
Crowdfunding et CGP : le début d’une idylle

Que se passe-t-il dans le milieu tech du crowdfunding? Depuis plusieurs semaines, les plateformes de financement participatif multiplient les mains tendues vers la clientèle patrimoniale. Les annonces se succèdent mais ne se ressemblent pas. Entre les partenariats de poids et la distribution de placements en guise de produits d’appel, les signes convergent et démontrent la volonté des plateformes de draguer les CGP.
Début septembre, Baltis Capital annonçait ses premiers pas dans la distribution de SCPI. Peu de temps après, son concurrent WiSeed s’alliait avec le fournisseur de solutions pour conseillers en gestion de patrimoine Theseis. Au même moment, Finple signait un partenariat d’ampleur avec CDC Habitat…avant de présenter quelques jours plus tard, en exclusivité dans nos colonnes, sa nouvelle offre d’investissement avec capital garanti (voir ci-dessous).
Toute cette actualité témoigne d’un secteur en ébullition. Depuis 2018, la loi Pacte permet aux plateformes de crowdfunding de financer des programmes immobiliers jusqu’à huit millions d’euros. Si la moyenne du secteur se situe plutôt entre deux millions et cinq millions d’euros, la conjoncture joue en leur faveur. « Les besoins en fonds propres des promoteurs explosent», appuie Jérémie Benmoussa, président du directoire de la plateforme Fundimmo et à la tête de l’association Financement participatif France (FPF) qui regroupe les acteurs du secteur. En 2020, les clients intermédiés représentaient 20 % de la collecte globale, soit environ 150 millions d’euros. Leur part devrait continuer à augmenter car le marché est en pleine croissance. « Cette année, la collecte globale devrait s’établir entre 800 millions et 1 milliard d’euros, dont environ 200 millions auprès de clients intermédiés », prévoit le président de FPF.
Des tickets plus importants
L’effervescence du marché aiguise l’appétit des plateformes. Toutes sont bien décidées à avoir leur part du gâteau. Et pour se donner les moyens de leurs ambitions, elles se tournent logiquement vers la clientèle patrimoniale, dont le pouvoir d’épargne est supérieur à celui du grand public. Chez Baltis Capital, plateforme de crowdfunding immobilier, on confirme que les tickets des clients apportés par les CGP sont plus importants. Ils avoisinent les 10.000euros alors que ceux du grand public stagnent plutôt autour de 5.000 euros en moyenne. « Nos six CGP partenaires nous apportent entre un et trois investisseurs par projets, ce qui correspond à un peu moins de 10 % de la collecte», précise son président Alexandre Toussaint. Alléchée par cette manne d’investisseurs aux poches bien remplies, la société veut développer son réseau de partenaires et signer une quinzaine de conventions à terme. Du côté de ClubFunding, spécialisée également dans la pierre, la prudence est de mise. Se reposer sur les CGP oui, mais pas exclusivement. « Les conseillers indépendants entrent dans notre stratégie, mais à 20 % seulement. Nous préférons avoir un mix d’investisseurs intermédiés, grand public et institutionnels sur chacun de nos projets », explique son président David Peronnin.
Pour aider plateformes et CGP à s’accorder sur les termes de leur relation, l’Anacofi s’est invitée dans la danse. L’association professionnelle et Financement Participatif France ont établi en 2020 un contrat cadre de Place. Le document, que la rédaction a pu consulter, reprend les prérogatives de l’AMF et tend à transformer le CGP en simple apporteur d’affaires. « Les conseillers peuvent orienter leurs clients vers une plateforme mais pas vers un projet en particulier », pointe Jérémie Benmoussa. Un travail d’intermédiaire pour lequel il sera rémunéré en moyenne à hauteur de 1 % des montants investis. Pas de quoi faire rêver. « Ce n’est pas forcément le montant de la rémunération qui est intéressant mais plutôt sa récurrence, défend Mathilde Iclanzan, nouvelle directrice générale de la plateforme généraliste WiSeed. Les projets de crowdfunding immobilier durent généralement entre 18et 24mois. La récurrence d’investissement des clients leur permet de percevoir des revenus plus réguliers qu’avec d’autres placements financiers ». Chez WiSeed, qui dit travailler avec une quinzaine de CGP, la commission peut s’élever jusqu’à 2 % en fonction des projets. S’il concède que le sujet a été un «challenge », David Peronnin considère qu’il est à présent réglé. « Il a fallu de la pédagogie pour discuter de la rémunération avec les CGP mais le marché a mûri, assure-t-il. Nous avons signé 45 partenariats, dont une dizaine récurrents et sommes aujourd’hui contactés directement par les CGP ».
, Le capital garanti fait des remous Il a pris tout le monde de vitesse. Le 16 septembre dernier, Thomas Desrone, président de Finple, annonçait l’ouverture au grand public de son offre de financement participatif avec capital garanti. Réalisé en partenariat avec l’assureur italien S2C, cette nouvelle solution cible un rendement de 4 %, bien moindre que la moyenne du marché. , Du côté de ses concurrents, c’était un peu la douche froide. En off, on regrette que Finple ait fait « cavalier seul» car une quinzaine d’acteurs planchent sur une solution de Place. Selon nos informations, les discussions seraient bien avancées et devraient aboutir à une annonce d’ici la fin de l’année. Le courtier Marsh, en charge du dossier, aurait sélectionné l’assureur, un des « leaders mondiaux » assure-t-on. Le produit ne devrait concerner que le crowdfunding immobilier. , Produit de Place ou non, le capital garanti ne fait pas l’unanimité. Alexandre Toussaint, patron de Baltis Capital, dénonce un produit à l’encontre de « l’ADN du crowdfunding». Pour lui, les investisseurs choisissent le financement participatif pour le rendement et présentent déjà moins d’engouement pour les projets rémunérés à 6 %. « Il ne faut pas essayer de faire un produit miracle en essayant de jouer sur tous les tableaux. Il faut un peu de tout», conclut-il. ,
Accélérer sans renier sonADN
Une commission faible, des plateformes directement accessibles au grand public, un concept d’investissement encore méconnu des conseillers… Des freins subsistent et empêchent les CGP de céder totalement aux sirènes du crowdfunding. Alors, les acteurs du financement participatif y vont pas à pas. Leur coqueluche, ce sont les indépendants. Ils sont certes plus libres que les grands cabinets, mais semblent surtout moins exigeants. « Certains gros cabinets sont intéressés mais veulent s’assurer de la récurrence du volume de projets », indique Mathilde Iclanzan. Demande compréhensible mais difficilement compatible avec le modèle des plateformes. Elles mettent en ligne quelques projets à la fois et ne peuvent s’engager avec certitude sur ceux à venir. « Le marché du crowdfunding immobilier reste très petit par rapport à la pierre papier traditionnelle », abonde David Peronnin qui craint qu’il ne soit encore trop tôt pour se tourner vers les gros cabinets.
D’où les stratégies de plusieurs de ses concurrents de plancher sur d’autres types de produits. A l’instar de WiSeed pour Theseis, certaines plateformes ont développé une SAS dédiée à la clientèle d’un cabinet. Un genre de « club deal » qui regroupe plusieurs épargnants et les fait investir dans plusieurs projets à la fois. C’est plus ou moins la même option que ClubFunding a choisi en créant sa propre société de gestion fin 2021pour créer un FCPR. Alors que son dirigeant reconnaît qu’ils ont encore « tout à prouver car les CIF ne [les]ont pas attendus», les gérants plancheraient déjà sur un second fonds. Baltis Capital confie également réfléchir aux demandes de placements personnalisés et dédiés de la part de cabinets. Alexandre Toussaint confirme notamment réfléchir à un rapprochement avec son actionnaire Foncière Magellan pour le développement d’une nouvelle solution d’investissement immobilier, dont le véhicule n’est pas encore décidé.
Lancé dans la course aux CGP, le financement participatif entame déjà sa mue. Pour mieux pénétrer ce marché, les plateformes ont compris qu’elles devraient peut-être faire un peu moins dans le «crowd» et plus dans le sur-mesure.
