
La limitation du démarchage des avocats sans encadrement des abus est contradictoire

Sous les coups de boutoir répétés des instances communautaires, la cuirasse protectionniste s’est fendue, transpercée par la loi Hamon du 17 mars 2014 qui a mis fin à l’interdiction faite aux avocats de démarcher de nouveaux prospects et de solliciter les clients.
Avec la publication en octobre dernier du décret d’application relatif à la publicité des avocats, les conditions de validité de ce démarchage sont désormais fixées.
L’article 10 du RIN va enfin pouvoir revêtir sa forme définitive et édicter les conditions d’application à la profession.
Après beaucoup d’interrogations et de supputations sur le périmètre de cette réforme et au vu des dispositions du décret, il nous est apparu utile de faire le point sur la portée réelle de ce texte, d’en envisager les opportunités et les risques.
Quelle réforme?
Le décret d’application pose quatre conditions pour que le démarchage soit valable:
1)Il doit impérativement prendre la forme d’un écrit. Les avocats sont autorisés à «solliciter de manière personnalisée» leurs clients ou futurs clients, par courrier postal ou par courriel, à l’exclusion de tout autre moyen (y compris les SMS).
Nous pouvons déduire de ce qui précède que la forme orale n’est pas autorisée (téléprospection par exemple).
2)Il doit se faire dans le respect des règles déontologiques et des principes essentiels de la profession (au nombre de 12). Le démarchage doit permettre de fournir une information sincère sur la nature de la prestation objet de la sollicitation et exclure tout élément comparatif ou propos dénigrant vis-à-vis de ses confrères.
3)Il doit se faire en toute transparence tarifaire, en précisant le mode de fixation du coût de la prestation (dans ses principes et modalités, pas forcément en énonçant les tarifs ou le prix).
4)Il faut que la prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fasse l’objet d’une convention d’honoraires (la profession appelant par ailleurs à généraliser cette pratique).
Pour quel résultat?
Il n’était pas souhaitable de maintenir plus longtemps une situation qui, de fait, créait un Barreau à deux vitesses:
- l’un, international, avec des moyens et des équipes «Business Développement» qui développent des campagnes de relations publiques et de prospection grâce à des outils CRM puissants;
- l’autre, plus traditionnel, avec un peu de communication dans le meilleur des cas. Ainsi les nouvelles dispositions sur le démarchage étaient censées poursuivre un double objectif: rétablir l’équilibre entre les avocats et favoriser la modernisation de la profession.
En fait, l’apparence est trompeuse et certains peuvent dire à juste titre que «la montagne a accouché d’une souris».
Les conditions édictées par le décret d’application atténuent considérablement la portée de la loi. En limitant à la seule forme épistolaire (postale et courriel), la possibilité de démarchage, le législateur semble céder aux pressions de ceux qui ont peur de l’avenir et qui ne perçoivent que les risques sans en voir les opportunités; bref ceux qui protègent leurs acquis sans penser aux bénéfices réels ainsi qu’aux nouvelles générations d’avocats qui ont du mal à s’installer et à se développer.
Pourquoi avoir peur de la libéralisation? Les avocats ont la chance d’être réunis au sein d’une profession qui sait défendre ses valeurs, qui a des principes essentiels et une déontologie forte. Cet ensemble devrait les préserver des excès et des comportements déloyaux… l’arsenal disciplinaire existant est suffisant pour éviter de graves errements.
Mais bizarrement, le décret supprime toute sanction aux manquements et abus éventuels.
Nous sommes en pleine schizophrénie avec des mesures restrictives quant aux moyens du démarchage et la suppression de toute sanction en cas d’abus ou de comportement déloyal.
La profession a perdu là une belle occasion de permettre au plus grand nombre de se doter d’outils commerciaux permettant de lutter à armes égales avec les firmes internationales et de finaliser son processus de modernisation.
La réforme, quels avantages:
- Permettre aux jeunes avocats de démarrer leur activité et de toucher une clientèle plus large, rappelons que le nombre de professionnels à triplé en 20 ans et qu’il est aujourd’hui difficile de créer et développer une activité rentable pour les jeunes générations,
- Développer la concurrence et faire que chaque avocat soit en recherche permanente d’excellence, se remette en question et apprenne à démontrer sa valeur ajoutée à ses clients et prospects.
- Le développement d’offres standardisées pour certaines procédures «simples» permettant un accès à la justice pour tous (mouvement comparable à la création des compagnies aériennes «Low Cost» coexistant avec les compagnies classiques et les prestations haut de gamme).
Pour quels risques:
- Le «dumping» ou la guerre des prix. Mais dans ce domaine, on n’a pas attendu la réforme du démarchage (sites proposant des prestations à très bas prix, appels d’offres…),
- Banaliser le statut et le métier de l’avocat, mais ne l’était-il déjà pas depuis longtemps (nouveaux comportements des consommateurs de droit). Il est bien loin le temps de la notabilité…
A suivre…
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse