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Les vrais défis de l’Union des marchés de capitaux

Les dirigeants européens ont placé l’Union des marchés de capitaux (UMC) en tête de l’agenda politique. Cette prise de conscience de l’importance du sujet par la classe politique représente aussi l’opportunité de s’attaquer à des enjeux qui vont bien au-delà de la création de nouveaux produits financiers. La prochaine Commission européenne, qui sera nommée dans quelques semaines, doit profiter du nouvel élan dont elle bénéficiera pour s’atteler à des problèmes structurels qui entravent la bonne marche de l’Union Européenne.
La perte de la compétitivité de l’UE ne fait plus débat
Le récent rapport sur l’avenir du marché unique, rédigé par Enrico Letta, souligne l’ampleur de la perte de compétitivité de l’Europe face aux Etats-Unis et à l’Asie. De toute évidence, les chocs des 15 dernières années, de la crise financière mondiale à la crise de la dette souveraine, en passant par le Brexit, le Covid et le choc d’inflation exacerbée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont ébranlé nos économies.
Les services financiers n’ont pas été épargnés. En 2007, les gestionnaires d’actifs européens détenaient 47% des actifs mondiaux, contre 51% pour les gestionnaires américains. En 2022, leur part est tombée à 22% contre 70%[1]. Selon le rapport Letta, quelque 300 milliards d’euros partent ainsi chaque année de l’Europe vers les États-Unis, privant ainsi les entreprises européennes de capitaux cruciaux pour leur développement. De plus, elles préfèrent désormais s’introduire en Bourse à New York plutôt qu'à Londres, Francfort ou Paris, les marchés européens n’arrivant plus à rivaliser avec la taille et la liquidité du marché américain.
Trois chantiers à mener en priorité
La prochaine Commission, qui entamera son nouveau mandat cet automne, devra s’attacher à lever les nombreux obstacles qui entravent sa réalisation. Le principal défi sera de travailler à réduire la trop grande fragmentation du marché européen. Trois freins sont à lever en priorité.
Premièrement, l’UE a perdu de sa compétitivité en partie à cause d’un excès de réglementation. Il est indéniable que celle-ci a permis d'éviter une crise financière l’année dernière. Elle a par ailleurs contribué à faire de l’UE un leader mondial dans les domaines de la finance durable et de la finance numérique. Cependant, il est nécessaire de revoir ce corpus pour déterminer, à la lumière de l’expérience des dix dernières années, quelles règles sont vraiment importantes et lesquelles peuvent être supprimées.
Deuxièmement, les marchés de capitaux européens manquent de liquidité et de profondeur en raison du comportement des investisseurs. Les Européens sont culturellement plus réfractaires au risque que les Américains. Il est beaucoup plus facile d’obtenir un financement pour une innovation en phase de démarrage aux États-Unis qu’en Europe. Pour remédier à cela, il est crucial d’améliorer l'éducation financière dès le plus jeune âge. Ceci prendra malheureusement du temps.
A lire aussi: L'Union des marchés de capitaux, outil d'émancipation pour la BCE
Enfin, à court terme, l’UE doit non seulement identifier les domaines prioritaires pour des règles communes, mais aussi agir davantage pour contrer les obstacles créés par les États membres à la libre circulation des services. Bien que le marché unique repose sur la libre circulation des biens et services, des règles supplémentaires imposées par les États membres compliquent souvent cette dynamique, pour diverses raisons allant de considérations louables à un protectionnisme pur et simple.
La solution d’une supervision européenne centralisée peut paraître à certains une réponse appropriée à ces maux. Mais ce n’est pas le cas. Elle ne permettra ni de lever des capitaux supplémentaires ni de faire supprimer des réglementations nationales qui créent des entraves à la libre circulation des services dans l’UE. Seule la Commission a le pouvoir de s’y attaquer. Le succès de la construction européenne est fondé sur une mise en œuvre décentralisée des règles européennes, tant par les administrations nationales appelées à les appliquer dans tous les domaines que par les juridictions nationales qui sont juges de droit commun des contentieux du droit communautaire.
Ce qu’il nous faut est certes une plus grande convergence sur la manière dont les règles communes sont appliquées, et non une application centralisée des règles.
[1] Rapport de l’OMFIF (Official Monetary and Financial Institutions Forum), en partenariat avec Luxembourg for Finance
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Chili: violents affrontements et arrestations lors de la marche en mémoire des victimes de Pinochet
Santiago du Chili - Au moins 57 personnes ont été arrêtées lors d’affrontements avec la police dimanche à Santiago du Chili durant la marche annuelle en mémoire des victimes de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), a rapporté la police. Le cortège s’est déroulé quelques jours avant le 52e anniversaire du coup d'État dirigé par Augusto Pinochet le 11 septembre 1973, qui avait fait tomber le gouvernement du socialiste Salvador Allende. Quelque 2.000 manifestants se sont réunis aux abords du palais présidentiel de La Moneda, dans le centre de Santiago, et ont ensuite marché vers le Cimetière général, situé à environ quatre kilomètres au nord. «Après différents incidents sur le parcours, 57 personnes (dont 11 adolescents) ont été arrêtées», a annoncé la police sur les réseaux sociaux, sans faire état de blessés. Ces personnes ont été arrêtées pour des délits tels que la fabrication et le jet d’engins incendiaires, des troubles à l’ordre public, des dégradations et port d’arme blanche. Les manifestants ont lancé des pierres, des fusées éclairantes et des cocktails Molotov, tandis que la police a riposté avec des gaz lacrymogènes et des lances à eau. Les affrontements entre des dizaines de manifestants cagoulés et des agents des forces de l’ordre ont eu lieu près du palais de La Moneda, à des carrefours et aux abords du cimetière. «Le pays n’a pas de mémoire. Nous devons créer cette mémoire, parce que (...) le négationnisme est très ancré», a déclaré à l’AFP pendant la marche Ana María Carreño, une femme de 68 ans, dont le père, Manuel Antonio, et le frère, Iván Sergio, sont toujours portés disparus. La dictature au Chili a fait environ 3.200 victimes, mortes ou disparues. © Agence France-Presse -
Argentine: Javier Milei défie l’opposition après sa défaite électorale à Buenos Aires
La Plata - Le président argentin Javier Milei a subi dimanche un net revers lors d’une élection dans l’importante province de Buenos Aires, à valeur de test en vue des législatives de mi-mandat en octobre, mais a pour autant promis «d’accélérer» le cap de ses réformes ultralibérales. Selon des résultats officiels à 93% des votes décomptés, La Libertad Avanza (LLA), parti libertarien de M. Milei, a obtenu un peu moins de 34% des voix, contre plus de 47% à l’opposition péroniste de Fuerza Patria (centre-gauche) dans la province de Buenos Aires, qui compte plus du tiers de l'électorat argentin. La province étant un fief péroniste, une victoire de LLA au scrutin n'était guère envisagée, mais l'écart a priori important, de l’ordre de 13 points de pourcentage voire plus, a fait mentir la plupart des sondages, qui prévoyaient une course serrée. Il s’agissait du premier grand test électoral pour Javier Milei, depuis le début de sa présidence en décembre 2023, sur un programme de relance d’une économie engluée dans une inflation et un endettement chroniques, en sabrant dans les dépenses publiques. Pour autant, le parti de Milei, qui pour cette élection provinciale avait fait alliance avec le parti PRO de l’ex-président libéral Mauricio Macri (2015-2019) devrait gagner du terrain au sein de l’assemblée de la province de Buenos Aires, que ce scrutin renouvelait. Il devrait y doubler son contingent de 12 sièges (sur 92). Javier Milei a reconnu sans détour dimanche que «sur le plan politique (c'était) une claire défaite». Mais «le cap pour lequel nous avons été élus en 2023 ne va pas changer (...) nous allons l’approfondir et accélérer», a-t-il lancé au QG électoral de son parti à La Plata (sud de Buenos Aires). «Il faut qu’on apprenne de ça», déclarait à l’AFP Diego Valenzuela, un candidat LLA. Estimant que le résultat «tient à la volonté (de Milei) de ne pas faire de populisme en économie, ce qui est nouveau en Argentine». L’ambiance atone, décalée, au QG de LLA, avec quelques partisans rapidement dispersés après le discours du chef de l’Etat, contrastait avec l’exubérance au QG péroniste, où le gouverneur de la province, Axel Kicillof, a été accueilli aux cris de «Ca se sent, ça se sent, Axel président !», en référence à l'élection présidentielle de 2027, a constaté l’AFP «Accélérer» ou «changer» de cap «Il va devoir changer de cap !» a lancé M. Kicillof en réponse directe au président, «Milei, le peuple vient de te donner un ordre (...) gouverne pour le peuple !». Axel Kicillof, 53 ans, un des chefs de file de l’opposition, est perçu comme son seul présidentiable possible, a fortiori depuis que l’ex-présidente et icône de la gauche argentine, Cristina Kirchner, 72 ans, purge à domicile depuis depuis juin une peine de prison et d’inéligibilité à vie, après sa condamnation pour administration frauduleuse pendant ses mandats (2007-2015). Le scrutin de dimanche survenait dans une période délicate pour le gouvernement Milei, malgré ses résultats éloquents --bien qu'à un fort coût social-- depuis deux ans contre l’inflation, ramenée à 17,3% sur sept mois depuis janvier, contre 87% sur la même période en 2024. L’exécutif a été secoué en août par un scandale de présumés pots-de-vin au sein de l’Agence nationale pour le Handicap, qui implique Karina Milei, sœur du président et secrétaire générale de la présidence. Qui à ce stade n’a toutefois pas été directement mise en cause par la justice. Mais Javier Milei a aussi subi un important revers législatif jeudi, lorsque le Parlement, pour la première fois de sa présidence, a annulé un veto présidentiel, sur une loi de financement accru des personnes handicapées. Au nom, selon l’exécutif, d’un sacro-saint équilibre budgétaire, qu’il a de nouveau promis dimanche de ne sacrifier en rien. En outre, sur le plan économique, le gouvernement, en un virage notable, a commencé cette semaine à intervenir sur le marché des changes pour enrayer la dépréciation du peso, qui s'était accélérée récemment, sur fond de nervosité pré-électorale des marchés financiers. Leur réaction lundi au revers électoral de M. Milei était une des inconnues post-scrutin. Pour autant, le résultat provincial de dimanche ne préfigure pas nécessairement des élections nationales d’octobre (qui renouvelleront un tiers du Sénat et la moitié des députés). Les sondages suggèrent avec constance un noyau dur d’approbation de Javier Milei autour de 40% voire davantage. Tomás VIOLA © Agence France-Presse -
Affaire des assistants parlementaires du FN: menacée d'inéligibilité, Le Pen va être fixée sur les dates de son procès en appel
Paris - Marine Le Pen va connaître lundi les dates de son procès à la cour d’appel de Paris dans l’affaire des assistants parlementaires européens, une échéance judiciaire et politique cruciale avant la présidentielle de 2027 pour la patronne de l’extrême droite, actuellement inéligible. Le 31 mars, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la cheffe des députés du Rassemblement national (ex-Front national, FN) à quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme, 100.000 euros d’amende et, surtout, une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. La justice l’a reconnue coupable, ainsi que 24 anciens eurodéputés, assistants, expert-comptable et le parti d’extrême droite en tant que personne morale, d’avoir mis en place un «système» entre 2004 et 2016 pour payer des salariés du parti avec l’argent du Parlement européen pour un préjudice économique évalué au final à 3,2 millions d’euros. Seules douze des personnes condamnées ainsi que le parti ont fait appel - notamment le maire de Perpignan Louis Aliot, le député Julien Odoul, l’eurodéputé Nicolas Bay, Wallerand de Saint-Just et Bruno Gollnisch, deux cadres historiques du RN - laissant entrevoir un procès plus court que le premier, lequel avait duré deux mois à l’automne 2024. La condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, l’empêchant en l'état de se présenter à toute élection, avait provoqué de vives réactions politiques, tant dans son camp que parmi ses adversaires, le Premier ministre François Bayrou faisant publiquement part de son «trouble». Elle avait en outre ouvert la voie à l’hypothèse d’un «plan B comme Bardella» pour représenter le parti à la flamme à la présidentielle de 2027. Malgré les stocks vertigineux de dossiers en attente de traitement à la cour d’appel de Paris, celle-ci a accéléré son calendrier pour ce dossier afin d'être en mesure de rendre son arrêt à l'été 2026. En parallèle, le RN est sous le coup d’une autre procédure après l’ouverture en juillet 2024 d’une information judiciaire notamment pour escroquerie au préjudice d’une personne publique et financement illicite des campagnes électorales, qui a entraîné une perquisition de son siège début juillet. L’enquête porte principalement sur des prêts de particuliers au parti pour financer ses campagnes présidentielle et législatives de 2022 et celles des européennes de 2024, selon le parquet de Paris. Recours devant le Conseil d’Etat Au-delà de l'échéance présidentielle, Mme Le Pen ne pourrait théoriquement pas se présenter en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. Elle entend ainsi multiplier les recours pour tenter de faire déclarer inconstitutionnel le caractère immédiat de son inéligibilité. En juillet, l’ancienne avocate a formulé deux requêtes distinctes au Conseil d’Etat. La première, contre un jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juin qui confirme sa démission d’office de son siège de conseillère départementale du Pas-de-Calais prononcée deux mois plus tôt par le préfet de ce département. La seconde, contre la décision du Premier ministre de ne pas accéder à sa demande d’abroger des dispositions du Code électoral qui prévoient sa radiation des listes électorales, précisément en raison de l’"exécution provisoire» de sa condamnation pénale. A l’appui de chacun de ces recours, la triple candidate malheureuse à la présidentielle a également déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estimant que son inéligibilité immédiate est notamment contraire à «la liberté de candidature» et «la liberté des électeurs», selon elle protégées par le texte fondamental. Elle a pourtant déjà connu un revers: lors de l’audience devant le tribunal administratif de Lille, une première QPC a été rejetée, les magistrats ayant relevé que les articles de loi qui ont permis sa condamnation à l’inéligibilité immédiate ont déjà été reconnus conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans de précédentes décisions. Alexandre MARCHAND © Agence France-Presse