Affaire Apollonia : L’étau se resserre autour des établissements bancaires

L’enquête relative au respect de la loi Scrivener par les établissements financiers va bientôt pouvoir reprendre, Dans l’attente, les nombreuses victimes seraient sollicitées pour obtenir des transactions avec les banques
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 -  Cour de Cassation

L’affaire Apollonia, dont la première plainte remonte à fin 2007, fait son retour en ce début d’année. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 janvier dernier(1) devrait permettre d’obliger le juge d’instruction à enquêter sur la violation présumée de la loi Scrivener, à savoir l’obligation du Code de la consommation qui contraint les banques à adresser une offre de prêt immobilier par voie postale à l’emprunteur, ce dernier bénéficiant ensuite d’un délai de réflexion de dix jours avant de pouvoir renvoyer le contrat de prêt signé (lire l’encadré).

Un démarchage qui aurait été agressif.

Pour mémoire, la société Apollonia ainsi que certains de ses cadres et employés sont soupçonnés d’avoir escroqué entre 2001 et 2007 –avec le concours de plusieurs banques, de notaires et de courtiers– environ 500personnes issues pour la plupart du milieu médical. La société en cause leur a vendu de l’immobilier défiscalisé «destiné à la retraite» –sous le statut fiscal du loueur en meublé professionnel– surévalué, pour un total estimé à un milliard d’euros. «Le prix au mètre carré s’élevait par exemple à 13.000euros sur la commune de Roissy, près de Paris», fait remarquer Jacques Gobert, avocat de l’Association nationale des victimes de l’immobilier (Asdevilm).

Les plaignants ont relaté dans leur plainte qu’ils ont subi un démarchage agressif et mensonger de la part des commerciaux de la société Apollonia afin de les convaincre d’acquérir ces biens immobiliers. Pour bénéficier de cette opération, les particuliers sollicités devaient faire en sorte que les revenus annuels de cette activité, supérieurs à 23.000euros, représentent «plus de 50% des ressources du foyer fiscal», souligne la Cour de cassation dans son arrêt qui rappelle également «qu’afin de répondre à ces exigences, les clients de la société Apollonia avaient été contraints de multiplier les acquisitions, accroissant ainsi progressivement leur endettement dont le niveau avait, d’ailleurs, excédé celui de leurs revenus».

Des particuliers qui auraient été mis en confiance par le statut des notaires...

Les plaignants ont également soutenu que, pour les mettre en confiance, les commerciaux de la société Apollonia faisaient valoir que la société travaillait avec un réseau de professionnels partenaires: promoteurs immobiliers, notaires et établissements bancaires. Ils ont aussi indiqué que la société Apollonia, pour accélérer la procédure, a tout mis en œuvre afin de les écarter du processus de vente, les notaires leur faisant signer des procurations authentiques dans des conditions irrégulières. «Un notaire a par exemple pris un avion privé pour faire signer l’acte dans un restaurant à son arrivée. Un autre a envoyé un clerc non habilité pour faire signer une procuration, laissant pourtant son nom dans l’acte», illustre Jacques Gobert.

Claude Michel, président de l’Asdevilm et également victime dans cette affaire, indique que «je n’aurais jamais accordé ma confiance à Apollonia s’il n’y avait pas eu des notaires, officiers ministériels pour garantir l’authenticité du projet d’acquisition et les plus grandes enseignes bancaires nationales pour apporter le financement. Le fait que les banques qui ne nous connaissaient pas n’aient jamais pris le moindre contact avec nous était plutôt rassurant connaissant leurs exigences habituelles de garantie et de cautions. Cette pratique bancaire obtenait ainsi toute notre confiance en la solidité du projet authentifié par les notaires».

Selon Jacques Gobert, trois notaires ont été incarcérés pendant trois mois à titre préventif. «Ces officiers publics sont actuellement mis en examen. Ils ont également fait l’objet de sanctions disciplinaires de la part de la Chambre régionale de discipline du Conseil régional des notaires de la Cour d’appel d’Aix en 2014», précise l’avocat. A noter que le Conseil supérieur du notariat (CSN) se serait montré enclin à transiger ce litige avec les victimes. Il semble que le notariat attende que leurs assureurs en responsabilité civile professionnelle s’engagent dans cette voie. Si le CSN ne confirme pas cette posture, l’organisation professionnelle indique être «en attente des conclusions de la procédure judiciaire qui est toujours en cours», ajoutant que «la profession est très attentive à cette affaire».

… et par le fait que les financements étaient accordés par des banques reconnues.

De nombreuses banques ont également été mises en cause. Les plaignants relèvent que ces banques ont enfreint la loi Scrivener. A titre d’illustration, la plainte énonce que «l’offre de prêt de prêt [d’un couple de plaignants] ne leur a pas été adressée par la voie postale mais leur a été présentée par un commercial de la société Apollonia qui s’est chargé de recueillir leur signature à leur domicile» et que «les dates indiquées sur certaines offres de prêt étaient fictives, privant ainsi les clients de la société Apollonia du délai de réflexion de dix jours imposé par la loi [Scrivener]». A l’époque, la sanction pénale se montait à 3.750euros par contrat en cas de non-respect de la loi Scrivener, et à 30.000 euros par dossier en cas de non-respect du délai prévu dans cette loi. Aujourd’hui, ces montants s’élèvent respectivement à 150.000et 300.000euros.

Des banques et leurs salariés mis en cause pour escroquerie.

Certains établissements de crédit ainsi que leurs salariés ou directeurs d’agence ont été mis en examen pour complicité d’escroquerie en bande organisée. Cependant, trois arrêts rendus par la chambre de l’instruction en 2012 ont prononcé l’annulation de de la mise en examen des banques aux motifs, notamment, que la «mise en évidence d’anomalies résultant de la violation de la [loi Scrivener] ne permettait pas de caractériser l’élément intentionnel du délit de complicité d’escroquerie en bande organisée». A noter que certains des employés ont bénéficié du statut de témoin assisté. «Cependant, plusieurs cadres de banque sont toujours mis en examen», indique Jacques Gobert.

L’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation va, quant à lui, permettre de reprendre l’enquête relative à la violation présumée de la loi Scrivener. «Des mises en examen d’individus au sein des banques devraient intervenir. D’ailleurs, n’est-ce pas la banque elle-même, en tant que personne morale, qui doit être mise en cause?», s’interroge l’avocat des victimes. A noter que la société Cafpi, courtier dans cette affaire, a également été mise en cause.

Recours en RCP.

Par ailleurs, des recours en responsabilité civile professionnelle ont été parallèlement mis en œuvre à l’encontre des banques et des notaires. «Un moyen pour les victimes d’obtenir plus facilement réparation», explique Jacques Gobert. Ces procédures attendent cependant que la justice pénale soit rendue avant de pouvoir se prononcer. «Dans l’attente, les victimes sont sollicitées pour obtenir des transactions avec les banques», relève Jacques Gobert. En effet, la difficulté éprouvée par les victimes d’Apollonia, dans cette affaire, vient du fait que les «certaines banques préfèrent saisir les comptes des clients d’Apollonia, ou encore leur résidence principale, plutôt que de vendre les biens immobiliers qui n’auraient pas suffi à rembourser l’emprunt, ces biens immobiliers étant surévalués», relèvent Hélène Féron-Poloni et Nicolas Lecoq Vallon, avocats. A noter que pour permettre une gestion coordonnée des procédures tant civiles que pénales, Jacques Gobert a constitué un groupement d’une trentaine d’avocats.

Thierry Vallat, avocat, indique de son côté que «ce type d’affaire est aujourd’hui moins fréquent, l’environnement immobilier s’étant davantage rationnalisé. C’est la raison pour laquelle on a vu arriver d’autres types d’escroqueries telles que celle de la société Aristofil. Certains essayent également de vendre aux épargnants de la terre dite rare, ou encore des diamants».

(1) Cass. Crim. 5 janvier 2017, n°16-83255.

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