, Les conseils de Céline Mahinc, conseillère en gestion de patrimoine, dirigeante du cabinet Eden Finances Céline Mahinc est membre de l’Anacofi et a participé à l’élaboration du contrat cadre de Place. Depuis 2015, elle suit l’évolution du financement participatif en France via l'étude de place FintechImmo et devrait bientôt publier un mémento sur le sujet. Elle donne déjà trois conseils pour travailler au mieux avec les plateformes de crowdfunding. #1: Vérifier le statut de la plateforme Une plateforme de crowdfunding – inscrite à l’ORIAS - peut avoir l’un des deux statuts dédiés de Conseiller en investissement participatif (CIP) ou Intermédiaire en financement participatif (IFP)ou bien celui de Prestataire de service d’investissement (PSI).Vérifiezégalement que le véhicule de financement utilisé (obligations, actions, prêts, minibons) est bien conforme au statut de la plateforme. Nous pouvons noter que l’utilisation des royalties n’est pas réglementée. #2: L’adhésion à l’association professionnelle Financement participatif France (FPF) est l’unique association professionnelle du secteur. L’adhésion n’est pas obligatoire mais témoigne de la bonne volonté des plateformes. Aujourd’hui, un peu plus d’une plateforme en crowdfunding immobilier sur deux (57%) en fait partie. #3: Décrypter le fonctionnement des projets Pour bien comprendre le principe des montages proposés à vos clients, vous pouvez analyser le Document d’information réglementaire synthétique (DIRS). Il doit obligatoirement accompagner la présentation de chaque projet ouvert à la collecte sur les plateformes CIP et PSI. ,
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Frappes contre le Hamas à Doha : Israël affirme que ses ennemis "n'ont nulle part où se cacher"
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Drones russes en Pologne : l'Otan avertit la Russie, considérant l'incursion comme "irresponsable"
Bruxelles - L’Otan a averti mercredi la Russie qu’elle défendrait «chaque centimètre» de son territoire après une incursion de drones dans le ciel polonais, jugée «dangereuse» et «irresponsable». Une «évaluation complète» est en cours, mais que cette incursion ait été «intentionnelle ou non, elle est absolument irresponsable, dangereuse», a affirmé mercredi le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte devant la presse. «Mon message à Poutine est clair: mettez fin à la guerre en Ukraine (...) cessez de violer notre espace aérien et sachez que nous sommes vigilants et que nous défendrons chaque centimètre du territoire de l’Otan», a-t-il ajouté. Varsovie et ses alliés ont dénoncé mercredi une «provocation» russe après l’intrusion de drones dans l’espace aérien de la Pologne lors d’une attaque contre l’Ukraine, et l’interception de plusieurs de ces aéronefs par les armées polonaises et l’Otan. C’est «la première fois que des avions de l’Otan ont affronté des menaces potentielles dans l’espace aérien allié», a indiqué de son côté un porte-parole du Shape, le quartier général des forces de l’Otan en Europe. Des avions polonais et néerlandais, des F-35 et F-16 notamment, sont intervenus pour «affronter» cette incursion de drones dans le ciel polonais. Mais des batteries allemandes de Patriot, systèmes de défense anti-aérienne de conception américaine, présentes en Pologne, ont également été activées, selon ce porte-parole. Un avion italien de surveillance aérienne est également entré en action, selon cette même source. Interrogé sur le caractère intentionnel de cette intrusion de drones dans le ciel polonais, M. Rutte a répondu qu’il fallait d’abord attendre une «évaluation complète» de la situation, en liaison avec les autorités polonaises. L’intentionnalité de la Russie est une question ambiguë, relèvent des diplomates à l’Otan. Des incursions de cette sorte se sont déjà produites dans le passé et il n’est pas rare que les drones russes visant l’Ukraine dévient fortement leurs trajectoires pour éviter la défense anti-aérienne de l’Otan, y compris en volant au-dessus de la Pologne. En revanche, selon Varsovie, «pour la première fois, une part significative de ces drones ont survolé la Pologne directement depuis le Belarus». L’Otan pourrait être amenée à prendre des mesures à la suite de cette incursion, face à laquelle elle a été cette fois obligée de répliques, selon des diplomates à Bruxelles. Cela pourrait prendre la forme d’une augmentation des capacités de détection, voire de frappes, selon un diplomate à Bruxelles. Mais la séquence de la nuit dernière a également prouvé l’efficacité des systèmes de défense de l’Alliance, a souligné Mark Rutte. Le commandant suprême des forces de l’Otan en Europe, le général américain Alexus Grynkewich, a également jugé que l’Alliance avait réagi «rapidement et avec détermination à la situation». © Agence France-Presse -
