
Bercy durcit la traque des oligarques

Les mailles du filet se resserrent. La « task force » de Bercy pour rechercher et identifier les personnes et les entreprises visées par les sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie est opérationnelle. La direction générale du Trésor, celle des Finances publiques, Tracfin et les douanes se sont unis pour travailler ensemble.
Les premiers résultats sont encourageants, mais il faudra encore ajuster le cadre juridique pour transformer le gel des avoirs actuellement en vigueur en véritable saisie. Quant à l’identification des personnes physiques visées par les sanctions, qui se cachent souvent derrière une cascade de prête-noms et de sociétés écrans, elle reste un casse-tête pour les autorités et surtout les banques, placées en première ligne.
Chaque service de l’Etat est mis à contribution. Tracfin,le service de renseignement chargé de la lutte contre l’argent sale, apporte par exemple ses compétences techniques et ses ressources en lien avec la direction du Trésor pour appuyer l’action des autres services et s’assurer que les sanctions ne sont pas contournées. L’organisme a d’ailleurs diffusé un appel à vigilance auprès du secteur bancaire dès le 27 février pour éviter des mesures d’évaporation des actifs visés par les sanctions juste avant qu’elles ne soient effectives. « L’administration a ainsi empêché le départ de France de plus de 4,8 milliards d’euros (…) avant que la mesure de gel n’opère », assure Bercy. Cet appel confirme d’ailleurs que ce sont les banques qui, dans le cadre de leurs obligations de lutte contre le blanchment et le financement du terrorisme, sont chargées de faire remonter à Bercy les opérations à risque.
Elargissement des personnes visées
La liste des personnes visées par des sanctions arrêtée par l’Union européenne comprend actuellement 510 personnes ou structures. Mais la France n’exclut pas d’apporter sa contribution à cette liste pour s’assurer que les familles des concernés n’aient pas de prise sur les actifs gelés. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) et les services de renseignement militaire sont impliqués pour identifier les personnalités qui concourent à l’effort de guerre demandé par le Kremlin et disposant d’actifs susceptibles d’être gelés dans l’Union européenne.
Le gel concerne les avoirs bancaires détenus dans les banques européennes, mais aussi les biens immobiliers en territoire communautaire. Si la location et la vente des propriétés sont interdites, leur jouissance est toujours possible. Celle-ci reste dans les faits limité puisque les personnes concernées sont, à de rares exceptions, interdites d’entrée sur le sol européen. Sur le terrain, les acteurs de l’immobilier et notamment les notaires ont pour instruction de bloquer les transactions. «Les parts de société civile immobilière peuvent aussi tomber sous le coup d’une mesure de gel», précise Bercy, ce qui a d’ailleurs déjà été le cas.
Les biens immobiliers ne sont pas les seuls concernés. Ces derniers jours, deux cargos russes ont été «gelés» et un autre saisi. Jeudi encore, un yacht appartenant à une société liée à Igor Setchine, patron du groupe pétrolier russe Rosneft, était immobilisé dans le port de La Ciotat. La marchandise présente sur les embarcations n’est cependant pas concerné par les sanctions.
Du gel à la saisie
Un point reste cependant à clarifier pour les autorités. Celui du passage du gel des avoirs à celui de la saisie. Pour l’heure, les biens saisis sont ceux qui ont voulu échapper au gel, ce qui a permis aux douanes de les saisir. Mais Bercy travaille actuellement avec le ministère de la Justice pour étudier la possibilité de transformer les mesures de gel en saisies.
Du point de vue du droit international, certains professionnels soulignent que cette disposition n’apparaît pas évidente à mettre en œuvre. «Le gel des actifs n’implique pas de transfert de propriété, à l’inverse de leur saisie», éclaire William Woll, avocat en droit international. «En droit international, cela s’appelle des contre-mesures : ce sont des mesures normalement illégales qui répondent elles-mêmes à un acte illégal, et qui deviennent de ce fait légales, poursuit l’avocat. Les contre-mesures doivent être nécessaires et proportionnées pour ne pas violer le droit international. A partir du moment où les oligarques ne peuvent plus financer la guerre, l’objectif est atteint. Une saisie serait difficilement justifiable.»
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse