Le lancement fut fastidieux. Mais Colibri AM espère bien enfin profiter de ses efforts entrepreneuriaux et de son approche de la finance durable. Créée en 2020, la société de gestion compte sur les changements réglementaires et de mentalité par rapport à la finance verte, pour percer. Son objectif initial était de proposer les premiers fonds ESG gérés activement respectueux de la nouvelle réglementation SFDR. Mais la lenteur de l’agrémentation par l’Autorité des marchés financiers a stoppé net l’euphorie des débuts. Le fondateur, Michel Camilleri, ex-VMP Gestion, nous explique que la procédure a duré six mois, contre les trois mois prévus, car le régulateur débutait dans l’analyse de fonds classés « article 8 ». Désormais, l’équipe veut promouvoir des fonds actions gérés activement classés « article 9 », encore peu nombreux sur le marché. Et se différencier par un respect scrupuleux des règles inscrites dans SFDR. Le dirigeant n’est toutefois pas rancunier envers l’AMF. Il a apprécié les récentes propositions du régulateur pour amender les carences de SFDR, notamment concernant les exigences des fonds classés «article 9», tels que l’alignement avec la taxonomie, la présence de critères environnementaux minimaux et l’intégration d’une approche ESG contraignante dans les processus de décision d’investissement. Une doctrine qui irait dans le sens de sa stratégie. Lancement à venir de deux fonds obligataires « article 9 » La gamme ne compte pour le moment que deux stratégies : Alpha Equity World ESG sur les actions monde, et RWM Alpha Money FR, un multi-classes d’actifs en euros. La gestion des fonds a été confiée à Frédéric Hamm, ex gérant dans la précédente société de Michel Camilleri, et Marc Frippiat, un ancien gérant actions de BNP Paribas AM et Fortis Investments. « Nous allons reclassifier nos deux fonds d’article 8 à 9. Ces fonds auront vocation à aller chercher le développement et la consommation durable. Cela va de la matière première jusqu’au bien et son cycle de vie. Nous allons également lancer un fonds obligataire court terme article 9 pour trésoreries d’entreprise sur un et trois ans intégrant des obligations d’entreprises et souveraines», explique-t-il. La firme girondine met aussi en avant son outil propriétaire d’analyse ESG, principalement quantitatif, pour se démarquer de ses concurrents. Elle analyse 130 métriques chez 5.000 valeurs sur les huit dernières années, afin de voir l’effort des sociétés sur longue durée. « On peut comparer notre approche de Best in Effort sur 8 ans à de la value ESG », note Michel Camilleri. Et pas question de passer par une agence de notation ESG pour se faire son avis. « Il n’est pas normal qu’il y ait de telles différences de notations entre agences sur un même titre. Soit il est durable, soit il ne l’est pas. Il devient alors tentant de choisir les agences de notation qui arrangent, observe-t-il. Beaucoup d’investisseurs utilisent les agences de notation ESG, mais celles-ci ne donnent pas de détails sur leurs notations et semblent baser leurs notes majoritairement sur le pilier gouvernance ». Le dirigeant assure ne pas avoir été étonné par la vague de déclassification de fonds au regard de SFDR. Outre le caractère déclaratif qui a favorisé les exagérations, il remarque que de nombreux acteurs n’appliquent pas correctement la réglementation, soulignant par exemple que certains fonds jusqu’à peu classés « 9 » n’expliquaient pas leurs méthodes de calcul, ou appliquaient un filtre ESG après l’analyse financière, au lieu de l’approche inverse. De même, il réfute en bloc le manque de données ESG sur le marché. « Il y a maintenant presque toutes les informations liées à la taxonomie européenne, et la partie environnementale est déjà totalement remplie (4 200 champs chez Bloomberg ...). C’est trop facile de dire qu’il n’y a pas encore toutes les données », tacle-t-il. La société doit maintenant convaincre les potentiels acheteurs. S’il ne doute pas de l’intérêt pour le climat et la nature de la part des investisseurs finaux, le dirigeant reste éberlué par la nonchalance d’une partie de la profession pour le sujet. En témoigne son post sur LinkedIn après la convention Patrimonia en septembre 2022. Le développement sur la clientèle institutionnelle est clé pour le dirigeant, qui ne compte actuellement que 2 millions d’euros d’encours. « Nous allons d’abord approcher les petits institutionnels comme les caisses de retraite, les mutuelles, les banques locales », explique-t-il. Le décollage doit également passer par un prochain partenariat avec un assureur-vie pour pouvoir seeder et référencer ses fonds, ce dernier point étant incontournable pour servir une clientèle patrimoniale. Pour le moment, Colibri AM fonctionne principalement via des FID luxembourgeois. La société envisage également de proposer des mandats de gestion privée à partir de 500.000 euros d’encours, et recrutera un gérant dédié pour renforcer ce segment. Colibri AM s’est toutefois déjà rapproché du nouveau groupe assurantiel Opalhe, présidé par Philippe Dié, le fondateur du groupe Equatis. Cela va lui donner notamment accès à la verticale de distribution de fonds « Financial Advisor », dédiée aux conseillers patrimoniaux. Dans ce cadre, le groupe va également lui-même vendre l’outil d’analyse ESG de Colibri AM sous le nom d’Opalhe ESG Advisor.