
La BCE monte ses taux en laissant entrevoir la pause

La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi ses taux directeurs pour la dixième fois depuis juillet 2022, tout en laissant entendre que cette hausse pourrait être la dernière du cycle actuel de resserrement monétaire, qui a permis de diviser par deux le taux d’inflation dans la zone euro et de freiner sensiblement l'économie.
Alors que les investisseurs étaient partagés sur la décision qu’adopterait la BCE face au net ralentissement de l'économie de la zone euro, le conseil des gouverneurs a augmenté ses trois taux directeurs de 25 points de base, comme à chacune de ses réunions depuis mai. Le taux de rémunération des dépôts se situe désormais à un record de 4%.
Cependant, la décision n’a pas été adoptée à l’unanimité et certains gouverneurs auraient préféré faire une «pause», a souligné la présidente de la BCE, Christine Lagarde, pendant la conférence de presse qui a suivi la réunion du conseil des gouverneurs.
A la place, les gouverneurs ont souligné dans le communiqué annonçant la décision de la BCE qu’ils considéraient que «les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de l’objectif». Cette formulation laisse entendre que le resserrement monétaire touche à sa fin dans la zone euro, même si Christine Lagarde a affirmé que «nous ne pouvons pas dire que les taux d’intérêt ont atteint leur pic».
Des annonces saluées par les marchés
«La communication de la Banque centrale européenne (BCE) est claire : aujourd’hui a eu lieu la dernière hausse des taux du cycle actuel», commentait Carsten Brzeski, responsable de la recherche macroéconomique chez ING, peu après l’annonce de la décision de la BCE.
«La BCE a procédé à un relèvement accommodant de ses taux plutôt qu'à une pause restrictive», estimait pour sa part Sami Chaar, chef économiste de Lombard Odier, en ajoutant être «de plus en plus convaincu que le travail de la BCE est terminé».
En réaction, l’euro et les rendements obligataires baissaient nettement jeudi après-midi, tandis que les marchés d’actions s’inscrivaient en forte hausse. Au plus bas depuis la mi-mars, l’euro abandonnait 0,7%, à 1,0660 dollar, vers 16h15.
Parallèlement, le taux du Bund à dix ans perdait près de 4 points de base, à 2,615%, et celui de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) français de même maturité reculait de 5 points de base, à 3,147%. Le rendement du BTP italien à dix ans accusait un repli de 8,8 points de base, à 4,370%.
Sur les marchés d’actions, l’indice Stoxx Europe 600 s’adjugeait 1,1%, à 459,1 points, le CAC 40 prenait 0,8% à Paris et le DAX 40 progressait de 0,6% à Francfort. Ailleurs dans la zone euro, les Bourses de Madrid, Amsterdam, Lisbonne, Vienne et Helsinki avançaient toutes de plus de 1%.
Des taux relevés de 450 points de base en 14 mois
Depuis juillet 2022, la BCE a augmenté ses taux de 450 points de base au total afin de contenir une inflation qui s’est stabilisée à 5,3% sur un an en août dans la zone euro. Si l’inflation a reflué par rapport au point haut de 10,6% atteint en octobre 2022, elle reste nettement supérieure à l’objectif de 2% de la BCE et la récente hausse des cours du pétrole laisse craindre une nouvelle accélération des prix dans les mois qui viennent.
Les coûts de l'énergie et de l’alimentation constituent des risques à la hausse pour l’inflation, a d’ailleurs souligné Christine Lagarde jeudi, alors que la BCE a dévoilé ses nouvelles projections de croissance et d’inflation pour cette année et les deux suivantes.
L’institution anticipe désormais une inflation moyenne de 5,6% en 2023, 3,2% en 2024 et 2,1% en 2025. En juin, elle prévoyait une inflation de 5,4% en 2023, 3% en 2024 et 2,2% en 2025. Hors alimentation et énergie, l’inflation est attendue à 5,1% en moyenne cette année, 2,9% en 2024 et 2,2% en 2025. En juin, la BCE anticipait une inflation sous-jacente de 5,1% en 2023, 3% en 2024 et 2,3% en 2025.
La projection de croissance pour 2024 revue en forte baisse
Parallèlement, l’incidence croissante du resserrement monétaire sur la demande intérieure et le ralentissement du commerce international ont amené les équipes de la BCE à réduire leurs prévisions concernant le produit intérieur brut (PIB) pour cette année et les suivantes. Le PIB de la zone euro est désormais attendu en hausse de 0,7% cette année, de 1% en 2024 et de 1,5% en 2025. La BCE prévoyait auparavant une croissance de 0,9% en 2023, de 1,5% en 2024 et de 1,6% en 2025.
«La transmission des précédentes hausses des taux décidées par le conseil des gouverneurs demeure vigoureuse. Les conditions de financement se sont encore resserrées, freinant de plus en plus la demande, ce qui constitue un élément important pour ramener l’inflation au niveau de l’objectif», a souligné la banque centrale.
Dans les mois qui viennent, le conseil des gouverneurs fera en sorte que les taux d’intérêt directeurs «soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire», a précisé la BCE, qui continuera de s’appuyer sur les données «pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive».
Plus d'articles du même thème
-
L’emploi américain accélère sa dégradation
Les créations d’emplois aux Etats-Unis ont continué à ralentir en août, affectant l'ensemble du marché du travail. Avec des révisions annuelles encore attendues la semaine prochaine, cela pourrait finalement soutenir l’idée d’une baisse des taux des Fed funds encore plus marquée, peut-être dès septembre. -
Patrimoine Online à Bordeaux avec Yves Mazin (CNCGP & Version Patrimoine)
Le nouveau président de la CNCGP, également co-fondateur du cabinet Version Patrimoine, était l’invité de la rentrée. -
L’automne s’annonce risqué pour les taux longs
Les obligations souveraines à long terme ont subi une nouvelle correction violente début septembre. Les facteurs fondamentaux comme les facteurs techniques ne permettent pas d’envisager un changement de la tendance.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street recule face au ralentissement de l'emploi malgré la perspective de baisses de taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). La place américaine se montre quelque peu «angoissée» face à un possible «ralentissement économique» aux Etats-Unis, a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers. Le marché du travail a continué à se dégrader en août aux Etats-Unis, avec un taux de chômage en progression, à 4,3%, selon les données officielles publiées vendredi par le ministère du Travail américain. La première économie mondiale a créé seulement 22.000 emplois le mois dernier, un niveau bien inférieur à ceux auxquels les Etats-Unis étaient habitués. Les analystes s’attendaient à 75.000 créations d’emploi, selon le consensus publié par MarketWatch. Les investisseurs demeurent prudents, ne connaissant pour le moment pas encore «toutes les implications de cette faiblesse persistante du marché du travail», notent les analystes de Briefing.com. Le flou autour des droits de douane de Donald Trump risque de continuer à freiner les embauches, a relevé par ailleurs Art Hogan, analyste de B. Riley Wealth Management. Mais ce rapport sur l’emploi donne aussi le feu vert à un assouplissement monétaire de la part de la banque centrale américaine (Fed) lors de sa réunion de septembre, avec la possibilité d’un futur coup de fouet pour l'économie. Il «laisse également entendre que d’autres mesures seront nécessaires pour stabiliser le marché du travail avant la fin de l’année», a noté Samuel Tombs, analyste de Pantheon Macroeconomics. Les acteurs du marché s’attendaient déjà à ce que le Fed réduise ses taux dans une fourchette de 4,00% à 4,25% lors de sa prochaine réunion. Désormais, ils sont aussi une majorité à anticiper d’autres baisses lors des réunions d’octobre et de décembre, selon l’outil de veille FedWatch CME. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, les taux d’intérêt ont nettement reculé. Vers 20H15, le rendement de l’obligation d’Etat américaine à échéance 10 ans tombait à 4,09%, contre 4,16% jeudi en clôture. A deux ans, il reculait à 3,52% contre 3,59%. Au tableau des valeurs, le géant des semi-conducteurs Broadcom a brillé (+9,41% à 334,89 dollars) après l’annonce de résultats supérieurs aux attentes pour le troisième trimestre de son exercice décalé, tant au niveau de son chiffre d’affaires que de son bénéfice net par action. Le groupe pharmaceutique Kenvue a chuté (-9,15% à 18,66 dollars) après parution d’informations de presse assurant que le ministre américain de la Santé pourrait lier son médicament phare, le Tylenol, au développement de l’autisme chez l’enfant. Selon le Wall Street Journal, le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr, contesté pour ses positions antivaccins, s’apprêterait à lier la prise d’acétaminophène (ou paracétamol) - principe actif du Tylenol aux Etats-Unis ou Doliprane en France - chez les femmes enceintes au développement de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, dont l’autisme. Le spécialiste des véhicules électriques Tesla (+3,64% à 350,84 dollars) a été recherché après que son conseil d’administration a proposé un plan de rémunération inédit sur dix ans pour son patron Elon Musk, qui pourrait lui rapporter plus de 1.000 milliards de dollars, sous conditions, et renforcer son contrôle sur l’entreprise. L'équipementier sportif Lululemon Athletica a plongé (-18,58% à 167,80 dollars) en raison de prévisions ne convainquant pas les analystes. L’entreprise s’attend à un bénéfice net par action compris entre 12,77 et 12,97 dollars pour l’année complète, alors que les anticipations étaient de 14,15 dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
Wall Street clôture en baisse après des chiffres décevants de l'emploi américain
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). Nasdaq © Agence France-Presse -
Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse