards de dollars de la part d'un nouveau client qui pourrait être OpenAI, le créateur de ChatGPT. -
BlackRock va gérer 80 milliards de dollars pour Citi
Le géant américain de la gestion d’actifs va s’occuper de milliers de clients de Citi Wealth. Des salariés de l'entité devraient rejoindre BlackRock. -
Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Le fleuron français de l’intelligence artificielle serait sur le point de finaliser une augmentation de capital de 2 milliards d’euros, à un prix qui lui permettrait de doubler sa valorisation. -
La plateforme d’accompagnement patrimonial Abbove mise sur un agent d’intelligence artificielle
Baptisé Mia, le nouvel outil va accompagner les family offices, conseillers en gestion de patrimoine et cabinets d’expertise comptable qui utilisent la plateforme et accompagnent aujourd'hui plus de 37.000 familles en Europe. -
Google échappe au démantèlement
Le groupe de Mountain View s'évite, dans une décision de justice historique rendue mardi 2 septembre, de devoir se séparer de son navigateur Chrome. Ce verdict esquisse une nouvelle ère réglementaire, plus favorable aux Big Tech, avec le soutien actif de la Maison-Blanche. -
Les gigantesques levées dans l'IA peuvent compter sur les grands institutionnels
Dotés de plusieurs centaines de milliards de dollars d’actifs, les fonds souverains et les fonds de pension sont des participants naturels au financement des immenses besoins de capitaux des entreprises d’intelligence artificielle.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- Gestion d’actifs : ce qu’il faut retenir du mois d’août
- WisdomTree met au point un ETF sur l’informatique quantique
- BlackRock perd un mandat de 14,3 milliards d’euros du néerlandais PFZW
- Fidelity International lance le premier ETF semi-transparent européen
Contenu de nos partenaires
-
Jérôme Durain, le "M. Narcotrafic" du Sénat, est élu président de la région Bourgogne-Franche-Comté
Dijon - Le sénateur socialiste Jérôme Durain, élu vendredi à la tête de la région Bourgogne-Franche-Comté, a acquis une notoriété nationale en cosignant la proposition de loi contre le narcotrafic, ce qui lui a valu d'être élu «sénateur de l’année» en 2024. Jérôme Durain, élu à la tête de la région en remplacement de Marie-Guite Dufay, démissionnaire, est né le 2 juin 1969 à Nancy. Diplômé en 1993 de l’Institut d'Études Politiques de Paris, il épouse une carrière dans la fonction publique territoriale. Ce n’est qu'à 33 ans qu’il prend sa carte du PS, suite au choc qu’a représenté pour la gauche le 21 avril 2002 et la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Le combat contre le RN reste depuis son cheval de bataille, qu’il devra encore enfourner lors des prochaines élections régionales, en 2028, l’extrême droite étant en nette progression dans la région. En 2004, il fait la connaissance d’Arnaud Montebourg, alors député de Saône-et-Loire. Le futur ministre de l'Économie (2012-14) offre à Jérôme Durain de prendre sa succession à la tête de la fédération PS du département en 2005, ce qui vaudra à M. Durain l'étiquette de «bébé Montebourg». Il tient la «fédé» pendant dix ans, lui valant une réputation d’apparatchik, et gravit les échelons. Il est fait adjoint à la mairie PS de Chalon-sur-Saône en 2008, jusqu'à ce que la ville soit reprise par la droite en 2014, puis est élu en 2010 à la région, dont il prend en 2012 la vice-présidence à l’aménagement du territoire. En 2015, il est élu à la nouvelle région fusionnée Bourgogne-Franche-Comté, sur la liste de gauche de Marie-Guite Dufay, et prend la présidence du groupe majoritaire. Peu avant, en 2014, il devient le premier sénateur de gauche élu en Saône-et-Loire depuis 1986. Il n’a alors que 45 ans, et un pédigrée loin des barons du Sénat, mais, réélu en 2020, il s’impose comme le «M. Sécurité» du groupe socialiste, lui valant des critiques de ses pairs, notamment quand il apporte son soutien aux très contestées Brigades de répression de l’action violente (BRAV), en 2023, en s’immergeant avec ces policiers lors de la manifestation du 1er Mai à Paris. En 2024, il corédige, avec le sénateur LR Étienne Blanc, la proposition de loi «visant à sortir la France du piège du narcotrafic». La loi, promulguée le 13 juin 2025, est adoptée très largement par le Parlement, offrant à Jérôme Durain une grande visibilité médiatique. Élu «sénateur de l’année 2024", il était pressenti pour succéder à Patrick Kanner à la tête du groupe des sénateurs PS, mais la loi sur le cumul des mandats lui impose de démissionner du Sénat. © Agence France-Presse -