François Bayrou et le MoDem, le mirage du pouvoir
Paris - «C’est pas une sortie à la Mendès-France, mais en rase-campagne», ironise un cadre du camp présidentiel. Neuf mois après l’avoir supplanté, François Bayrou cède Matignon à Sébastien Lecornu, un échec pour le centriste qui devait forger des compromis au Parlement et avec les partenaires sociaux. François Bayrou ne s’est pas éternisé pour son discours de passation. Sébastien Lecornu non plus, qui l’a raccompagné à la porte du 57, rue de Varenne. Le patron du MoDem a auparavant promis «d’aider» son successeur à Matignon. Il a exhorté le pays et sa classe politique à se «rassembler». Et comme il l’a souvent fait ces dix derniers mois, il a appelé à «inventer le monde nouveau» qui «va s’imposer» à partir de la «réalité». Une claire allusion à l'état d’endettement du pays, son mantra depuis un quart de siècle, dont le constat maintes fois répété n’a pas empêché le renversement de son gouvernement par l’Assemblée. Sébastien Lecornu s’y est référé en évoquant l’"extraordinaire courage» avec lequel son prédécesseur a défendu ses «intimes convictions de militant et de citoyen». Tout en ajoutant, dans un discours laconique: «il va falloir aussi changer, être sûrement plus créatif, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions». La scène résume bien l'état d’esprit du camp macroniste, où la mansuétude n’est guère de mise pour un Premier ministre qui, après s'être imposé à Emmanuel Macron, a semblé accélérer sa chute avant même l’examen du budget. La promesse d’un renouveau du dialogue social et politique, porté par le dirigeant centriste adepte de la «co-responsabilité», a échoué lors du conclave entre partenaires sociaux sur les retraites, puis sur ce faux-départ budgétaire sans négociation estivale, après la présentation d’un plan drastique mi-juillet. Jusqu'à ce vote de confiance sollicité à la surprise générale. «C’est malin», écrit, après cette annonce, une ex-ministre MoDem dans une boucle interne. Sauf que les conditions d’une issue positive du vote n’ont été négociées ni avec le PS, ni avec le RN. Surprise dans les rangs du parti, comme au sein du gouvernement, dont les membres n’ont été informés que quelques minutes auparavant. «Jamais rêvé de Matignon» Au sommet de l’Etat, on prend soin de ne pas accabler le Premier ministre, tout en insistant sur le caractère inédit de la méthode. Lors d’un déjeuner à l’Elysée, la semaine dernière, Emmanuel Macron aurait même évoqué l’idée de renoncer à ce vote de confiance, selon l’entourage de l’un des participants. François Bayrou «a échoué sur ce qui était pourtant censé être un mantra, c’est-à-dire une capacité à dialoguer. C’est quand même singulier d’entrer à Matignon en ayant la responsabilité de devoir trouver une voie de passage et de compromis et de se montrer inflexible à toute concession», juge un cadre d’un des partis du bloc central. En témoigne le détail du vote de l’Assemblée lundi: seuls 194 députés lui ont accordé la confiance. François Bayrou n’a pas fait le plein dans le socle commun. 13 députés des Républicains ont même voté contre, et 9 se sont abstenus. «C’est d’une tristesse pour lui... Quarante ans de vie politique qui finit comme ça. Et puis dans l’indifférence générale. Voire dans le soulagement», feint de s'émouvoir un cadre du camp macroniste. Carrière terminée ? C’est mal connaître le Béarnais, murmurent ses proches. Non, François Bayrou ne nourrit pas d’ambition présidentielle. «Ma liberté c’est que je savais, en passant le portail ici, que ça n'était pas compatible», expliquait-t-il à l’AFP début août. Mais «son projet n'était pas d'être Premier ministre mais président de la République. Il n’a jamais rêvé d'être à Matignon», glisse un de ses proches. Le Premier ministre sortant a déjà cédé le pas dans la course à l’Elysée au profit d’Emmanuel Macron en 2017. Et pour la suite ? Un soutien à Edouard Philippe ou à Gabriel Attal n’a rien d’une évidence, tant les relations sont fraîches. Et François Bayrou est encore, jusqu’en 2027, président du MoDem. Baptiste PACE © Agence France-Presse