
Nicolas Dufourcq : «Il faut coter les licornes françaises et de préférence pas au Nasdaq»
A l’occasion des Grands Prix de la Gestion d’actifs, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a explicité la feuille de route de la banque publique tout en appelant la finance privée à davantage participer à la réindustrialisation française.
«Bpifrance gère 300 milliards d’euros de crédits, investissements ou garanties», dont une bonne partie relève de la gestion des prêts garantis par l’Etat qui représentent encore environ 95 milliards d’euros sur les 140 milliards d’origine, a-t-il indiqué.
Dans les quatre ans qui viennent, la banque publique va investir 35 milliards d’euros dans l’industrie, autant dans la décarbonation du tissu productif et 12 milliards dans la santé.
Cathédrales industrielles
Dans la décarbonation, Bpifrance a lancé «un porte-à-porte de masse avec 1.000 hussards verts de la république décarbonée» qui vont à la rencontre des entrepreneurs pour les accompagner, a indiqué Nicolas Dufourcq. L’objectif, fixé en début d’année 2023, est d’en aider 20.000. «Pour le moment, nous en avons rencontré environ 2.800». Toujours dans la décarbonation, la banque publique participera aussi au financement des infrastructures de la transition : éolien en mer, photovoltaïque, décarbonation du bâtiment.
Sur le front de la réindustrialisation, l’essentiel repose sur le plan France 2030. Bpifrance est opérateur de 80% des 54 milliards d’euros prévus (avances remboursables, subventions, garanties, fonds propres), a indiqué le directeur général de la banque.
Trois axes seront développés par Bpifrance. La construction «des grandes cathédrales» que sont les gigafactory de batteries, de semi-conducteurs ou d’hydroliseurs, des usines nécessitant plusieurs milliards d’euros d’investissement. «Il est très difficile de faire monter une cathédrale s’il n’y a pas d’argent public», a justifié Nicolas Dufourcq. La banque va aussi accompagner «les PME des territoires» et aider les start-up à s’industrialiser.
Manque d’argent privé
Sur ce dernier point, le banquier public a d’ailleurs regretté le manque de capitaux engagés par les acteurs privés. Selon lui, dès que les start-up ont besoin de réaliser d’importantes levées de fonds, de 300-400 millions d’euros par exemple, «ça devient difficile de trouver de l’argent privé».
Dans un contexte de hausse des taux, Nicolas Dufourcq s’est montré plutôt rassurant sur la santé du secteur de la French Tech. «La French Tech a levé beaucoup de capitaux l’année dernière, sur des valorisations excessives, et donc beaucoup d’entreprises ont les moyens de tenir. Ceux qui ont cru bon de ne pas lever de capitaux sont en difficulté, il y aura donc des consolidations, il faut qu’il y en ait».
Il estime qu’il y a eu une bulle dans cet écosystème, mais qu’elle est désormais «dégonflée». «Les valorisations dans le sous-jacent des fonds ont été très largement corrigées», juge-t-il, indiquant que Bpifrance a pour sa part passé 500 millions d’euros de provisions sur les 7 milliards d’euros que la banque gère en capital-risque.
«Il faut que nous consolidions la tech française avant que les Américains ne le fassent pour nous»
Les solutions de sorties («exit») pour les fondateurs de start-up qui ont déjà réussi leur montée à l’échelle lui semble en revanche trop limitées en France. «Maintenant il faut coter les licornes françaises et de préférence pas au Nasdaq. Pour ça, il faut des investisseurs de référence (cornerstone) français ou européens, et on ne les a pas ou très peu», a regretté Nicolas Dufourcq.
«Pour les start-up de la tech qui ne sont pas des licornes et qui ne seront pas des licornes», une consolidation lui parait nécessaire, mais cela requiert «des fonds de tech buy-out». «Il y en a un en France, c’est Keensight, qui vient d’annoncer une levée de 2,5 milliards d’euros. C’est formidable. Sauf qu’il nous faudrait six ou sept Keensight. Il faut que nous consolidions la tech française avant que les Américains ne le fassent pour nous».
Enfin, «les grandes entreprises françaises et européennes doivent apprendre à acheter des start-up, comme les américains le font», a-t-il estimé, pointant la frilosité des multinationales hexagonales sur ce sujet.
Pour terminer, Nicolas Dufourcq a analysé un thème qui lui est cher et auquel il a consacré un livre : la désindustrialisation de la France. Dans la vidéo, il revient notamment sur l’aveuglement français des années 2000 à ce sujet et sur la prise de conscience depuis le milieu des années 2010. «La BPI est née de la prise de conscience du drame de la désindustrialisation», rappelle-t-il.
Il demande aux médias de davantage parler du sujet et imagine même la création d’une émission de télévision qu’il baptiserait «Top Fab», le «Top Chef» de l’industrie, pour donner aux Français le goût des usines.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse