
Première condamnation d’un CGPI dans le dossier DTD/Lynx

Le Tribunal de Grande instance de Paris vient de rendre les deux premières décisions dans le dossier DTD/Lynx, une opération de défiscalisation dans le secteur des investissements photovoltaïques en Outre-Mer commercialisée auprès de plus de 4.400 investisseurs par environ 250 conseils en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) dès 2008 pour une collecte estimée à 58 millions d’euros en trois ans. Pour mémoire, l’administration fiscale a remis en cause la réduction d’impôt des particuliers dans la mesure où aucune centrale photovoltaïque n’a fait l’objet d’une exploitation effective. En l’occurrence, seul 12 % des fonds collectés auraient servis à l’achat de matériels. L’administration fiscale faisait également valoir l’insuffisance des raccordements au réseau EDF. Le volet pénal est toujours en cours.
Epuisement des voies de recours. Dans une des deux décisions, le TGI de Paris souligne tout d’abord que l’investisseur ne concourt pas à son préjudice en l’absence de saisine du Tribunal administratif pour faire valoir ses droits contre l’administration fiscale. Il n’est donc pas obligé de saisir le Tribunal administratif avant d’engager la responsabilité de l’intermédiaire pour obtenir réparation de son préjudice fiscal. Selon Dounia Harbouche, avocate au Barreau de Paris, «les juges ont été plus loin dans leur approche car jusqu’à présent, ils retenaient d’une part que le contribuable n’avait pas à épuiser les voies de recours administratifs avant d’engager la responsabilité du CGP et d’autre part, qu’il ne pourrait être reproché au contribuable de ne pas avoir saisi le TA sauf dans l’hypothèse où ce recours aurait eu des chances de succès.»
Devoir d’information et de conseil. Le Tribunal de Grande instance de Paris a retenu la responsabilité du cabinet de conseil en gestion de patrimoine: si le CGPI ne peut être tenu pour responsable de l’échec d’une opération de défiscalisation, il ne doit proposer à ses clients que des opérations dont il a vérifié la fiabilité ou, à tout le moins, doit attirer l’attention de ceux-ci sur les risques encourus. En l’occurrence, le CGPI a même manqué de prudence dans la mesure où dès 2008, il avait eu connaissance de doutes émis par un confrère sur la fiabilité du produit et, en 2009, la Chambre des indépendants du patrimoine (CIP) avait demandé à ses membres la plus grande vigilance sur les offres de promoteurs de centrales photovoltaïques dans le cadre de la défiscalisation en Girardin industriel, les invitant notamment à «se méfier des rémunérations allouées aux distributeurs très attractives et à vérifier la réalité des investissements.» Par ailleurs, Dounia Harbouche souligne que «les juges examinent le comportement des professionnels également au moment de la survenance du sinistre. Les diligences du monteur à répondre aux inquiétudes de ses clients ainsi que l’information fournie par l’intermédiaire sur l’éventualité d’un redressement fiscal compte tenu des évènements survenus après l’investissement peuvent leur éviter des dommages et intérêts pour préjudice moral.»
Absence de dol. Par ailleurs, le dol est écarté par les Tribunaux. La faute intentionnelle du CGPI n’a pas été retenue, ce qui conduit à pouvoir faire jouer l’assurance de responsabilité civile professionnelle de ce dernier. Dounia Harbouche souhaite préciser qu’«en l’espèce, les intermédiaires ont été reconnus de bonne foi en recommandant cet investissement et par conséquent, n’ont pas été tenus responsables du comportement frauduleux du monteur. A ma connaissance, aucun CGPI n’a été mis en examen dans le cadre de l’instruction pénale à l’encontre du monteur, instruction qui devrait bientôt se conclure.»
Le Tribunal de Grande instance de Paris souligne que le dol ne peut être reproché au CGPI dans la mesure où ce dernier est tiers au contrat et le plaignant n’apporte pas de pièces justifiant que le CGPI soit un représentant de DTD, le CGPI intervenant au contraire comme un mandataire du plaignant.
Selon Hélène Feron-Poloni, avocate «le CGPI est reconnu pivot dans l’opération de défiscalisation, ayant obtenu la signature finale de son client sans respect de ses obligations d’information et de conseil. Si le dol n’est pas retenu dans ce dossier, la frontière est ténue entre les deux et ce qui importe au final, c’est que le client soit indemnisé quels que soit les moyens juridiques retenus.»
Dommages et intérêts. Le manquement au devoir de conseil et de prudence se traduit pour le client par une perte de chance de renoncer à la souscription de ce produit et d’en souscrire un autre lui permettant d’obtenir la réduction d’impôt dont il a été privé à la suite du redressement fiscal. Dans une des deux décisions, l’investisseur obtient 50 % de la réduction d’impôt (1), pénalités comprises tandis que dans la seconde il obtient 30 % de cette somme.
(1) TGI de Paris du 6 février 2014 n°13/01961
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