
«Les CGP et les courtiers vont gagner des parts de marché»

Comment jugez-vous le marché des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) en 2023? Marché mûr ou en phase de développement?
Nous avons la chance aujourd’hui d’évoluer sur un marché en croissance. Les CGP et les courtiers ont su, depuis quelques années, répondre à la demande de conseil et d’expertise des clients et ont ainsi acquis naturellement des parts de marché. Les chiffres de l’étude Arpedia 2022 illustrent d’ailleurs mes propos puisque les CPG réalisent désormais 12% de la collecte en assurance vie et près de 9% des encours. Dans un marché chahuté comme nous le connaissons actuellement, ce besoin de conseil et d’expertise va se pérenniser. La dynamique est donc extrêmement favorable aux intermédiaires cette année mais aussi pour les années à venir.
Le phénomène de regroupement qui s’opère entre acteurs peut-il générer des opportunités pour votre établissementou, au contraire, y voyez-vous des motifs d’inquiétudes ?
Cette situation est le reflet de la double dynamique que ce secteur rencontre en ce moment. D’une part, de nouveaux CGP et courtiers issus de différents horizons s’installent chaque année, signe d’une profession qui attire aujourd’hui. Et, d’autre part, on continue d’observer un phénomène de consolidation de groupements d’intermédiaires soutenus par des fonds de private equity qui choisissent d’investir dans la profession. Preuve que le secteur d’activité est durable et soutenable. Ce mouvement de consolidation permet de continuer à professionnaliser cette activité et ouvre la porte à un champ de produits plus vastes pour les intermédiaires. Cela leur permet également une plus grande diversification des portefeuilles et l’accès à une clientèle plus large, qui était jusqu’à présent tournée vers les banques privées. Pour BNP Paribas Cardif, ce n’est donc pas un motif d’inquiétude.
Les métiers de la distribution sont très concurrentiels. Comment envisagez-vous de vous démarquer?
Cela fait 40 ans que nous évoluons auprès des CGP et des courtiers et BNP Paribas Cardif est aujourd’hui un des assureurs de référence sur le marché, un acteur historique, solide et qui a su innover. Il y a quatre ans, nous nous sommes transformés afin de mettre à disposition de nos partenaires les outils dont ils avaient besoin. Nos parcours de souscription ont ainsi été digitalisés, toutes les opérations financières d’après-vente sont aujourd’hui réalisables en ligne par le CGP avec signature électronique de leur client. Ces changements ont été opérés à la fois sur notre plateforme IT mais aussi sur nos opérations. Nous avons développé une relation de confiance avec nos partenaires et cela passe par l’écoute de leurs besoins. Par exemple, en plus d’un parcours CGP de qualité, nos assistants commerciaux et chargés de partenariat restent disponibles par téléphone pour toute question spontanée. C’est dans les détails que nous faisons la différence.
Comment vous adaptez-vous à tous les profils de CGP?
Nous travaillons aujourd’hui avec 2.000 conseillers en gestion de patrimoine de toutes catégories sur l’ensemble du territoire national. Nous avons à cœur de nous adapter aux spécificités de chacun d’entre eux. Nous avons par exemple mis en place des «Club CGP» qui nous permettent d’être à l’écoute de leurs besoins et prendre en compte leurs problématiques. Nous basons notre travail sur ces retours d’expériences. Dans le contexte complexe que nous connaissons actuellement, nous mettons à leur disposition un large choix d’unités de compte, 1.400 au total, afin qu’ils puissent répondre à tous les profils et ainsi diversifier au maximum leur portefeuille, mais aussi un fonds euros solide qui fait partie intégrante des propositions faites par les CGP. Avec des politiques d’accès aujourd’hui assouplies, celui-ci leur permet de répondre aux besoins de sécurité de leurs clients. Enfin, nous proposons également une large gamme de services adaptés à tous les profils de CGP, avec notamment un service d’ingénierie patrimoniale reconnu.
Vous venez de prendre vos fonctions au sein du groupe BNP Paribas Cardif. Quels sont les enjeux majeurs auxquels vous allez faire face cette année?
Ma prise de poste s’est faite dans un cadre favorable, la preuve en est: l’activité épargne de BNP Paribas Cardif en France représente 13,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires à fin 2022. Les CGP et les courtiers y ont contribué à hauteur de 11 % avec une collecte en croissance de 17 %. Sur la partie protection – sur laquelle BNP Paribas Cardif enregistre un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros en France, soit une croissance de 5 % -, l’activité réalisée auprès des courtiers en assurance des emprunteurs a également été soutenue au second semestre par l’entrée en vigueur de la loi Lemoine. Mon rôle est de continuer sur ce dynamisme et d’accompagner la croissance que ce secteur a à apporter.
