Crédit immobilier, comment rémunérer le conseil

Le courtier en crédit immobilier peut mener une mission de conseil. Un exercice indépendant, dont la rémunération répond à d’autres règles que celles d’une intermédiation classique. Décryptage.
Khadidja SELHAMI, avocate au Barreau de Paris 
Khadidja Selhami, avocate au Barreau de Paris
Khadidja Selhami, avocate au Barreau de Paris  - 

La rémunération du courtier consiste en un versement pécuniaire ou tout autre avantage économique convenu et lié à la prestation d’intermédiation.

Si la rémunération liée aux opérations d’intervention en tant qu’intermédiaire impose aux courtiers un devoir de transparence vis-à-vis de l’emprunteur (souvent consommateur et non professionnel), la question peut se complexifier en ce qui concerne la rémunération du courtier en matière de conseil, notamment lorsqu’il intervient en matière de crédit immobilier dans l’exercice de sa profession indépendante.

En principe, l’article L. 519-6 du Code monétaire et financier interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt d’argent de percevoir une somme pécuniaire avant le versement effectif des fonds prêtés. L’interprétation de cet article amène donc à conclure que le courtier, en tant qu’intermédiaire, ne pourra percevoir une rémunération que lorsque le prêt aura été accordé.

Cependant, il ressort des articles 519-1 et 519-1-1 du Code monétaire et financier que le courtier en matière de crédit immobilier peut, s’il le souhaite, exercer une mission de conseil. Le pourtour de son exercice professionnel ne sera donc plus limité à une simple entremise et pourra s’étendre à un service indépendant de conseil en matière de crédit immobilier.

On distingue deux missions de courtage, la première consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement, et la seconde consiste à conseiller l’emprunteur dans le cadre de la réalisation de l’opération.

Les conditions d’exercice du mandat de conseil

Pour pouvoir exercer cette mission de conseil, le courtier devra détenir un statut réglementé d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP). L’exercice professionnel du courtier ne relèvera ainsi plus du régime juridique de l’intermédiation classique, même en ce qui concerne la rémunération escomptée. L’emprunteur pourra ainsi opter entre deux possibilités.

La première consistera à avoir recours à un courtier uniquement pour être mis en relation avec les organismes bancaires, dans la perspective d’une obtention de prêt. La rémunération du courtier se fera, dans cette hypothèse, généralement sur la base d’une commission incluse, celle-ci pouvant directement être versée par l’organisme prêteur (ou par le client après disposition des fonds), en application de l’article 519-6 du Code monétaire et financier. Elle sera, en tout état, convenue lors de la conclusion du mandat de recherche de capitaux et sera exonérée de la TVA. Précisons que l’emprunteur se révèle généralement plus exigeant envers son courtier lorsque le paiement lui sera directement réglé et qu’il ne l’aura pas été par voie de commission, souvent perçue par le consommateur comme caractérisant un « paiement indolore ».

La seconde hypothèse consistera dans un rôle plus actif du courtier, qui devra se positionner selon les attentes du client et l’informer des éventuels risques. Le professionnel pourra ainsi démontrer l’accomplissement de sa mission à l’appui d’une fiche de conseil en crédit immobilier.

Les parties pourront convenir de l’étendue de leur relation contractuelle par la conclusion d’un contrat spécial de mandat ou par un contrat de louage d’ouvrage, plus communément connu comme « contrat de service ». L’emprunteur sera débiteur du paiement de la rémunération dès remise de la recommandation, et le refus d’obtention de prêt sera sans incidence sur le paiement dû au professionnel, en application de l’article 519-6-1 du Code monétaire et financier.

Assurance obligatoire de responsabilité civile

Par voie de conséquence, la rémunération du courtier par l’organisme prêteur sera exclue en matière de conseil indépendant quelle qu’en soit la cause.

La rémunération due sera soumise à la TVA puisqu’elle ne relève pas de l’intermédiation bancaire. Elle sera, au même titre que la mission de courtage classique, exclue de l’assiette du TAEG puisque le service de conseil en crédit n’est pas une condition d’octroi du prêt et ne permet pas davantage d’obtenir le prêt à des conditions préférentielles.

Le professionnel intermédiaire sera soumis à l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle en application des articles L. 519-3-4 et R. 519-26 du Code monétaire et financier.

Ces assurances professionnelles ont pour principal objectif de protéger le courtier dans l’exercice de sa mission et de le garantir en cas de fautes commises. Le niveau minimal de garantie a été fixé à 500.000 euros par sinistre et 800.000 euros par année d’assurance pour un même intermédiaire. La franchise sera inopposable aux victimes et ne pourra, par sinistre, excéder 20 % du montant des indemnités dues (arr. 26 juin 2012, NOR : EFIT1220698A : JO, 4 juill.).

Pour une première inscription au registre, le contrat doit couvrir une période allant de la date d’immatriculation de l’intermédiaire jusqu’au 1er mars de l’année suivante. Une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle doit être délivrée à la personne garantie. En cas de suspension, de dénonciation ou de résiliation du contrat, pèse sur l’assureur une obligation immédiate d’information de l’ORIAS. Il y a ainsi matière à recours pour l’emprunteur à l’encontre du courtier en cas de manquement à son devoir de conseil.

Il appartiendra au professionnel d’être particulièrement vigilant dans l’accomplissement de sa mission, d’autant que le délai de prescription ouvert à l’emprunteur qui s’estimerait lésé après paiement de la rémunération ne commencera pas à courir à compter de la date de la conclusion du mandat. Dans un arrêt rendu le 16 janvier 2019, la Cour de cassation a jugé que la prescription de l’action en responsabilité à l’encontre d’un IOBSP qui aurait manqué à son obligation d’information et de conseil ne commence pas à courir à compter de la date de conclusion du contrat, mais à compter du moment où les gains manqués et les pertes subies sont révélés à son client.

Il appartiendra ainsi au courtier de faire preuve d’extrême vigilance en ce qui concerne son devoir de conseil puisque ces opérations peuvent se révéler complexes et à enjeux (la rémunération initiale pouvant, à ce titre, s’avérer bien moindre que le prix sollicité par la partie qui s’estimerait lésée au titre du manquement au devoir de conseil). n

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