
Distribution, le régulateur précise les règles du jeu

L’heure est à l’évaluation pour la Directive sur la distribution d’assurance (DDA). Cinq ans après son entrée en vigueur, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié en juillet la recommandation 2023-R-01. Fruit d’une série de contrôles effectués par le superviseur auprès d’assureurs ou d’intermédiaires, le document sonne comme un premier bilan sur l’application de la DDA, et poursuit l’objectif d’améliorer les dispositifs de gouvernance et de surveillance existants des produits d’assurance.
Une évaluation rendue nécessaire par « l’hétérogénéité des pratiques » constatée par le régulateur depuis l’entrée en vigueur de la directive, mais également par un contexte européen dynamique, marqué par l’attention accrue accordée à la protection du consommateur, et à la proportionnalité des coûts supportés eu égard à la « performance » du produit d’assurance, connue sous le concept de « good value for money ».
Marché cible
Dans le détail, l’ACPR enjoint aux concepteurs des produits d’apporter des précisions sur leur marché cible, une des notions phares de la directive européenne. Définie, par le règlement délégué 2017/2358 relatif aux exigences de surveillance et de gouvernance des produits applicables aux entreprises d’assurance et aux distributeurs de produits d’assurance, comme « la description d’un groupe de clients partageant des caractéristiques communes à un niveau abstrait et généralisé, dans le but de permettre au concepteur d’adapter les particularités du produit à leurs besoins, caractéristiques et objectifs », la notion devra être précisée à travers le recours à des critères « objectifs », indique le régulateur, La connaissance et l’expérience du client, sa situation personnelle et financière, sa tolérance au risque et sa capacité à subir des pertes devront ainsi être utilisées pour définir la clientèle ciblée. « Il importe de cibler des groupes de clients auxquels des produits ne peuvent pas être vendus, à l’instar des produits d’assurance-vie à risque qui ne peuvent être commercialisés à destination des personnes fragiles », souligne à ce titre Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR.
L’ACPR demande aussi aux professionnels de prendre des mesures proportionnées pour vérifier périodiquement que le produit est effectivement distribué auprès du marché cible défini et que les distributeurs et/ou leurs réseaux de distribution agissent conformément à la stratégie de commercialisation.
Politiques de rémunération
L’ACPR enjoint par ailleurs aux concepteurs de produit de ne pas instaurer de politiques de rémunération susceptibles de nuire au respect, par les distributeurs, de leur obligation d’agir de manière honnête, impartiale et professionnelle au mieux des intérêts des souscripteurs ou adhérents. « Nous sommes particulièrement vigilants sur certaines politiques de rémunération qui, par leur caractère incitatif, peuvent être source de conflit d’intérêts », a ainsi affirmé le vice-président de l’ACPR.
Dans le détail, le régulateur recommande aux opérateurs de proscrire toute politique de distribution de produits qui « prévoie une rémunération variable uniquement fondée sur des données commerciales quantitatives, comme les volumes des ventes », susceptible d’avoir un effet négatif sur la qualité du service fourni. Dans le viseur de l’ACPR également, les politiques de distribution qui prévoient une commission additionnelle ou majorée spécifique à une nature de support (produits structurés ou produits considérés comme complexes au sens de la recommandation 2016-R-04…), qui peuvent avoir un effet négatif sur la qualité du service fourni ; ou encore le fait d’indexer la rémunération du distributeur, ou de son réseau de distribution, sur des rétrocessions provenant des gestionnaires des supports d’investissement.
Nous sommes particulièrement vigilants sur certaines politiques de rémunération qui, par leur caractère incitatif, peuvent être source de conflit d’intérêts.
Surveillance des coûts
Dit autrement, l’ACPR souhaite bannir les rémunérations incitatives des distributions, qui nuisent à l’intérêt des clients. Une philosophie résumée par Jean-Paul Faugère, qui affirme que le régulateur surveillera (et sanctionnera) « toutes les pratiques qui orientent la vente d’un produit d’assurance sans tenir compte à chaque étape des intérêts du client ».
Tout en saluant les engagements pris par France Assureurs à ne plus commercialiser à partir de janvier 2024 les unités de compte (UC) « trop chères » au regard de leurs performances et de leurs risques (10 % du marché français, selon le cabinet de conseil Indefi), l’ACPR recommande aux concepteurs de réaliser des tests pour s’assurer que les coûts du produit soient « proportionnés aux bénéfices attendus pour le marché cible identifié ». Ces tests comprennent notamment des évaluations et des comparaisons, à l’échelle du marché, de la performance, des coûts et des risques des supports d’investissement commercialisés.
Sur ce point, l’autorité de contrôle rejoint les exigences de la Commission européenne, matérialisées particulièrement dans la Stratégie d’investissement de détail – Retail investment strategy (RIS) –, rendue publique au printemps dernier. Le régulateur souhaite également s’assurer que les coûts facturés au client soient « identifiés, justifiés et quantifiés », et qu’ils soient en cohérence avec les dépenses effectivement engagées pour la conception, la gestion et la distribution du produit.
Focus sur l’emprunteur
Marché évalué à près de 10 milliards d’euros, majoritairement captée par les banques, l’assurance emprunteur suscite la convoitise des assureurs dits alternatifs, qui accusent régulièrement les établissements bancaires d’entrave à la libre concurrence et de rétention de clients.
Les enjeux sont d’autant plus importants que le marché a été libéralisé à l’été 2022, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi Lemoine, qui consacre le droit à la résiliation à tout moment pour le client.
Sur ce point, le régulateur dit suivre avec attention les problématiques de commercialisation et recommande de ne pas instaurer des incitations pouvant être source de conflit d’intérêts : « Concernant spécifiquement la distribution de produits d’assurance emprunteur, l’ACPR recommande de n’instaurer aucune incitation financière, ni commerciale, de nature à constituer une condition d’accès à une tarification privilégiée d’un crédit, pour favoriser la souscription d’une assurance emprunteur produite par une entité assurantielle du groupe auquel le distributeur appartient. Par ailleurs, les distributeurs doivent veiller à ne pas conditionner un taux d’emprunt plus bas à la souscription d’autres produits d’assurance du groupe, sans s’assurer au préalable que ces derniers sont cohérents avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l’adhérent éventuel. »
Il est à noter que la recommandation entre en vigueur au 1er janvier 2024.
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