Dans le contexte actuel, la qualité de service doit rester essentielle. Nous avons travaillé ces derniers mois, avec nos partenaires CGP et courtiers, à un plan d’amélioration continue en reprenant et en analysant l’ensemble du parcours partenaire depuis sa première rencontre avec l’un de nos commerciaux sur le terrain, en passant par ses échanges avec son client pour tenter d’identifier les choses que nous pouvions améliorer. Nous allons continuer par exemple à renforcer le niveau d’information fournie sur l’avancement des opérations ordonnées par nos partenaires et à résoudre certains irritants liés à la première connexion. Ce sont des choses qui peuvent paraître très simples, mais c’est sur les détails que tout se joue.
La réforme du courtage a imposé aux intermédiaires l’adhésion à une association professionnelle avant de renouveler leur statut à l’Orias. La réforme a-t-elle eu un impact sur vos relations avec les intermédiaires?
Les exigences liées à cette réforme affectent mécaniquement les assureurs dans la mesure où les processus de nouvel agrément et de suivi des agréments impliquent que nous vérifiions l’inscription de nos intermédiaires à l’Orias. Il est encore trop pour tirer des conclusions du renouvellement 2023 sur notre activité. Nous sommes en discussion régulièrement avec les chambres et associations professionnelles afin de suivre l’avancement du processus et l’impact de cette réglementation.
Quelle est votre position vis-à-vis de la rémunération des CGP par honoraire ou par commissionactuellement en discussion à Bruxelles ?
Tout comme France Assureurs, je considère que le modèle de rémunération actuel est essentiel pour conserver un conseil accessible à tous. Le système de commissionnement permet de mutualiser le coût du conseil entre les assurés mais aussi sur la durée, et est parfaitement adapté à un produit de long terme comme l’assurance-vie. Le risque d’une rémunération par honoraire serait de pousser une partie de la clientèle hors du marché du conseil.
Vous travaillez également avec des courtiers en immobilier. Ils font face aujourd’hui à des difficultés. Qu’en pensez-vous ?
Nous sommes présents depuis des années sur le segment de l’assurance emprunteur. Nous travaillons en France avec plus de 600 courtiers en crédit qui distribuent notre produit Cardif Libertés Emprunteur. Le marché a connu une réelle transformation ces derniers mois avec la réduction du volume de crédit immobilier en lien avec le taux d’usure, la baisse du volume d’immobilier disponible et des changements réglementaires avec la loi Lemoine et la résiliation infra-annuelle. Une réglementation qui a bouleversé les dynamiques de production de nos partenaires. Dans ce contexte, nos partenaires ont pu bénéficier de la loi Lemoine avec une grande partie de leurs contrats issus de la substitution. Ils ont pu proposer à leurs clients désireux de changer d’assurance emprunteur le contrat le plus adapté à leurs besoins. Ces changements ont impliqué des transformations de leurs parcours de conseil, nous nous sommes adaptés afin de leur proposer des parcours adaptés et plus simples pour leurs clients.
Quels sont les types de supports sur lesquels vous misez en 2023?
Il est essentiel de rappeler l’importance de la diversification. La conjoncture actuelle amène les clients et les conseillers à la renforcer d’autant plus. Les portefeuilles en sont la preuve aujourd’hui. Une allocation d’actifs dépend avant tout du choix du client, qui est lié à ses besoins et à son appétence au risque. Néanmoins, on observe par exemple aujourd’hui une orientation vers des fonds obligataires qui apportent un rendement attractif. Les fonds diversifiés croissent également, ainsi que les fonds structurés. Une tendance à plus long terme, mais présente sur le marché, est le private equity. Plus traditionnel, nous voyons également que le fonds euros revient sur le devant de la scène.
La réforme des retraites représente-t-elle une opportunité pour vous ?
Je ne pense pas que la réforme en tant que telle est une opportunité mais il est vrai que le besoin des clients se confirme aujourd’hui. Ils expriment clairement une envie d’accompagnement sur ces questions et les conseillers en gestion de patrimoine ont su être présents et formés sur le terrain avec des réponses concrètes qui se traduisent par un succès des plans d’épargne retraite (PER). Je pense que leur rôle est fondamental.
Etes-vous optimiste?
Oui, définitivement, car nous sommes sur des marchés qui répondent aux attentes des clients. En effet, dans ces périodes compliquées, les assurés ont besoin de conseils et d’accompagnement dans la durée et ce sont exactement les raisons pour lesquels les CGP et les courtiers sont reconnus sur le marché. Je n’ai aucun doute sur le fait que leur travail va être valorisé et je pense même qu’ils vont ainsi pouvoir gagner des parts de marché. En tant qu’assureur, nous continuerons à accompagner nos partenaires et à développer les produits et services qui répondent aux attentes de leurs clients. !
, SON PARCOURS
Diplômée de l’Essec et du Data Science Starter Program de l’école Polytechnique, Delphine Mantz débute chez BNP Paribas Cardif, avant derejoindre Deloitte Touche Tohmatsu.Elle enseigneensuite le français à l’Institut français de Stavanger en Norvège. En 2018, de retour en France, elle réintègre BNP Paribas Cardifcomme experte data science & analytics.
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