La Fed croit à un atterrissage en douceur de l'économie

Les projections trimestrielles des gouverneurs confirment la théorie d’une normalisation possible de l’économie sans trop accroître le chômage.
Le comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed, Federal Open Market Committee (FOMC), Jerome Powell, Federal Reserve
Le comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed  -  Photo Fed.

N’en déplaise aux économistes du Peterson Institute, les gouverneurs de la Fed ont confirmé ce 22 mars à l’issue du Comité de politique monétaire (FOMC) qu’ils s’attendent bien à un atterrissage en douceur de l’économie américaine. Leurs projections économiques et de hausses des taux (dot plots) trimestrielles plaident en ce sens.

Inédit dans l’histoire des resserrements monétaires, ce scénario suscitait en juillet 2022 quelques sarcasmes d’Olivier Blanchard et de Larry Summers. Ils estimaient alors qu’il était impossible d’effacer les postes de travail vacants sans détériorer le taux de chômage, ce qui correspond à un scénario de «hard landing».

Or, ce scénario de «soft landing» de la Fed a même été remplacé par l’idée d’une réaccélération de l’économie américaine («no landing») avec les données sur l’emploi et sur l’inflation en février. Mais la crise bancaire – que le président de la Réserve fédérale Jerome Powell a tenté mercredi de relativiser - est passée par là avec la faillite de Silicon Valley Bank, et a sans doute conduit à un réajustement des projections.

Les gouverneurs aboutissent à une croissance en fin d’année de 0,4% en 2023 au lieu de 0,5% anticipés en décembre 2022. Pour 2024, la projection est ramenée de 1,6% à 1,2%. Ceci serait permis par un retour de l’inflation PCE à 3,3% en décembre (au lieu de 3,1% dans la projection précédente) et de l’inflation sous-jacente «core PCE» à 3,6% (+0,1 point), avant une relative normalisation dans les deux cas autour de 2,5% en 2024 et 2,1% en 2025.

Ces nouvelles projections sont légèrement plus pessimistes que les précédentes, mais très probablement nuancées, tant sur la croissance que sur l’inflation, par la récente crise bancaire. En réduisant encore l’accès au crédit, celle-ci pourrait faire une partie du travail qui incombait à la banque centrale tout en augmentant le niveau d’incertitude.

«Avec une croissance en moyenne annuelle à 1,4% pour 2023 et 0,8% pour 2024, le niveau d’activité auquel nous arrivons fin 2024 est proche de la trajectoire médiane des membres du FOMC, note Florence Pisani, directrice de la recherche chez Candriam. Surtout, ces prévisions semblent confirmer que la Fed croit toujours possible de ramener l’inflation vers des chiffres plus acceptables, sans que le taux de chômage n’ait à remonter très au-dessus de 4,5%.»

A part pour l’un des gouverneurs, beaucoup plus restrictif (hawkish), c’est d’ailleurs le niveau de taux de chômage prévu pour fin 2023. La projection 2024 est à 4,6%.

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Dispersion sur les hausses de taux

La dispersion des anticipations entre les différents gouverneurs reste toutefois toujours aussi importante d’un trimestre sur l’autre. C’est en particulier le cas pour les «dot plots» (voir graphique) les nuages de points qui illustrent leurs projections de taux et qui aboutissent à un taux directeur Fed funds effectif médian de 5,1% fin 2023, 4,2% fin 2024 et 3,1% en 2025. Comme en décembre, l'écart reste extrême entre le gouverneur le plus «faucon» qui veut les porter à 5,9% en 2023 et les imagine rester à 5,6% dans deux ans, et le plus «colombe» qui les voit revenir à 2,4%. On note que 12 gouverneurs sur 18 situent ces taux entre 2,6% et 3,3% en 2025.

«Le principal message sur les taux est bien qu’il ne devrait pas y avoir de baisse en 2023, ce qui nuance le message accommodant (dovish) envoyé par la hausse décidée de ‘seulement’ 25 points de base (pb), poursuit Florence Pisani. En outre, l’assouplissement resterait très modéré en 2024 : les taux attendus par la plupart des membres du FOMC se situeraient entre 4,1% et 4,6% l’an prochain, à peu près comme en décembre dernier.»

Ce message n’a pas suffi à convaincre les marchés de swaps. Ces derniers anticipent toujours une dernière hausse de taux de 25 pb en mai (à 5,1% en taux effectif et 5,25% pour le haut de fourchette), mais voient aussi la Fed rebaisser nettement son taux directeur au second semestre, jusqu’à 4,1% dès janvier prochain. «Les responsables du FOMC seront quand même attentifs à la proportion dans laquelle les récents développements resserreront les conditions de crédit, ce qui, même selon Jerome Powell, pourrait contribuer à compenser la nécessité de nouvelles hausses de taux», concluent les économistes de Pimco, Tiffany Wilding et Allison Boxer, en évoquant les effets déjà notables sur les PME. De quoi assurer le fameux «soft landing» ?

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