
« Le PER est une priorité gouvernementale »

L’un des grands sujets d’épargne en 2020 a été le déploiement du plan d’épargne retraite (PER). Quel bilan tirez-vous de sa première année de commercialisation ?
Elle est encourageante. Sur les 230 milliards d’euros collectés en épargne retraite (tous produits confondus), 12 milliards l’ont été via des PER, pour plus de 1,2 million de titulaires. Nous sommes plutôt satisfaits de ces chiffres compte tenu du contexte : non seulement les réseaux de distribution ont été paralysés une bonne partie de l’année, mais en plus, les entreprises ont eu d’autre priorités que la mise en place de ce nouveau placement en interne.
Comptez-vous sur l’éventuelle réforme des retraites pour donner au PER un nouvel élan et convaincre les Français de faire confiance aux marchés pour leur retraite ?
La réforme pourrait lui donner une nouvelle dynamique, mais côté Trésor, nous ne prenons pas en compte cette éventualité. Nous continuons à déployer le PER, qui est une priorité gouvernementale. Il fait d’ailleurs partie de ces « objets de la vie quotidienne» qui concernent l’ensemble de la société. Pour accentuer son très bon démarrage, nous insisterons sur la pédagogie autour de ce placement. Comme pour beaucoup de produits d’épargne, dont l’image a pu être ternie par la crise de 2008, un travail d’éducation doit être fait. En ce sens, je salue l’initiative de la Banque de France et de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui ont mis en place « Les rendez-vous de l’épargne » [un programme de conférences d’éducation financière pour le grand public, ndlr].
2020 a également été marquée par la sur-épargne des Français, évaluée à 100milliards d’euros. Craignez-vous que cette tendance ne se poursuive cette année ?
Oui, le taux d’épargne des Français devrait rester supérieur à son niveau d’avant-crise, même s’il est encore trop tôt pour avoir des certitudes. Il ne faut pas oublier que cette sur-épargne est principalement due aux deux confinements et à une consommation contrainte. Son évolution dépendra donc de celle de la crise sanitaire. Le principal enjeu est de mobiliser cette épargne pour soutenir la relance. Les entreprises ont plus que jamais besoin de fonds propres. Il faut réussir à flécher l’épargne des Français vers des placements certes moins liquides, mais plus rémunérateurs.
Quelle est la stratégie du Trésor pour cela ?
Nous misons sur les dispositifs lancés récemment. Beaucoup d’efforts ont été engagés ces dernières années pour flécher l’épargne vers l’économie réelle. Nous avons réalisé un travail important de modernisation et de diversification des produits d’épargne à travers la loi Pacte : rénovation du PEA et PEA-PME, réforme ambitieuse de l’épargne retraite avec la mise en place du PER, facilitation de la diffusion du capital-investissement dans l’assurance vie…
Depuis, nous sommes allés plus loin en lançant le label Relance. Il s’inscrit dans cette logique d’un meilleur fléchage de l’épargne en donnant une plus grande visibilité aux fonds qui financent des PME et ETI françaises, et ce, tout en respectant un ensemble d’exigences minimales en matière environnementale, sociale et de qualité de gouvernance. Enfin, le fonds Bpifrance Entreprises 1 a été lancé en octobre dernier. Il a pour spécificité d’être investi dans près de 150 fonds de capital-investissement partenaires de Bpifrance. C’est un bon exemple d’accès facilité au capital-investissement, avec une prise de risque réduite pour l’investisseur du fait du nombre très élevé d’entreprises sous-jacentes.
Est-ce suffisant ?
Ces réformes commencent à porter leurs fruits. Un exemple : la part des unités de compte dans l’assurance vie est passée de 21 % en 2016 à 28% en 2019. C’est une très bonne dynamique ! Le déploiement du PER est également un succès, avec désormais plus de 1,2 million de titulaires.
La collecte du Livret A l’année dernière montre pourtant la résistance des Français aux produits risqués…
Il y a de toute évidence un important travail de pédagogie à faire et que nous avons déjà entamé. Depuis la crise de 2008, nous avons bien senti la méfiance des Français envers les marchés financiers. Aussi, nous faisons tout pour renforcer la transparence afin que les épargnants comprennent mieux le fonctionnement de leurs investissements. C’est cet objectif qui nous a guidé dans l’élaboration du label Relance. Il doit permettre aux Français de comprendre l’impact concret de leur épargne.
70 % du surplus d’épargne a été réalisé par les 20 % de ménages les plus aisés. Comment le Trésor compte convaincre les 80 % restant de se détourner des livrets réglementés ?
Il y a plusieurs types d’épargne. L’épargne de précaution n’a pas vocation à se retrouver dans des placements peu liquides. Mais il est dans l’intérêt des épargnants de comprendre que l’on est entré dans un nouveau paradigme. Le temps de l’épargne non risquée et rémunératrice est révolu. Pour cela, nous devons les accompagner. Tous les épargnants doivent pouvoir avoir accès à des produits diversifiés avec des profils de risques intermédiaires.
