
L’intelligence artificielle et les banques privées, récit d’une passion récente

Les banques privées fourbissent leurs armes sur les questions d’intelligence artificielle (IA). Avec l’émergence de Chat-GPT en 2022, cette technologie irrigue des pans entiers de l’économie et la gestion de fortune n’y échappe pas. Tous les rapports des cabinets de conseil s’accordent à dire que le secteur sera fortement marqué par l’IA dans les prochaines années. Capgemini, dans sa récente étude Wealth Management 2024, dégage dix tendances qui vont animer le marché de la gestion de patrimoine. Les aspects liés à l’intelligence artificielle y sont prégnants. D’après l’étude EY-Parthenon «Generative AI in wealth and asset management», 84% des sociétés en gestion d’actifs et gestion de fortune investissent déjà ou prévoient d’investir dans cette technologie. «L’IA a explosé grâce, notamment, à sa plus grande accessibilité. Ce sujet est, aujourd’hui, remonté d’un cran dans les instances de gouvernance des banques privées en passant des directions technologies aux directions générales», explique Yoan Chazal, associé chez Deloitte Risk Advisory - Investment Management Services Leader France & Monaco.
Une technologie suivie depuis des années
En pratique, deux types d’IA sont étudiées par les établissements aujourd’hui : l’IA traditionnelle dite «analytique» qui analyse des données existantes pour les classer ou effectuer des prédictions, et l’IA générative capable de générer des contenus et non plus seulement d’analyser. «La veille sur les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle est suivie depuis plusieurs années en interne. Convaincus par ses opportunités, nous nous appuyons pour l’activité de Wealth Management sur une équipe d’une centaine de personnes à travers le monde sur les sujets Data et IA, indique Mariam Rassai, responsable de la transformation digitale au sein de BNP Paribas Wealth Management. Notre ambition est d’améliorer l’expérience de nos clients en la personnalisant encore davantage, et d’accompagner nos banquiers privés pour leur permettre de dégager du temps, qu’ils pourront dédier à la relation client», précise-t-elle encore.
Néanmoins, il y a parfois un décalage entre la volonté des acteurs affichée dans les études et la réalité. «Les banques privées bénéficient d’une ouverture et d’une écoute vis-à-vis de l’innovation technologique, analyse Yoan Chazal. Cependant, certaines d’entre elles peuvent faire preuve d’un certain conservatisme. La conviction que cette technologie va trouver sa place est largement partagée, il est donc dangereux d’attendre avant de lancer les bases de son adoption concrète au sein des banques privées. Les établissements attentistes pourraient très vite se retrouver dépassés».
A lire aussi: L'IA et la digitalisation au cœur des préoccupations des gestionnaires de patrimoine
L’IA générative, un champ infini de possibilités
Pour étudier l’impact de l’IA sur leur activité, les banques privées passent par des cas d’usage. Les principaux sujets tournent autour de l’amélioration de l’expérience client, de l’efficacité, de la maîtrise des risques et de la sécurité transactionnelle. «Parmi les cas d’usage sur la personnalisation, nous avons un outil qui sur la base de l’historique des transactions de nos clients et va pouvoir identifier de manière prédictive les recommandations (achats ou ventes) susceptibles d’intéresser le client», relève Mariam Rassai. L’arrivée très récente de l’IA générative a ouvert le champ des possibles pour les cas d’usage. «L’IA générative offre la possibilité de traiter des données non structurées, avec une performance qui est absolument colossale, poursuit la responsable de la transformation digitale de BNP Wealth Management. Cela engendre une multiplication des cas d’usage. Un important travail d’idéation et d’identification est réalisé avec des représentants de toutes les équipes mêlant data scientists et banquiers privés partout dans le monde». Si les cas d’usage sont concluants, ils entrent en application soit via des modèles internes, soit via des partenaires extérieurs. Morgan Stanley vient notamment de lancer, pour sa branche Wealth Management, «Debrief», un assistant virtuel basé sur GPT-4 d’OpenAI. Parmi les principales fonctionnalités de cet outil, figurent l’automatisation des notes et la génération automatique de brouillons de courriels et des résumés des discussions avec les clients.
