
Les banques maintiennent les courtiers sous pression

Une profession en crise. Depuis fin 2019, le modèle économique des courtiers est remis en question suite à la décision des banques d’abaisser leurs commissions sur les crédits immobiliers de 1 % à 0,5 % (voir encadré). D’autres, plus radicales, ont arrêté tout recours au courtage. L’enjeu est grand car tous les courtiers n’auront pas les moyens de se réinventer pour compenser cette baisse de revenus.
L’évolution ou l’extinction
Passé l’effet de surprise, le premier réflexe de beaucoup de courtiers a été d’augmenter les honoraires des clients. Mais cela suffira-il sur le long terme ? Pour ce porte-parole de réseau bancaire, « le modèle d’intermédiation n’est plus viable», notamment là où la pression sur le marché immobilier est moindre. «Dans les zones tendues, les banques doivent passer par tous les canaux possibles pour récupérer de la clientèle. Le courtier a encore un rôle à jouer », concède-t-il. S’il dit avoir déjà remarqué des fermetures de cabinet, du côté de la CNCEF Crédit, on tempère l’impact sur la profession. « Les courtiers qui arrêtent leur activité sont principalement des multi-statuts comme les CGP », explique la présidente de la chambre Christelle Molin-Mabille. Pour elle, l’heure n’est plus aux tentatives de renégociations avec les banques, mais à la diversification. «Nous sommes en difficultés mais le métier n’est pas mort, martèle la dirigeante. Il faut avoir un vrai dialogue avec les banques pour co-construire le métier de demain. »
L’Association professionnelle des intermédiaires en crédit (APIC) prend également le sujet très au sérieux. « Le danger porte notamment sur les petits courtiers à la volumétrie insuffisante et qui n’ont pas les moyens de se digitaliser ou de faire face à l’accumulation de textes réglementaires », explique son président Bruno Rouleau. Pour autant, il salue le « travail considérable » réalisé par la majorité pour se digitaliser et estime que les courtiers ont encore une carte à jouer.
Entre fusions (Société Générale et Crédit du Nord), rapprochements (BNP Paribas et Orange Bank) et cessions (HSBC France et Cerberus), le paysage bancaire est en pleine mutation. Une recomposition dont les courtiers pourraient tirer parti car ils permettraient aux banques de se reposer sur un circuit d’acquisition externe pendant qu’elles resteraient concentrées sur leurs manœuvres internes.
Des pistes pour sortir de la crise
Sous couvert d’anonymat, des courtiers confient que des banques seraient prêtes à relever leurs commissions à 0,8 % en échange d’un certain taux de transformation de clients. Mais aucun seuil n’a été défini pour l’instant et cette piste reste à confirmer.
Autre solution envisageable: lever l’obligation des courtiers de signer une convention avec une banque pour bénéficier de ses produits. Ils accèderaient ainsi à l’ensemble de l’offre de crédits immobiliers du marché et feraient pencher la balance en leur faveur. Cette solution « obligerait à négocier les commissions cas par cas », avertit Bruno Rouleau, mais trouverait un intérêt « pour les banques qui souhaitent gagner des parts de marché ». Pour l’heure, aucune discussion sur le sujet n’est officiellement engagée avec le Trésor. Compte tenu du rôle des banques dans la relance économique, on comprend que la priorité ne sera pas donnée à leur faire lâcher du lest sur le crédit immobilier.
Le sujet fâche. Beaucoup. S’ils continuent à considérer les banques comme des « partenaires », les courtiers doivent gagner leur indépendance. A force d’avoir la tête sous l’eau, on finit par ne plus avoir les idées claires sur son bourreau.
, La Banque Postale va réduire ses commissions Selon nos informations, La Banque Postale, qui faisait figure d’exception jusqu’à présent en ayant maintenu ses commissions à 1 %, devrait également les diminuer à partir de mai. L’établissement n’a pas souhaité répondre aux questions de la rédaction, précisant que le sujet porte sur « des données confidentielles » régissant les « relations commerciales avec [leurs] partenaires courtiers ». Elle s’inscrirait le cas échéant dans le sillage des grands réseaux qui ont pris cette décision à partir de 2019(BPCE, BNP Paribas, Crédit Mutuelle Alliance Fédérale, Société Générale). De toutes ces banques, seule la SG a souhaité commenter sa décision. , La SG indique vouloir se positionner comme un partenaire «compétitif mais exigeant avec les prescripteurs sélectionnés» dans ce mouvement généralisé de baisse des commissions. Elle précise ne pas avoir baissé son taux de rémunération «sur les meilleurs profils» mais demande à ses courtiers de lui apporter «les dossiers respectant les recommandations du HCSF». Aucun des autres établissements mentionnés n’ont souhaité répondre à nos questions officiellement, mais certains ont tout de même confirmé ces informations officieusement. ,
Retour sur le début du mouvement de baisse
Les premières annonces sont tombées fin 2019. A cette époque, les taux d’intérêt poursuivent leur lente et inexorable descente et mettent le marché immobilier en surchauffe. En parallèle des nouveaux crédits, les banques font face à une vague de demandes de renégociations de la part de clients voulant bénéficier de conditions plus favorables. Leur demande est légitime mais n’arrange pas les établissements bancaires. Ces derniers doivent honorer leurs propres créances auprès des marchés financiers en respectant les conditions en vigueur au moment de leur souscription. Non seulement les banques perdent des revenus sur les anciens crédits, mais les nouveaux leur en rapportent peu du fait des taux bas. Voyant leur rentabilité se réduire comme peau de chagrin, elles prennent la décision de couper dans le gras. Les courtiers sont les premiers à trinquer.
Un courtier, pour quoi faire?
Le dynamisme du marché immobilier pousse les banques à croire qu’elles n’ont qu’à se pencher pour cueillir les clients. « Les gros acteurs bancaires n’ont plus d’intérêt à passer par des courtiers dans les secteurs tendus, confirme ce porte-parole d’un important réseau. En parallèle, les courtiers ont moins de pouvoir de négociation sur les taux. Ils perdent en utilitéauprès des banques et des clients. » Le constat est cinglant, mais partagé par la majorité des acteurs.
Si le Crédit Agricole Languedoc assume publiquement sa décision dans la presse à l’époque, les autres réseaux restent plus discrets et laissent le soin à leurs «partenaires courtiers» de découvrir leurs nouvelles conditions. BPCE, BNP Paribas, Crédit Mutuelle Alliance Fédérale,…les réseaux annoncent les uns après les autres réduire leur recours au courtage. La rupture est progressive mais douloureuse car les intermédiaires sont frappés directement au porte-monnaie. Les commissions sur les dossiers passent de 1 % en moyenne à 0,8 %, puis 0,5 %.
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