
Les conséquences variables de la réponse Frassa

La réponse Frassa(1) vient s’ajouter à d’autres éléments de doctrine fiscale concernant la valeur du contrat de capitalisation à déclarer dans le cadre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de succession. Cette réponse rouvre-t-elle un débat?
DANS LE CADRE DE L’ISF
Une déclaration pour la valeur nominale qui se confirme.
Les réponses Deprez et Mathieu(2) avaient confirmé que la valeur à retenir dans la déclaration ISF est la valeur nominale: «S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est effectivement admis que les bons du Trésor, les bons de capitalisation et les titres assimilés, lorsqu’ils ne sont pas anonymes, soient déclarés pour leur seule valeur nominale, à l’exclusion des intérêts courus ou non encaissés au 1erjanvier de l’année d’imposition.» Ces réponses ont été intégrées au Bofip en janvier 2014 (ISF-BOI-PAT-ISF-30-50-20-20140121 n°50).
La réponse Frassa confirme cette position. La solution n’est donc pas modifiée : la déclaration à l’ISF de la valeur nominale des contrats de capitalisation nominatifs est clairement confirmée.
Valeur de rachat inférieure à la valeur nominale.
Mais qu’en est-il si la valeur de rachat devient inférieure à la valeur nominale? Cette situation peut se rencontrer si des rachats partiels ont été effectués ou si les unités de compte adossant le contrat sont en moins-values.
Pour tenter de répondre à cette question, il faut d’abord rappeler que cette règle d’assiette est une tolérance de l’administration, qui retient le nominal par analogie avec les règles d’assiette du prélèvement annuel de 2% sur les bons anonymes.
Concernant ces derniers, la doctrine administrative mentionne que, lorsque la valeur de remboursement est inférieure au montant des primes versées, l’application de la règle du nominal conduirait à appliquer le prélèvement sur des sommes supérieures à celles que le souscripteur recevrait effectivement. Par conséquent, dans ce cas, l’administration admet que le calcul soit effectué sur la base «d’une prime annuelle fictivement reconstituée en divisant la somme remboursée par le nombre d’années de versement écoulées». L’administration fournit un exemple de calcul, applicable en cas de baisse de valeur du contrat. Le calcul revient à tenir compte en ce cas de la valeur de rachat.
Soit des versements annuels de 2.600euros, au bout de trois ans, la valeur de rachat constatée est de 4.470euros, pour un total de primes versées de 7.800euros. «Le bon est remboursé à titre anticipé le 30septembre n+3, soit trois ans après l’émission. La valeur de rachat étant inférieure au total cumulé des primes versées, le prélèvement est calculé de la manière suivante: Prime annuelle reconstituée: 4.470euros…» (Bofip: BOI-ENR-TIM-40-30-20120912, n°110).
Cette logique conduisant à ne pas taxer le redevable sur une assiette supérieure à la valeur réelle du bon était déjà invoquée dans les faits, en cas de rachats partiels d’un contrat de capitalisation nominatif.
La réponse Frassa indique: «Lorsque le bon ou le contrat de capitalisation présente une valeur de rachat inférieure à la valeur nominale, seule cette dernière pourra être retenue pour la valorisation de la créance à l’ISF au 1erjanvier de l’année d’imposition. Toutefois, il est admis que lorsque la valeur du bon ou du contrat de capitalisation devient inférieure à la valeur nominale à la suite d’une opération de rachat partiel, la créance est déclarée à l’actif de l’ISF au 1erjanvier de l’année d’imposition pour sa valeur nominale diminuée à proportion de la fraction de la valeur de rachat du bon ou du contrat qui a fait l’objet d’un rachat partiel.»
Une réponse Frassa en concordance avec la doctrine antérieure.
La réponse Frassa va donc dans le sens de la doctrine fiscale antérieure en cas de rachat partiel, tout en précisant le mode de calcul en ce cas. Nous traduisons celui-ci par :
La prime initiale – la part de prime correspondant au rachat partiel, cette part pouvant être déterminée selon la règle du prorata (article 125-0-A du CGI; Bofip: BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50-20120912, n°40).
Exemple : contrat à prime unique d’un montant de 15.000 euros
- Prime – Rachat partiel = 6.000 euros
- Valeur de rachat total au moment du rachat
= 18.000 euros
- Prorata de prime : 15.000 x 6.000 / 18.000
= 5.000 euros
- Valeur à déclarer : 15.000 – 5.000 = 10.000 euros.
Ficovie.