Le label Relance prend une place importante dans votre stratégie. Il est pourtant très critiqué, notamment à cause de son mode d’attribution…
Certains ont pu croire que ce label avait été attribué aux candidats sans aucune vérification de notre part. Ce n’est pas du tout le cas ! Face à l’urgence à soutenir la relance économique, nous voulions déployer ce label le plus rapidement possible. Nous nous sommes donc imposés une règle prévoyant qu’au-delà de trois semaines sans réponse, le label serait accordé. Mais nous avons toujours répondu bien avant ce délai. Mon équipe et moi-même vérifions systématiquement le plein respect des critères de la charte pour chaque dossier reçu et leur adressons une réponse bien avant les trois semaines.
Le label n’a donc jamais été délivré à un fonds qui n’en respectait pas tous les critères ?
Non, cette situation ne s’est jamais produite. Nous avons adopté cette règle pour nous contraindre à traiter tous les dossiers dans de brefs délais et montrer clairement que nous entendions agir avec célérité. C’est précisément ce qui est attendu dans le contexte actuel. Une dizaine de dossiers a été rejetée, sachant que l’information disponible sur les exigences de la charte est suffisamment détaillée pour que l’essentiel des dossiers reçus soient bien en ligne avec les obligations associées au label Relance. Toutefois, cela demande quelques itérations avec les sociétés de gestion pour s’en assurer.
Nous avons entendu les critiques sur le cahier des charges. Le comité du label a pour mission de réfléchir à ses évolutions. Mais le label est sorti depuis trop peu de temps pour qu’il évolue de manière significative dès maintenant.
En parlant d’évolution, l’Inspection générale des finances devait remettre un rapport sur les améliorations possibles du label ISR fin novembre. Que contient-il ?
L’IGF a effectivement remis son bilan au Ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno le Maire en décembre dernier. L’objectif de ce rapport était de réaliser un audit de l’investissement responsable. Nous voulions comprendre les attentes des investisseurs, leur perception de l’offre et évaluer le niveau d’ambition du label. Le rapport contient notamment une vingtaine de recommandations pour la suite. L’une des premières propositions est de réfléchir à une réforme de la gouvernance, mais ce rapport étant encore en cours d’instruction, permettez-moi d’en rester là, s’agissant de son contenu.
Certains détracteurs du label ISR lui reproche d’être attribué trop facilement, de ne pas avoir assez de substance. Que leur répondez-vous ?
Dès le départ, l’ambition de ce label était d’avoir une couverture large. Il englobe toutes les problématiques ESG (environnementales, sociétales et de gouvernance), en n’excluant aucun secteur a priori. C’est un parti pris parfaitement assumé! Nous ne voulions pas d’un label de niche. Pour autant, le label ISR est sélectif. Toutes les sociétés de gestion ont leur propre stratégie d’exclusion. Je reconnais néanmoins que certains fonds investissent dans des entreprises qui peuvent faire débat. L’exclusion pourrait donc être envisagée dans la révision du label.
L’offre de placements ESG se concentre essentiellement autour du thème environnemental. Le Trésor pourrait-il encourager un rééquilibrage vers les problématiques sociales et de gouvernance ?
C’est effectivement un des enjeux sur lesquels nous devons réfléchir. La question est de savoir jusqu’où nous pouvons aller. Nous pourrions renforcer nos exigences en matière de transparence de la politique de gouvernance des entreprises suivies par les sociétés de gestion. Cet axe pourrait être renforcé dans les évolutions à venir.
Depuis octobre dernier, le label ISR est décerné à des fonds immobiliers. Etes-vous satisfaits des premiers chiffres ?
C’est difficile à dire car nous n’avions pas d’objectifs chiffrés. A ce jour, 13 fonds immobiliers détenus par 9 sociétés de gestion différentes ont été labellisés ISR. Cela représente un encours global minimal de 7,7 milliards d’euros. Nous voulions donner cette possibilité de label aux acteurs du marché car la demande était très forte.
Le label a pourtant mis beaucoup de temps àsortir…
Son élaboration a été longue car il était impossible de calquer le label ISR décerné aux fonds à valeurs mobilières pour les placements immobiliers. Tout l’enjeu consistait à prendre en compte les spécificités de la classe d’actifs et les besoins des acteurs, tout en conservant la logique d’analyse du label initial. Celui-ci avait aussi mis beaucoup de temps à être finalisé.
, Le point sur les labels et le PER Label ISR : , Encours : 230 milliards d’euros (au 18 décembre 2020) , Fonds labellisés : 618 , Sociétés de gestion avec au moins un label : 95 Label Relance : , Encours : 11,7 milliards d’euros (au 12 janvier 2021) , Fonds labellisés : 123 fonds labellisés, dont 69 accessibles aux investisseurs non-professionnels , Sociétés de gestion avec au moins un label : 78 PER : , Encours : 12 milliards d’euros , Titulaires : 1,2 million ,
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