Municipales : à Paris, les macronistes menacent de présenter un candidat face à Dati
Le camp présidentiel n'a pas apprécié les manœuvres de Rachida Dati dans la deuxième circonscription de Paris, où il est désormais inexistant -
Mostra de Venise : avec son film sur la guerre à Gaza, Kaouther Ben Hania veut bousculer le public
Venise - «Je n’ai pas fait ce film pour que les gens restent confortables dans leur siège» : Kaouther Ben Hania assume de bouleverser le spectateur avec son film «The voice of Hind Rajab», choc de la 82e Mostra de Venise. Le film, sur la mort d’une petite fille de 5 ans à Gaza, a suscité une immense émotion sur le Lido. Il raconte l’histoire de Hind Rajab, retrouvée morte à l’intérieur d’une voiture criblée de balles dans la ville de Gaza, plusieurs jours après avoir passé trois heures au téléphone, le 29 janvier 2024, avec le Croissant-Rouge palestinien, alors que le véhicule dans lequel elle voyageait avec six membres de sa famille avait été visé par des soldats israéliens. Kaouther Ben Hania a utilisé les vrais enregistrements des appels à l’aide de la petite fille dans son film, qui se passe intégralement dans le centre d’appel des secours. Cette voix avait ému l’opinion publique internationale, lors de la diffusion des enregistrements dans la presse. A l'époque, la réalisatrice franco-tunisienne dit avoir ressenti «beaucoup de colère, beaucoup de désespoir, mais aussi un sens de qu’est-ce que je peux faire ? ". «Les Gazaouis, les Palestiniens en général, sont considérés toujours comme des suspects avant d'être victimes», a poursuivi auprès de l’AFP la réalisatrice des «Filles d’Olfa», César du documentaire en 2024 qui mêlait déjà fiction et réalité. Producteurs menacés La projection du film mercredi, à laquelle a assisté le couple hollywoodien Joaquin Phoenix et Rooney Mara, tous deux producteurs exécutifs, a laissé la salle en larmes et été accueillie par 23 minutes d’applaudissements. Du jamais vu. Brad Pitt, qui a vu le film, a lui aussi décidé d’apporter son soutien, comme Jonathan Glazer, réalisateur oscarisé de «La zone d’intérêt». Ils ont aussitôt fait l’objet de menaces, selon la réalisatrice. «Entre hier et avant-hier, mes producteurs, y compris les noms très connus américains, Brad Pitt, Joaquin Phoenix, leurs boites mail ont été inondées par des milliers et des milliers» de courriels, a rapporté vendredi Kaouther Ben Hania. Avec un «très long texte qui est super intimidant», a-t-elle poursuivi, avançant que ce n'était probablement qu’un «début». Le film a déjà été choisi pour représenter la Tunisie aux Oscars 2026. L’avant-première à Venise, le potentiel parcours aux Oscars, «c’est très important (...) parce que, pour un film comme celui-là, ça permet une visibilité énorme. Et moi, j’ai envie que le film soit vu un petit peu partout dans le monde», affirme Kaouther Ben Hania. Donner un visage Le long-métrage doit sortir le 17 septembre en Tunisie mais aucune date n’est encore prévue en Europe. Aux Etats-Unis, il n’a pas encore de distributeur. En le diffusant le plus massivement possible, Kaouther Ben Hania veut «mettre un visage sur cette petite fille et aussi sur les travailleurs du Croissant-rouge». «A travers cette histoire, on peut percevoir l'énormité et la monstruosité de ce qu’il se passe» à Gaza. Elle a notamment tenu à montrer la plage de Gaza, car la mère de Hind Rajab (qui apparait à la fin du film) «m’a dit qu’elle adorait» y aller. «Et quand je vois quelqu’un comme (Donald) Trump qui parle de Riviera, je me dis: mais dans quel monde on vit ?», s’indigne-t-elle. La mère de Hind Rajab a donné sa «bénédiction» à la réalisation du film, souhaitant «que la voix de sa fille ne soit pas oubliée». Les employés du Croissant-rouge, incarnés à l'écran par des acteurs palestiniens (le film a été tourné à Tunis), ont échangé longuement avec les acteurs jouant leur rôle à l'écran. Le film doit poursuivre sa route et être projeté au festival de Toronto, puis Londres, Saint-Sébastien et Busan. Antoine GUY © Agence France-Presse