Un changement dans la clientèle
Ces avancées dans l’intelligence artificielle sont poussées par un contexte de transmission intergénérationnelle importante. «Ce changement générationnel chez les clients est structurant car les futurs clients ont des attentes en matière de digitalisation et d’outils innovants plus importantes que les générations précédentes», expose Yoan Chazal. Cependant, cette montée de l’intelligence artificielle génère des questions quant à ses limites. «Le souci principal n’est pas la quantité importante de données, mais surtout la sécurisation puis la structuration nécessaires de ces dernières. Cela peut entraîner des risques de biais, des sujets réglementaires et des questions d’éthique», conclut Edouard de Saint Pierre, directeur général France, Groupe Lombard Odier.
Plus d'articles du même thème
-
ASML sécurise l'assise européenne de Mistral AI
Le groupe néerlandais spécialisé dans la conception d'équipements de pointe pour les puces d’IA s'apprête à investir 1,3 milliard d’euros dans Mistral AI, renforçant ainsi la souveraineté technologique européenne. Il sécurise aussi l'avenir du champion français de l'IA, qui a besoin de financements importants. -
Le secteur automobile anticipe sa mue en acteur du logiciel
Les seuls produits et services de mobilité définis par logiciel devraient peser plus 50% du chiffre d’affaires des constructeurs automobiles en 2035, soit un doublement en dix ans. -
Le géant néerlandais ASML pourrait investir 1,3 milliard dans Mistral AI
L'opération permettrait au spécialiste des semiconducteurs de devenir le premier actionnaire du fleuron français de l'intelligence artificielle et d'obtenir un siège à son conseil d'administration.

ETF à la Une

Xtrackers lance un ETF sur la défense
- L’outil fiscal a un effet marginal sur l'expatriation des hauts patrimoines
- Le logement en France : une crise durable
- Le Médiateur de l’assurance alerte sur les «trous de garanties» lors des substitutions des couvertures emprunteurs
- Les ménages face au nouveau paradigme immobilier
- Les transactions dans la gestion de patrimoine dynamisent le non-coté
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street finit en hausse, portée par l’espoir d’une baisse des taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a terminé en hausse lundi, poussée par les perspectives de baisse des taux de la banque centrale américaine (Fed) et dans l’attente de nouvelles données sur l’inflation aux Etats-Unis. L’indice Nasdaq (+0,45%), à forte coloration technologique, a touché un nouveau record à 21.798,70 points. Le Dow Jones a gagné 0,25% et l’indice élargi S&P 500 a progressé de 0,21%. «Le marché rebondit après des turbulences (...), Wall Street attend avec impatience les baisses de taux de la Réserve fédérale», résume dans une note Jose Torres, d’Interactive Brokers. La semaine passée, un taux de chômage en hausse et une baisse des créations d’emplois aux Etats-Unis ont renforcé les attentes d’une politique monétaire plus souple de la part de l’institution monétaire américaine, ce qui pourrait donner un coup de fouet à l'économie américaine. «La plupart des investisseurs estiment que les rapports sur l’inflation publiés cette semaine» ne changeront pas ces perspectives, commente auprès de l’AFP Sam Stovall, de CFRA. La place américaine attend en effet la publication aux Etats-Unis des prix à la production (PPI) mercredi, puis celle des prix à la consommation (CPI) jeudi. La Fed est investie d’un double mandat, consistant à surveiller le marché de l’emploi et à maintenir l’inflation proche de 2% sur le long terme. Même si ces chiffres ne sont pas conformes aux attentes, les investisseurs estiment «que la Fed s’est résolue à baisser ses taux lors de sa réunion de septembre», note M. Stovall. «La seule question qui reste en suspens, compte tenu des prochains rapports économiques (...), est de savoir si elle procédera à une, deux ou trois baisses cette année», ajoute l’analyste. Pour le moment, les experts anticipent trois baisses de taux d’un quart de point de pourcentage d’ici à la fin de l’année, selon l’outil de veille FedWatch de CME, passant ainsi d’une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50% à 3,50 et 3,75%. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se détendait à 4,04%, contre 4,07% à la clôture vendredi. Cette baisse des taux obligataires est «positive» pour les actions, commente M. Stovall. Ailleurs, au tableau des valeurs, certaines des capitalisations géantes du secteur technologique ont eu le vent en poupe, à l’image d’Amazon (+1,51%), Nvidia (+0,77%) ou Microsoft (+0,65%). Le titre de la plateforme d'échange de cryptomonnaies Robinhood a atteint un nouveau record en clôture (+15,83% à 117,28 dollars) et le groupe de services pour créateurs d’applications AppLovin a brillé (+11,59% à 547,04 dollars). Les deux entreprises ont profité de l’annonce de leur future entrée au sein de l’indice S&P 500. Leur arrivée sera effective le 22 septembre, selon S&P Global. L’opérateur américain EchoStar s’est envolé (+19,91% à 80,63 dollars) à l’annonce du rachat de fréquences, par la société spatiale SpaceX --propriété d’Elon Musk--, pour un montant de 17 milliards de dollars. Fin août, EchoStar avait déjà annoncé la vente d’une partie de ses fréquences au profit de son concurrent AT&T pour 23 milliards de dollars. Par ailleurs, après un début d’année en demi-teinte, sur fond d’incertitudes économiques et commerciales, le marché des introductions en Bourse (IPO) à New York va connaître un coup d’accélérateur dans les prochains jours. Six entreprises doivent entrer à Wall Street cette semaine, dont le très attendu spécialiste suédois du paiement différé Klarna ou la plateforme Gemini, spécialisée dans les cryptomonnaies et fondée en 2014 par les frères jumeaux Cameron et Tyler Winklevoss. Nasdaq © Agence France-Presse -
États-Unis : les démocrates publient une lettre attribuée à Trump pour l’anniversaire de Jeffrey Epstein
Washington - Une lettre attribuée à Donald Trump à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique lundi par des parlementaires démocrates, alors que le président américain en avait démenti l’existence en juillet, en pleine polémique sur ses liens avec le délinquant sexuel. La lettre, obtenue par les membres démocrates d’une commission de la Chambre des représentants, montre une esquisse de buste féminin avec des citations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump, deux figures alors de la jet-set new-yorkaise, avec la signature du futur président américain au pied de la note. L’affaire Epstein, du nom du financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, enflamme de nouveau les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires ou le lancement d’une nouvelle enquête dans ce dossier. La mort, par suicide selon les autorités, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Selon le Wall Street Journal, qui avait le premier révélé en juillet l’existence de la lettre, celle-ci a été envoyée par les légataires de Jeffrey Epstein à une commission du Congrès ayant exigé auprès d’eux d’obtenir de nombreux documents liés à l’affaire. «Merveilleux secret» Après les révélations du quotidien américain, Donald Trump avait nié être l’auteur de la lettre et avait attaqué le «WSJ» pour diffamation, ainsi que son patron Rupert Murdoch, leur réclamant au moins 10 milliards de dollars de dommages-intérêts. Le texte de la missive représente un échange imaginaire entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, dans lequel le premier dit: «Nous avons certaines choses en commun Jeffrey». «Les énigmes ne vieillissent jamais, as-tu remarqué cela», dit-il également avant de conclure: «Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret». Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes sur cette affaire, Donald Trump tente aujourd’hui d'éteindre la polémique, qu’il a de nouveau qualifiée récemment de «canular» monté par l’opposition. Les élus démocrates qui ont publié la lettre lundi ont exhorté le président républicain à faire la lumière sur l’affaire. «Trump parle de merveilleux secret que les deux partageaient. Qu’est-ce qu’il cache? Publiez les documents!», ont-ils écrit sur X avec une image de la lettre. Taylor Budowich, un conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a réagi en affirmant que la signature en bas de page ne correspondait pas à celle du président. «DIFFAMATION!», a dénoncé sur X le responsable. Le très populaire podcasteur conservateur Charlie Kirk a également mis en doute la véracité de la lettre. «Est-ce que ça ressemble à la vraie signature du président. Je ne crois pas du tout», a-t-il lancé sur X, estimant que celle-ci avait été «falsifiée». Robin LEGRAND © Agence France-Presse -
Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse