
L’entreprise numérique du droit pour organiser l’interprofessionnalité

L’Agefi Actifs. - Pouvez-vous préciser la vocation de l’association Open Law et décrire le défi dont vous êtes le directeur?
Dan Kohn. - Open Law est un espace neutre de travail et d’expérimentation pour l’ensemble des acteurs du monde du droit dont l’objectif est de conduire collectivement des changements nécessaires. L’association leur permet d’innover dans un modèle collaboratif et ouvert. Ses programmes aboutissent à des communs (référentiel,livre blanc, modèles de statut, cahier des charges…) qui, à plus long terme, pourront donner les moyens à tous ceux qui les consultent de prototyper de nouveaux servicesou concepts.Nous allons créer des ressources qui seront mises en commun au profit de toute la communauté du droit et du chiffre.Dans le cadre du programme de l’Economie numérique du droit, j’anime le défi consacré à l’interprofessionnalité d’exercice, et plus précisément la modélisation d’une «Entreprise numérique du droit» (kit, statuts contrat types, ERP, modèle économique) regroupant plusieurs professions du droit et du chiffre avec une composante de technologies appliquées au droit, ainsi qu’une ouverture vers des professions non réglementées.
Essayez-vous d’élargir l’interprofessionnalité à des professions non réglementées tels que les conseillers en gestion de patrimoine?
- Face à la mutation et la transformation du marché, permettre déjà à des professions du droit et chiffre de se regrouper offre au client final une meilleure proposition de valeur avec un guichet unique qui est un réel avantage concurrentiel.Dans un premier temps, cet élargissement pourrait s’appliquer à d’autres métiers ne générant pas de contraintes déontologiques, de conflits d’intérêts et de freins liés à la confidentialité du client.Nous pourrions donc voir apparaître des structures pluriprofessionnelles intégrant un développeur, un architecte, un décorateur, un partenaire financier et un assureur pour adresser le marché de l’immobilier et offrir à ses clients toutes une chaîne de services et de solutions.
La Cour constitutionnelle allemande, dans son arrêt du 12 janvier 2016, a jugé que l’interdiction légale pour un avocat d’exercer dans une structure commune avec un médecin ou un pharmacien, telle qu’elle existe aujourd’hui en droit allemand, violerait la liberté d’entreprendre de l’avocat (source Dalloz actu).Tout d’abord, on peut observer qu’au même titre que chez les professions du droit et du chiffre, chez les conseillers en gestion de patrimoine (CGP), on tend vers une plus grande digitalisation, une part d’automatisation et une intégration croissante d’algorithme et d’intelligence artificielle dans la relation client.L’association, quant à elle, ne pourra se faire qu’à partir du moment où il y aura, dans l’exercice en commun de ce nouveau pôle de compétence, une composante juridique liée à une meilleure compréhension et à la bonne exécution du contrat et qu’une charte éthique soit établi entre les associés.
Ce qui fait sens, qui amène une vraie complémentarité et qui justifie l’élargissement aux CGP est d’accompagner sur la partie conseil le particulier et le professionnel sur des problématiques d’ingénierie patrimoniale qui vont au-delà du seul investissement financier.L’engagement client sera alors d’autant plus fort car il reposera sur une relation mutuellement profitable basée sur la confiance.Comme le dit l’adage «Ensemble on va plus loin», mais on est aussi beaucoup plus fort pour adresser un marché où l’on remet le client est au cœur du dispositif.
Il s’agit donc d’une expérimentation visant à trouver une solution qui permette d’offrir en France une solution similaire à celle qui existe en Angleterre avec les alternatives business structures (ABS), ou à Malte, au Pays de Galles, en Espagne avec des fiscalistes ou en Ecosse. Face à une plus grande libéralisation et la dérégulation des marchés du droit en Europe, les instances françaises doivent s’emparer du sujet pour permettre aux professions réglementées d’êtres plus compétitives, ce qui induit l’ouverture des capitaux de manière encadrée, maîtrisée et raisonnée, ces apports pouvant être d’ordre numéraire, en industrie ou technologique, afin d’avoir les ressources nécessaires pour innover, garder ses positions et occuper de nouveaux marchés.
La loi Macron ne représente donc que les prémices de ces structures.
Comment comptez-vous donner naissance, dans le droit français, à votre entreprise numérique du droit?
- Dans le cadre de ce projet d’innovation collaborative, Open Law a pour vocation dans ces programmes de restituer un livrable, que l’on appelle des communs et qui pourront servir à la communauté. De fait, nous allons déjà, s’agissant de la partie interprofessionnalité entre professions réglementées, fournir une contrathèque avec des modèles de créations d’entreprise numérique du droit sous un angle technologique et l’intégration d’outils et de solutions digitales. Nous allons aussi, dans une vision prospective à court terme, réaliser une modélisation ouverte à d’autres professions.L’observatoire du Conseil national des barreaux suit nos travaux, de même que l’incubateur du barreau de Paris; nous irons donc voir ces institutions représentatives des professions du droit et du chiffre avec nos partenaires (Alta-Juris, Eurojuris, SVP, Cabex…), de même que la chancellerie et Bercy, pour faire valoir notre projet, mais aussi surtout pour faire bouger les lignes car, comme disait Peter Drucker, «la meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer».
Bien évidemment, cette nécessaire évolution ne pourra se faire que dans le cadre d’un projet commun en concertation avec ces institutions dans une notion d’intelligence collective.
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