
Telecom Italia pimente l’offre de KKR

Rien ne peut être simple chez Telecom Italia. Déjà soumis à de vives tensions actionnariales ces cinq dernières années, l’opérateur transalpin doit maintenant gérer une soudaine transition de direction au moment où il fait l’objet d’un projet d’offre d’achat de KKR qui le valorise 33 milliards d’euros, dette comprise.
Vendredi soir, à l’issue d’une réunion fleuve de près de six heures, le conseil d’administration de Telecom Italia a pris acte de la démission de son administrateur délégué (directeur général) Luigi Gubitosi. L’opérateur change ainsi de dirigeant pour la cinquième fois en six ans.
Dans une lettre adressée aux administrateurs en amont de la réunion, le directeur général avait expliqué être prêt à quitter ses fonctions pour permettre au conseil d'évaluer plus sereinement la proposition de rachat déposée par KKR. Il regrettait aussi que certains administrateurs du groupe traînent des pieds pour étudier ce projet d’offre. Sans les citer, Luigi Gubitosi visait les deux administrateurs représentant Vivendi, premier actionnaire de Telecom Italia, avec un peu moins de 24% du capital, avec lequel il est en conflit depuis plusieurs mois.
Pas de confiance avec Vivendi
Le groupe français, qui n’a jamais réellement eu confiance dans un dirigeant placé à la tête de l’entreprise en 2018 par la fonds activiste Elliott lors d’une assemblée générale agitée, reprochait à Luigi Gubitosi les mauvais résultats de l’opérateur et la chute du cours de Bourse à l’origine de son importante moins-value. Ces critiques ont visiblement été entendues par une majorité des administrateurs. Les deux avertissements lancés par Telecom Italia depuis cet été avaient considérablement fragilisé la position du dirigeant.
Luigi Gubitosi reste membre du conseil d’administration mais ses pouvoirs de direction générale ont été confiés à Pietro Labriola, directeur général de la filiale brésilienne du groupe. Ce dernier n’est toutefois pas membre du conseil d’administration, ce qui réduit son pouvoir d’influence.
Salvatore Rossi, le président non exécutif, s’est vu attribuer des responsabilités et des pouvoirs relatifs au partenariat et aux alliances, à la communication institutionnelle, aux projets de durabilité et au parrainage, aux affaires publiques, ainsi que la responsabilité de la gestion des actifs de TIM et des activités d’importance stratégique pour le système national de défense et de sécurité. Le conseil d’administration, avec l’appui du cabinet de chasse de tête Spencer Stuart, va chercher une solution de gouvernance définitive.
Un comité ad hoc pour étudier l’offre de KKR
Quoi qu’il en soit, « la nouvelle structure de direction de l’entreprise garantit la pleine capacité d’opération du groupe dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. Elle assure également, dans une phase aussi complexe, un leadership cohésif, ferme et déterminé », a assuré Telecom Italia dans un communiqué. Le conseil d’administration a créé un comité ad hoc composé du président et de quatre administrateurs indépendants (Paola Sapienza, Paolo Boccardelli, Marella Moretti et Ilaria Romagnoli) afin qu’il « initie et réalise sans délai (…) toutes les activités préliminaires pour préparer l’examen du contenu de la manifestation d’intérêt non contraignante » de KKR.
Selon la rumeur, KKR proposerait de séparer le réseau à très haut débit de Telecom Italia pour qu’il soit repris par la Cassa Depositi e Prestiti, la Caisse des dépôts italienne, ce qui apaiserait les inquiétudes de Rome sur la prise de pouvoir du fonds américain. Ce projet de scission a déjà été étudié à plusieurs reprises ces dix dernières années. Pietro Labriola faisait d’ailleurs parti d’un des groupes de travail qui avaient analysé le scénario et ses conséquences.
L’ombre de Xavier Niel
Cette scission permettrait à Telecom Italia d’alléger le fardeau de sa dette et de retrouver plus de marge de manoeuvre financière face à une concurrence dans le mobile ravivée par l’arrivé de Free en 2018. L’opérateur de Xavier Niel revendique un peu plus de 8 millions d’abonnés, ce qui lui a permis d’atteindre le point d’équilibre. En trois ans, Telecom Italia a perdu 1,5 million d’abonnés, à 30,5 millions selon ses derniers chiffres.
L’arrivée de KKR dans le dossier a rouvert la spéculation sur un intérêt de Xavier Niel pour Telecom Italia. Le fondateur et premier actionnaire d’Iliad, société qu’il a retiré de la Bourse cet été, était entré au capital de Telecom Italia en 2015 au moment où Vivendi montait au capital de l’opérateur. Xavier Niel est aussi administrateur de KKR depuis 2018. Xavier Niel ne fait pas de commentaire.
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Réassurance : prix en baisse mais secteur stable face aux catastrophes et émeutes
Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
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