Nous observons que le cahier des charges de Ficovie (version 1.3.3) semble aller dans le sens de la réponse Frassa: les données à déclarer dans le cadre de la déclaration de mise à jour annuelle (II de l’article 1649 ter du CGI) sont les suivantes: «Pour les contrats de capitalisation, quels que soient leur date de souscription, le montant cumulé des primes versées au 1erjanvier de l’année de la déclaration et la valeur de rachat…, le montant cumulé des primes versées s’entend comme la valeur nominale du contrat (prise en compte des éventuels rachats partiels).»
Quid en cas de baisse des unités de comptes ?
Force est d’observer toutefois que la question posée par le sénateur Frassa de savoir si le contribuable «peut modifier ces modalités chaque année, notamment lorsque la valeur de rachat dudit contrat est inférieure à la valeur nominale en raison de rachats ou d’une baisse des unités de compte» n’a pas reçu de réponse sur le dernier point.
Il nous semble que la réponse Frassa, confirmant une tolérance administrative, ne renie pas la doctrine antérieure, qui revient à un élémentaire principe d’équité: on ne taxe pas de l’argent qui n’existe pas. Ce principe doit conduire à permettre de déclarer la valeur réelle en cas de baisse des unités de compte, soit la valeur de rachat (Bofip: BOI-ENR-TIM-40-30-20120912, n°110, cité ci-dessus). Par ailleurs, le contribuable pourrait renoncer à la tolérance, mais l’abandon d’un droit est en principe définitif…
DANS LE CADRE DES DROITS DE SUCCESSION
Une réponse Frassa…
La mise à jour du Bofip (ISF-BOI-PAT-ISF-30-50-20-20140121 n°50) qui a intégré les réponses ministérielles Deprez et Mathieu avait mis fin ainsi à une incertitude quant à la valeur du contrat de capitalisation pour le calcul des droits de succession : la valeur à retenir est la valeur vénale et non la valeur nominale.
Pour mémoire, en vertu des réponses Deprez et Mathieu, «il résulte des dispositions de l’article 760du Code général des impôts et de la documentation administrative y afférente que les créances dues au défunt au moment de son décès doivent être incluses dans l’assiette des droits de succession. Elles sont imposables, quelle que soit leur date d’échéance, sur leur montant nominal majoré de tous les intérêts échus et non encore payés au décès ainsi que de ceux courus à la même date. Cette règle d’évaluation s’applique aux bons de capitalisation».
… qui contredit les réponses Deprez et Mathieu.
Or, la réponse Frassa indique que «le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2014-436 QPC a rappelé que ces créances sont évaluées, pour le calcul de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF, à leur valeur nominale et non à leur valeur estimative». La réponse Frassa contredit donc les réponses Deprez et Mathieu concernant les droits de succession. La question avait pourtant donné lieu à de nombreux débats qui semblaient tranchés depuis la modification du Bofip le 21janvier 2014. Est-ce un nouveau changement de doctrine fiscale? Il serait souhaitable que le Bofip soit de nouveau modifié pour éviter toute ambiguïté…
Une opportunité pour les héritiers.
La réponse Frassa pourrait être l’occasion de remédier à une situation pénalisante pour les héritiers: en cas de décès du souscripteur, le contrat de capitalisation n‘est pas dénoué, mais tombe dans la succession. Les ayants droit doivent donc acquitter les droits de succession, à ce jour sur la valeur de rachat. En pratique, en cas de pluralité d’héritiers, ceux-ci demandent le rachat. Ils doivent alors également acquitter sur les produits l’impôt sur le revenu (IR) ou le prélèvement libératoire (article 125-0-A du CGI). Cette situation conduit ainsi à une superposition d’impôts (IR ou PL et DMTG) sur une même somme (les produits du contrat). Le contrat de capitalisation n’est pas un «portefeuille titres». Il se poursuit lorsqu’il tombe dans la succession et conserve à tous égards son antériorité fiscale. La logique veut donc que la déclaration de succession se fasse également sur la «valeur historique».
En tout état de cause, rappelons qu’il est conseillé de «piloter» l’attribution du contrat de capitalisation, par exemple en prévoyant son attribution à une personne déterminée par testament. Les avantages juridiques, financiers et fiscaux du contrat de capitalisation, liés à son antériorité, pourront être ainsi conservés par le légataire.
(1) JO Sénat 7 juillet 2016, n°17495.
(2) RM Deprez n°2020, JO AN 21 octobre 2002 ; RM Mathieu n°2372, JO Sénat 24 octobre 2002.
