La Cour des comptes épingle le suivi désastreux des niches fiscales

L’instance critique dans une note leur coût de 94,2 milliards d’euros en 2022 sans mesure d’efficacité. Elle épingle également un système complexe et illisible pour les contribuables.
Cour des comptes
 -  DR

Une note au vitriol.

Début juillet, la Cour des comptes a publié le fruit de son analyse des dépenses fiscales (couramment appelées « niches fiscales »), devenues au fil des ans « un instrument majeur de certaines politiques publiques », comme elle le souligne en introduction.

465 niches fiscales et 94,2 milliards d’euros de coût

Le projet de loi de finances pour 2023 dénombre 465 dispositifs fiscaux dérogatoires classés comme « dépenses fiscales », dont le coût total est évalué à 94,2 milliards d’euros pour 2022. Son évolution a été constante depuis 2013, avant de fluctuer davantage à partir de 2020 (voir tableau).

Tableau d Coût des dépenses fiscales depuis

Il est à noter que la baisse observée à partir de 2019 s’explique essentiellement par l’extinction progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Le coût des dépenses fiscales apparait très concentré : les 15 dispositifs les plus onéreux ont amputé les recettes publiques de 53 milliards d’euros en 2022. L’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) concentrent à eux seuls 68,8% du montant total. En parallèle, 184 dispositifs représentaient chacun entre 1 million et 50 millions d’euros.

La Cour dénonce un « mitage » et une « érosion progressive des bases fiscales » et la complexité du système fiscal causé par la multiplication des niches fiscales. Rien que pour la campagne de 2023 pour la déclaration des revenus 2022, les crédits et réductions d’impôt ont fait l’objet d’une brochure explicative de 90 pages… Une illisibilité pouvant mener à un sentiment d’injustice pour les contribuables exclus des niches.

Un suivi très insuffisant

Non seulement les niches fiscales coûtent cher, mais leur efficacité est peu contrôlée. La Cour souligne que les programmes d’évaluation fixés par les dernières lois de programmation des finances publiques n’ont pas été respectées. Aucune des 11 évaluations prévues dans le cadre du programme de travail pour 2022 n’a été réalisée et certains dispositifs n’ont pas fait l’objet de revu depuis dix ans.

Les prévisions de coût sont fragiles et souvent sous-estimées selon la juridiction. De plus, en dix ans, la part des niches fiscales non chiffrées est passée de 8,8% à 12% de l’ensemble des dispositifs existants. Plus étonnant encore, le nombre réel de bénéficiaires n’est connu que pour 60% des dépenses recensées dans le Projet de loi de finances (PLF) 2023. « Ces résultats sont toutefois en progrès sur les trois derniers exercices, le nombre de dépenses fiscales pour lesquelles le nombre de bénéficiaires n’est pas déterminé passant de 222 en PLF pour 2021 à 194 en PLF pour 2022 et à 185 en PLF pour 2023 », tempère la Cour.

Quelques données sont néanmoins disponibles, mais ne rassurent pas sur le suivi effectué par les pouvoirs publics. 73 dispositifs fiscaux concernent actuellement moins de 100 bénéficiaires et 35 n’en comptent tout simplement…Aucun.

Les recommandations de la Cour des comptes

La Cour souligne l’enjeu d’accroitre le suivi des dépenses fiscales, dans le cadre des nouvelles règles du Pacte de stabilité et de croissance imposées par la Commission européenne et qui devraient être adoptés d’ici à 2024. Elles implémenteront un unique indicateur constitué de la quasi-totalité des dépenses publiques et des mesures fiscales nouvelles, dont font partie les dépenses fiscales

Elle identifie quatre leviers d’action :

1. Introduire un plafonnement des dépenses fiscales sur la période 2023-2027. « Bien qu’il ne soit pas possible de contraindre le droit d’amendement des parlementaires, à l’origine d’une partie significative des dépenses fiscales, un tel plafonnement aurait a minima valeur de cible », précise la Cour des comptes.

2. Renforcer le rôle des conférences fiscales en leur assignant un objectif explicite de pilotage et de rationalisation des dépenses fiscales. Créées en 2013, les conférences fiscales réunissent les administrations financières et les administrations des autres ministères pour analyser les dispositifs fiscaux attachés aux politiques publiques. Un but qui semble être difficilement atteint : seules quatre propositions de suppression de niches fiscales ont fait consensus en 2022.

3. Limiter la durée de toute nouvelle dépense fiscale à quatre ans. La Cour avance que cela permettrait de « garantir la réversibilité des nouvelles dépenses fiscales », et « d’enclencher un cycle d’évaluation des nouveaux dispositifs ».

4. Systématiser les évaluations. Dans le cadre des revues de dépenses, programmer l’évaluation exhaustive de l’ensemble des dépenses fiscales à l’horizon 2027, en plaçant ces travaux sous la responsabilité d’un comité ad hoc.

La France championne d’Europe

Souvent critiquée pour son taux d’imposition important, la France se classe finalement parmi les pays de l’Union européenne (UE) les plus généreux en matière de dépenses fiscales. Elle est, après l’Espagne, « le pays de l’Union dont le taux de TVA effectif – c’est-à-dire le taux moyen calculé en tenant compte des taux réduits et de leurs assiettes – est le plus bas (9,6% contre 10,6% en Allemagne et 12% en moyenne dans l’UE), peut-on lire dans la note de la Cour. La France se distingue également par le poids des crédits d’impôt le plus élevé de l’UE (0,9 % du PIB en 2021 contre 0,3% en moyenne dans l’UE) ».

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

ETF à la Une

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...