Et si SFDR, le règlement européen sur la publication des informations sur la durabilité dans le secteur financier, gagnait enfin en clarté... Le texte permet aux gestionnaires d’actifs de classer leurs fonds en Article 9 s’ils poursuivent un objectif clair d’investissement durable et en Article 8 s’ils promeuvent des caractéristiques environnementales et/ou sociales. Face à l’ambiguïté et les incohérences de SFDR - notamment dans son articulation avec d’autres textes européens - l’Autorité des marchés financiers a proposé, ce lundi, d’introduire, dans le droit européen desexigences minimales environnementales auxquelles les produits financiers devraient répondre afin d’être catégorisés article 8 ou article 9 du règlement SFDR. L’AMF n’est pas le premier régulateur à imaginer des exigences minimales pour les fonds durables, ses homologues allemand et espagnol, entre autres, ayant porté des projets en ce sens. Il est en revanche le premier à en demander à l'échelle européenne et dans le cadre de SFDR.Cette initiative, qui ferait l’objet d’une supervision à l'échelle nationale, s’accompagne de propositions, dont certainesrappellent celles formulées par le régulateur britannique, Financial Conduct Authority (FCA), en octobre dernier pour ses futures règles de durabilité et de labellisation des fonds d’investissements. «Le règlement SFDR n’impose donc pas d’exigence minimale, et ne définit pas la notion d’investissement durable. La classification article 8 et article 9 ne vise donc pas à apprécier la nature ou l’ampleur de l’engagement de durabilité du gérant. On constate cependant que l’utilisation de cette catégorisation par les acteurs financiers peut être interprétée à tort par les épargnants comme une garantie qu’ils participent au financement d’une économie européenne plus durable», explique l’AMF, qui n’entent pas détricoter totalement SFDR.Le régulateur français des marchés financiers précise que sa proposition d’exigences minimales pourrait être, dans un premier temps, ciblée sur le volet environnemental. Il vise surtout les fonds article 9 avec ses propositions. Propositions L’AMF suggère ainsi qu’une proportion minimale des actifs en portefeuille des fonds article 9 devrait être constituée d’investissements alignés avec la taxonomie européenne. «Ce pourcentage aurait vocation à augmenter dans le temps en fonction de l’évolution de l’économie européenne vers la durabilité», ajoute le gendarme financier. Il estime aussi que les acteurs financiers qui gèrent des fonds classés articles 8 et 9 devraient adopter une approche ESG contraignante dans leur processus de décision d’investissement. Il souhaite par ailleurs que soit identifié un ensemble d’approches ESG acceptables. L’AMF propose enfin l’exclusion par les fonds article 9 d’investissements dans les activités du secteur des combustibles fossiles qui ne sont pas alignées avec la taxonomie européenne. Elle ne voit cependant aucun inconvénient à ce que les fonds article 8 investissent dans ces mêmes activités «à condition de respecter des conditions qui garantissent que ces activités soient engagées dans une transition ordonnée». En outre, l’AMF propose «de manière plus exploratoire», l’introduction des notions de transition et de politiques d’engagement. Elle estime qu’il pourrait être exigé des gérants de fonds Article 8 et 9 la publication d’informations sur la manière dont l’engagement des actionnaires est intégré à leur stratégie d’investissement, mais aussi sur le dialogue avec les sociétés et les raisons de leurs votes lors des assemblée générales des sociétés. Elle dit aussi identifier des pistes possibles pour une définition quantitative des actifs en transition. Une première option serait d'évaluer la transition effective des entreprises via un score, ce qui impliquerait un audit externe très encadré règlementairement. La seconde serait une distinction au sein de la taxonomie européenne pourdistinguer les activités durables, nuisibles et celles intercalées entre les deux (des niveaux de performance « intermédiaires/ambres »). L’organisation non-gouvernementale Reclaim Finance a accueilli positivement la prise de position de l’AMF qu’elle qualifie «d’avancée importante dans la bataille contre l'éco-blanchiment».«En appelant à l’exclusion des énergies fossiles des fonds dits «durables», l’AMF devient le premier régulateur national en Europe a prendre une position publique aussi explicite. C’est maintenant à la Commission européenne de prendre le relais pour que ces fonds durables ne puissent plus contenir d’entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles», indique Lara Cuvelier, chargée de campagne Investissements soutenables chez Reclaim Finance. SDR Que cela soit volontaire ou non, l’initiative de l’AMF semble s’inspirer, par certains aspects, de SDR. Le régime SFDR à l’anglaise a fait l’objet d’une consultation jusqu'à fin janvier. Plusieurs acteurs de la gestion d’actifs le jugent mieux calibré et moins abscons que SFDR. Dans le régime britannique, trois catégories de labellisation durables sont par exemple envisagées:sustainable focus,sustainable improversetsustainable impact. La première catégorie –sustainable focus– devrait englober les fonds dont au moins 70% des encours sont jugés alignés sur un standard crédible en matière de durabilité en matière d’environnement et/ou de social tout comme les fonds mettant en avant un thème environnemental ou social spécifique (économie circulaire par exemple). Les fonds labelliséssustainable improversdevraient investir dans des actifs qui ont le potentiel de devenir plus durables sur le plan social ou environnemental sur la durée, ce qui ressemble quelque peu au futur qu’entrevoit l’AMF pour les fonds Article 8 de SFDR. Quant aux fondssustainable impact, ils auraient à atteindre un résultat pré-défini, positif et mesurable dans le monde réel sur l’aspect environnemental et/ou social. De plus, les sujets relatifs au détail des politiques de votes et d’engagements avec les sociétés des gérants de fonds durables figurent aussi au programme de SDR. SFDR s’angliciserait donc quelque peu si les propositions de l’AMF venaient à se concrétiser, ce qui ne serait pas pour déplaire aux partisans de l’harmonisation des régimes de durabilité en matière de fonds d’investissement. Les sociétés de gestion internationales et Iosco, le patron des régulateurs, en tête...