Plus d'articles du même thème
-
Les petites capitalisations enthousiasment Wall Street
Ce segment du marché a surperformé les grandes capitalisations depuis le rebond d’avril, avec une nette accélération en août sur les anticipations de baisses de taux de la Fed. Les valorisations sont désormais élevées et notamment conditionnées à la reprise du secteur manufacturier américain. -
«Sans la problématique budgétaire, l'économie américaine ne justifierait pas plus de trois baisses de taux»
Christophe Morel, chef économiste de Groupama AM -
Fitch abaisse la note de la France
L’agence de notation américaine a abaissé la note de la France au niveau A+. Les marchés anticipaient largement cette décision. Le taux des emprunts d’État français ne devrait pas réagir.
Sujets d'actualité

ETF à la Une

UBS AM liste quatre ETF construits autour des «Mega Cap»
- BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- Sébastien Lecornu commence son chemin de croix budgétaire avec Fitch Ratings
- L’Union européenne cherche la clé d’une épargne retraite commune
- L’exonération du régime mère-fille dépasse le seul cadre de l’impôt sur les sociétés
- Les notaires veulent accorder un droit immédiat aux héritiers sur les dividendes
Contenu de nos partenaires
-
Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
Katmandou - La Première ministre du Népal Sushila Karki a réservé samedi sa première sortie aux blessés des émeutes meurtrières du début de semaine, au lendemain de sa nomination à la tête d’un gouvernement chargé d’organiser des élections en mars prochain. Dans une capitale Katmandou où la vie revient lentement à la normale, Mme Karki a visité plusieurs hôpitaux, au chevet des victimes de la répression ordonnée par son prédécesseur KP Sharma Oli, contraint à la démission. Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessés lors de ses troubles, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Nommée vendredi soir après trois journées de tractations, l’ex-cheffe de la Cour suprême a entamé au pas de charge son mandat à la tête d’un gouvernement provisoire. Sitôt investie, le président Ramchandra Paudrel a ordonné la dissolution du Parlement et convoqué le 5 mars 2026 des élections législatives, une des revendications des jeunes contestataires réunis sous la bannière de la «Génération Z». L’agenda de la première femme chargée de diriger le Népal s’annonce chargé et sa mission difficile, tant sont nombreuses les revendications des jeunes qui ont mis à bas l’ancien régime. Sa nomination a été accueillie comme un soulagement par de nombreux Népalais. «Ce gouvernement provisoire est une bonne chose», s’est réjouie Durga Magar, une commerçante de 23 ans. «On ne sait pas ce qu’il va se passer à l’avenir mais on est satisfaits (...) et on espère que la situation va maintenant se calmer». «La priorité, c’est de s’attaquer à la corruption», a poursuivi la jeune femme. «On se moque de savoir si c’est la Génération Z ou des politiciens plus âgés qui s’en occupent, il faut juste que ça cesse». «Je pense que cette femme Première ministre va (...) faire avancer la bonne gouvernance», a pour sa part estimé Suraj Bhattarai, un travailleur social de 51 ans. Partie lundi de la colère suscitée par le blocage des réseaux sociaux, la fronde a débordé en révolte politique contre un gouvernement jugé corrompu et incapable de répondre à ses aspirations, notamment en matière d’emploi et de niveau de vie. Couvre-feu allégé Plus de 20% des jeunes népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle les 1.450 dollars. La répression meurtrière des cortèges de protestataires a précipité les événements. Mardi, les manifestants ont déferlé dans les rues de Katmandou et systématiquement incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: Parlement, bâtiments ministériels, résidences d'élus... Incarnation des élites, le Premier ministre KP Sharma Oli, 73 ans, quatre fois Premier ministre depuis 2015, n’a eu d’autre choix que de démissionner. Le chef du Parti communiste (maoïste) menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Quelques heures après la prestation de serment de la nouvelle Première ministre, l’armée a allégé samedi matin le couvre-feu en vigueur dans la capitale et les autres villes du pays. A Katmandou, chars et blindés se sont faits plus discrets, les commerces et marchés ont retrouvé leurs clients et les temples leurs fidèles. Sushila Karki a travaillé samedi à la composition de son gouvernement, selon son entourage. Plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty International ou Human Rights Watch, l’ont appelée samedi à mettre un terme à la culture de «l’impunité du passé». L’une de ses tâches immédiates sera aussi d’assurer le retour à l’ordre dans tout le pays. A commencer par remettre la main sur 12.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leurs prisons et étaient toujours en cavale samedi. Paavan MATHEMA et Bhuvan BAGGA © Agence France-Presse -
Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse -
Spirale
Dégradation : Fitch change la France de catégorie
L'agence de notation a dégradé la note de la France d'un cran, de AA- à A+. Un changement de catégorie tout sauf anodin, même si les marchés avaient probablement déjà anticipé cette décision