
- ESG
- Tribune
Ce que le système financier peut faire pour le climat

Le problème économique du «réchauffement climatique» est double. Primo, il crée une externalité négative : le gain pour la collectivité des investissements pour y faire face est supérieur à celui des agents privés et le seul moyen de réconcilier intérêts privés et bien commun, c’est soit d’imposer une taxe carbone (bien conçue), pour que le signal prix fonctionne, soit de procéder à des interventions (aides ou contraintes) ou des incitations massives de la puissance publique pour aligner les intérêts. Secundo, c’est un sujet planétaire, et le dilemme du prisonnier est à l’œuvre : faute de régulation mondiale, les efforts de chacun paraissent insignifiants. La volonté de coopération ou de solidarité internationale est limitée et les institutions susceptibles de réaliser la régulation (l’ONU et la COP) sont peu efficaces ou sans pouvoir de sanction du non-respect des règles retenues.
Or, les dégâts s’accélèrent et un sentiment d’urgence nous envahit. Le temps est compté, mais on ignore le répit qui nous reste. Longtemps niés, ces problèmes ne peuvent plus l’être. Mais ils n’ont pas trait à la finance : il est question de prix (relatifs), de budgets, de réglementation, d’institutions nouvelles et de régulation, et non de monnaie, de crédit, d’inflation ou de taux d’intérêt. Et tant qu’ils ne sont pas réglés, le rôle du système financier restera secondaire. Il ne se contente pourtant pas d’attendre : les banques, les gérants de fonds, les assureurs assument leur responsabilité sociale, les critères extra-financiers s’imposent à eux. Ils les adoptent, en s’efforçant de les rendre compatibles avec les intérêts de leurs actionnaires, et chacun essaye sincèrement, mais sans doute trop lentement, à l’échelle microéconomique, d’apporter sa pierre.
Besoins de financement
Supposons donc que les pays trouvent les moyens de mettre en place des mesures (bien réelles) incitant à la nécessaire transition. Se pose alors une question macroéconomique. Il va falloir investir massivement, les besoins de financement seront énormes : un chiffrage de 600 milliards d’euros par an pour l’UE a été avancé par la Commission européenne dans un rapport de 2020. Pour la France, l’institut Rexecode évalue l’effort supplémentaire d’ici 2030 à 60 à 80 milliards d’euros, soit plus de 2% du PIB par an. Et, dans un rapport qui a fait grand bruit, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont estimé que le montant supplémentaire d’investissement pour la France à l’horizon 2030 serait de l’ordre de 66 milliards d’euros, entre 2,5 et 3% du PIB français. Où trouver de telles sommes ?
A lire aussi: Les finances de la France sont passées au tamis de la transition écologique
Michel Didier suggère une garantie apportée par l’Etat pour les projets risqués favorisant la transition climatique ; Jean Pisani-Ferry pense qu’il faudra recourir à la taxation des plus favorisés. On peut suggérer un autre moyen en partant de l’idée que, dans une Europe où l’intermédiation bancaire est dominante, il faudra dégager de la place, beaucoup de place, dans le bilan des banques. La titrisation paraît alors un élément indispensable de la solution. Elle permet d’accroître l’offre de financement souhaitée par les banques à hauteur de la place libérée par la titrisation.
Quelle forme prendrait cette titrisation ? L’idée la plus simple serait de s’inspirer du système américain d’agences gouvernementales (les fameuses Fannie Mae et Freddy Mac) et de faire racheter les créances immobilières de qualité par un fonds qui le financerait sur le marché obligataire. Une autre solution est de réserver cette possibilité aux crédits à moyen ou long terme visant à favoriser la transition énergétique ou climatique, mais c’est sans doute plus difficile et plus long à mettre en œuvre.
Cette proposition suppose des acteurs susceptibles de racheter une partie du portefeuille de nouveaux crédits originés par les banques, et de les refinancer, sans se livrer à de la transformation, avec une garantie des Etats, de manière à avoir les meilleurs taux d’émission sur les marchés. On peut imaginer, à l’échelle française, la Caisse des Dépôts ou, à l’échelle de l’Europe, une banque comme la Banque européenne d’investissement (BEI) gérer ce genre de structures.
Redonner une impulsion à la titrisation
Deux obstacles, toutefois. D’abord, depuis la grande crise financière, la titrisation a mauvaise presse. Il faut la simplifier et la rendre plus transparente, s’interdire de revenir à la structure sophistiquée que proposent les hommes de marché, laisser un risque résiduel aux banques, sans tranche intermédiaire et sans appel à des produits dérivés.
Ensuite, se pose la question de sa faisabilité. Il faut que l’écart entre le taux des crédits titrisables et le coût de refinancement sur le marché soit suffisant pour absorber la commission à la banque qui va en assurer la gestion, le coût de la garantie de l’Etat, les frais de gestion du véhicule de titrisation et le risque résiduel (très faible en France), soit environ 0,75%. Aujourd’hui, le taux d’emprunt d’Etat à 7 ans est de 3,0%, il faudrait donc que le taux des emprunts immobiliers nouveaux soit de l’ordre de 3,75%.
Pour l’Etat français, cela représenterait un gain financier substantiel sans alourdissement de la dette, car la garantie sera un engagement hors-bilan de l’Etat et ne figurera pas dans la dette publique. Pour les banques, des commissions et la possibilité de financer d’autres projets à la place des crédits immobiliers ; et, pour l’Europe, une formidable impulsion pour l’Union des marchés de capitaux, qu’elle a tant de peine à mettre en place.
Plus d'articles du même thème
-
Après BlackRock, d’autres gérants ont perdu des mandats du néerlandais PFZW
Le fonds de pension passe en revue ses gérants et opère un tri notamment sur les critères de durabilité. -
L'investissement dans une réindustrialisation circulaire pourrait sécuriser les fonds propres des banques
Dans une tribune collective, des experts de tous horizons expliquent que l'économie de la fonctionnalité est l'une des solutions les plus efficaces pour adapter notre économie aux limites planétaires. Les banques auraient tout à gagner à la soutenir et à la financer. -
«2030 Investir demain» : Faut-il regarder vers la Chine ?
Dans le cadre du Think Tank “2030 Investir demain”, Claire Martinetto, présidente du directoire d’ECOFI, et Bertrand Badré, fondateur et managing partner de Blue Like an Orange Sustainable Capital, décryptent les prises de conscience nécessaires pour pouvoir poursuivre efficacement un développement durable.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street recule face au ralentissement de l'emploi malgré la perspective de baisses de taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). La place américaine se montre quelque peu «angoissée» face à un possible «ralentissement économique» aux Etats-Unis, a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers. Le marché du travail a continué à se dégrader en août aux Etats-Unis, avec un taux de chômage en progression, à 4,3%, selon les données officielles publiées vendredi par le ministère du Travail américain. La première économie mondiale a créé seulement 22.000 emplois le mois dernier, un niveau bien inférieur à ceux auxquels les Etats-Unis étaient habitués. Les analystes s’attendaient à 75.000 créations d’emploi, selon le consensus publié par MarketWatch. Les investisseurs demeurent prudents, ne connaissant pour le moment pas encore «toutes les implications de cette faiblesse persistante du marché du travail», notent les analystes de Briefing.com. Le flou autour des droits de douane de Donald Trump risque de continuer à freiner les embauches, a relevé par ailleurs Art Hogan, analyste de B. Riley Wealth Management. Mais ce rapport sur l’emploi donne aussi le feu vert à un assouplissement monétaire de la part de la banque centrale américaine (Fed) lors de sa réunion de septembre, avec la possibilité d’un futur coup de fouet pour l'économie. Il «laisse également entendre que d’autres mesures seront nécessaires pour stabiliser le marché du travail avant la fin de l’année», a noté Samuel Tombs, analyste de Pantheon Macroeconomics. Les acteurs du marché s’attendaient déjà à ce que le Fed réduise ses taux dans une fourchette de 4,00% à 4,25% lors de sa prochaine réunion. Désormais, ils sont aussi une majorité à anticiper d’autres baisses lors des réunions d’octobre et de décembre, selon l’outil de veille FedWatch CME. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, les taux d’intérêt ont nettement reculé. Vers 20H15, le rendement de l’obligation d’Etat américaine à échéance 10 ans tombait à 4,09%, contre 4,16% jeudi en clôture. A deux ans, il reculait à 3,52% contre 3,59%. Au tableau des valeurs, le géant des semi-conducteurs Broadcom a brillé (+9,41% à 334,89 dollars) après l’annonce de résultats supérieurs aux attentes pour le troisième trimestre de son exercice décalé, tant au niveau de son chiffre d’affaires que de son bénéfice net par action. Le groupe pharmaceutique Kenvue a chuté (-9,15% à 18,66 dollars) après parution d’informations de presse assurant que le ministre américain de la Santé pourrait lier son médicament phare, le Tylenol, au développement de l’autisme chez l’enfant. Selon le Wall Street Journal, le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr, contesté pour ses positions antivaccins, s’apprêterait à lier la prise d’acétaminophène (ou paracétamol) - principe actif du Tylenol aux Etats-Unis ou Doliprane en France - chez les femmes enceintes au développement de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, dont l’autisme. Le spécialiste des véhicules électriques Tesla (+3,64% à 350,84 dollars) a été recherché après que son conseil d’administration a proposé un plan de rémunération inédit sur dix ans pour son patron Elon Musk, qui pourrait lui rapporter plus de 1.000 milliards de dollars, sous conditions, et renforcer son contrôle sur l’entreprise. L'équipementier sportif Lululemon Athletica a plongé (-18,58% à 167,80 dollars) en raison de prévisions ne convainquant pas les analystes. L’entreprise s’attend à un bénéfice net par action compris entre 12,77 et 12,97 dollars pour l’année complète, alors que les anticipations étaient de 14,15 dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
Wall Street clôture en baisse après des chiffres décevants de l'emploi américain
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). Nasdaq © Agence France-Presse -
Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse