
L’industrie n’est plus le parent pauvre de l’investissement en Europe

Malgré la baisse des prix de l’énergie ces derniers mois, les capacités de production de métaux européennes continuent de fondre en raison de l’envolée des coûts énergétiques. Jeudi, le producteur allemand d’aluminium Speria a annoncé la fermeture d’une de ses fonderies à Rheinwerk, dont la capacité avait déjà été réduite de moitié en 2022. La production d’aluminium est la plus gourmande en énergie. L’an dernier, près de la moitié des capacités de fusion ont été mises à l’arrêt en Europe en raison de la crise énergétique. Dans le secteur automobile, Volkswagen semble également abandonner le Vieux Continent et privilégier les Etats-Unis pour la production de ses batteries. De même pour Bayer qui a indiqué qu’il projetait d’investir un milliards de dollars dans la recherche et développement outre-Atlantique pour se développer sur le marché américain. Si ces exemples font craindre une poursuite de la désindustrialisation, l’Europe semble bien avoir enrayé l’hémorragie industrielle des dernières années.
Après des années de vaches maigres, le soutien à l’industrie en Europe est devenu une priorité pour les Etats et pour Bruxelles. De fait, la crise du Covid puis la guerre en Ukraine ont mis en lumière la dépendance de l’Europe à l’égard de l’extérieur dans de nombreux domaines. L’Union veut désormais reconquérir une certaine indépendance industrielle. La Commission européenne (CE) voudrait se fixer comme objectif de produire 40% de ses besoins en matériaux de base sur le sol européen à l’horizon 2030, selon un document de travail qui sera présenté aux gouvernements d’ici fin mars, selon Bloomberg.
Au cours des 25 dernières années, la part de la valeur ajoutée de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a diminué de 4 points à 17,6% fin 2021, relève Juliette Cohen, stratégiste chez CPR AM. Avec d’importantes disparités entre pays, la France étant le plus mauvais élève, parmi les grandes économies de la région, avec une chute de près de 7 points sur la période. Alors qu’en Allemagne, la part de l’industrie dans la richesse nationale a plus faiblement diminué (-3 points) pour rester à des niveaux hauts (21%). La part de l’industrie dans le PIB était de 10,7% aux Etats-Unis fin 2021 et de 32,6% en Chine. Le plus gros du déclin dans la zone euro s’est produit entre 1995 et 2010 avant que l’industrie n’atteigne un plateau. «Nous constatons une légère amélioration depuis 2010 avec une accélération post-Covid», souligne néanmoins la stratégiste de CPR AM. Ce qui n’a pas été le cas en Allemagne où le secteur s’est contracté à partir de 2018.
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Plans de soutien
Cette dynamique positive est corroborée par la reprise de l’investissement depuis 2015 après une phase de forte baisse. Dans la zone euro, après être passé de 25% au début du siècle à 21% début 2015, le taux d’investissement par rapport à la valeur ajoutée a rebondi (hors crise du Covid), à 23,5% en 2021 (23,9% pour l’ensemble de l’Union européenne), selon les données Eurostat. La tendance est clairement haussière en France notamment avec une progression de 22,8% à 25,6% sur la période. D’autre pays comme l’Espagne ont également connu une flambée de l’investissement. L’emploi dans l’industrie semble également avoir trouvé un répit en se stabilisant depuis 2021, après une chute toutefois de 20% depuis la fin des années 1990.
Juliette Cohen s’attend à davantage de soutien cette année à l’industrie qui est devenue la nouvelle priorité de la Commission européenne avec un focus particulier sur l’énergie et les technologies propres dans le cadre du plan vers une industrie «net zero». «La Commission européenne a répondu à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain en proposant son Plan industriel du Pacte Vert, indique Juliette Cohen. Il vise à renforcer l’autonomie européenne dans les technologies indispensables à la transition climatique.» Le secteur va bénéficier en termes d’investissement des différents programmes mis en place ces dernières années (REPower EU 250 milliards d’euros, Invest EU 21 milliards, PIIEC 36 milliards, Fonds pour l’innovation 40 milliards). La question du Fonds de souveraineté reste en suspens en raison du blocage de certains pays. La Commission européenne a par ailleurs assoupli jeudi certaines règles pour permettre aux pays de l’UE d’accorder des aides d'État aux entreprises afin de les encourager à rester sur le Vieux continent plutôt que d’aller aux Etats-Unis pour profiter des subventions de l’IRA. Une mesure qui s’appliquera aux énergies renouvelables et au stockage de l'énergie, ainsi qu’aux programmes de décarbonisation des processus de production industrielle.
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