Les économistes de la BCE adaptent leurs projections

Ces prévisions sont d’autant plus scrutées que la politique monétaire évolue avec les données.
BCE
La présidente de la BCE souhaiterait voir les gouvernements commencer à retirer leurs mesures de soutien budgétaire.  -  European Union

«Data-dependent.» En décembre, l’équipe d’économistes de la Banque centrale européenne (BCE) avait accompagné le ton alors considéré comme restrictif du comité de politique monétaire par des projections étonnantes pour beaucoup d'économistes qui ne comprenaient pas la combinaison d’une croissance moyenne à 0,5% avec une inflation moyenne à 6,3% en 2023…

Depuis, les effets d’une météo clémente en octobre et d’une forte adaptation des agents économiques (ménages et entreprises) ont permis de limiter la consommation de gaz naturel et donc ses prix. Et l’économie s’est montrée assez résiliente, tant à l’échelle européenne que mondiale.

En s’appuyant sur un prix moyen (forward) du gaz naturel à 58 euro/MWh au lieu de 124 euro/MWh, les économistes de Francfort sous la houlette de Philip Lane ont donc révisé sensiblement leurs projections d’inflation : à 5,3% en 2023 au lieu de 6,3% ; 2,9% en 2024 au lieu de 3,4% ; et 2,1% en 2025 au lieu de 2,3%. Ces prévisions aboutissent en revanche à une inflation sous-jacente (core CPI hors énergie et alimentation) plus élevée à 4,6% au lieu de 4,2% en 2023 (puis 2,5% en 2024 et 2,2% en 2025). Et également à une croissance plus robuste cette année, à 1% en 2023 au lieu de 0,5%, puis 1,6% en 2024 et 2025 (au lieu de 1,9% et 1,8%).

«Pour 2023, nous sommes à peu près en phase avec ces chiffres qui ont pu être révisés à partir de la bonne surprise au quatrième trimestre 2022 (+0,1% de croissance en rythme trimestriel), rappelle Yvan Mamalet, économiste senior Europe chez Société Générale CIB. Depuis longtemps, nous estimons qu’il n’y aura pas de récession aux Etats-Unis en 2023, mais plutôt début 2024, et que, après une croissance à 1,2% avec 5,7% d’inflation en 2023 pour la zone euro, notre économie resterait faible en 2024, avec 0,9% de croissance en moyenne.»

Plus critique, Axel Botte, stratégiste chez Ostrum AM a estimé que «la baisse des projections d’inflation est surprenante compte tenu des dernières données et du relèvement de la prévision de croissance pour 2023, d’autant que toutes les composantes de l’inflation à l’exception de l’énergie accéléraient en début d’année (…) Nous sommes dubitatifs quant à la possibilité d’une baisse rapide de l’inflation. Ce nouvel élément est crucial pour comprendre l’absence d’indications quant aux prochains mouvements de taux».

Rappelant que l’économie de la zone euro avait évité la contraction au quatrième trimestre, Christine Lagarde a tout de même indiqué que «la demande intérieure privée a nettement diminué», que «la forte inflation, les incertitudes actuelles et les conditions de financement plus strictes ont pesé sur la consommation privée et sur l’investissement, en recul de 0,9% et 3,6% respectivement», et que «les risques pour les perspectives de croissance sont orientées à la baisse». Selon le scénario de référence, l’économie devrait se redresser dans les prochains trimestres, avec notamment une amélioration de l’offre. Et ce même si le crédit aux entreprises et aux ménages a commencé à s’affaiblir sous l’effet des taux plus élevés, «mais pas assez» vite pour que la situation s’améliore sur l’inflation sous-jacente.

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Focus sur l’inflation sous-jacente

Si la baisse des prix de l’énergie et l’augmentation des salaires compenseront en partie la perte de pouvoir d’achat des ménages, «la présidente de la BCE a confirmé que les tensions sur le marché du travail demeurent et peuvent conforter des hausses salariales durables, poursuit Yvan Mamalet. Pour nous, la demande dans les services, l’épargne accumulée et les marges des entreprises restent des facteurs de soutien cette année.» Sans oublier les mesures de soutien budgétaire, dont Christine Lagarde souhaiterait désormais voir les gouvernements «commencer à les retirer (…) rapidement et de manière concertée» afin de limiter les tensions inflationnistes à moyen terme.

Les pouvoirs publics devraient désormais avoir pour objectif d’améliorer la productivité. «L’hypothèse concernant des gains de productivité à 1,2% et 1,3% en 2024 et 2025 nous paraît optimiste au vu de l’historique en zone euro : sans cette hausse, l’inflation sous-jacente sera encore plus élevée», conclut Yvan Mamalet.

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