
Changement de rythme pour le conseil

La forte volatilité des marchés et la complexité de la situation économique aujourd’hui créeront les opportunités de demain. En attendant, la situation met au défi un grand nombre de conseillers financiers. «La crise sanitaire, la guerre en Ukraine, la remontée des taux, la chute des marché actions, les changements de paradigme ont été fréquents ces trois dernières années», explique Alessandra Gaudio, présidente de Generali Wealth Solutions.
Or «il faut rappeler que notre métier consiste à conseiller nos clients en partant de leurs objectifs et pas uniquement de l’actualité, affirme Jean-Baptiste Roudillon, directeur épargne chez LCL. Néanmoins, évoluer dans un environnement de hausse des taux nous amène à revoir avec chaque client ce que cela change à sa situation, notamment sa capacité d’épargne et d’endettement, le rendement réel de son épargne de précaution ou la sensibilité de ses portefeuilles.» Dans un contexte de marchés instables, les intermédiaires voient leurs prises de décision se complexifier. Un moment clé pour se démarquer.
En position de chefs d’orchestre, les conseillers sont dans l’obligation de se renouveler. «Dans le contexte actuel, une allocation à un moment T peut devenir complétement opposée à l’objectif initial peu de temps après sa mise en place», alerte Alessandra Gaudio. Et c’est dans ces moments que le métier de conseiller prend tout son sens. L’environnement actuel n’affecte que très peu l’organisation stratégique du patrimoine qui se gère jusque-là à moyen et long terme. A contrario, l’organisation dynamique du contrat s’arbitre en fonction des événements changeants comme le marché a pu en connaître récemment. «Nous traversons une période de fortes variations sur les marchés. Je n’avais jamais connu une hausse de 300 points de base aussi rapide», lance Hugues Aubry, directeur épargne et gestion de patrimoine et président de Generali Luxembourg. Dans ce contexte, la gestion pilotée ou déléguée est intelligible.
Une aire de jeux plus vaste
Du côté des actifs, le panel des possibilités s’est élargi. L’accessibilité des particuliers à des marchés complexes, jusqu’ici réservés aux institutionnels et clients fortunés, ne fait que s’agrandir. Ils viennent s’ajouter à la liste de supports revenant sur le devant de la scène dans le contexte de hausse des taux. Ainsi, le monétaire refait surface, au même titre que l’obligataire. «En ce moment, la partie obligataire représente un vivier d’opportunités, explique Alessandra Gaudio. Les investissements en fonds datés et les produits structurés à capital garanti sont également intéressants. Il est possible aujourd’hui de capter des coupons entre 4% et 5% tout en s’assurant de limiter le risque émetteur.» Pour autant, les produits structurés restent des supports composés d’actifs issus de la Bourse, un milieu en demi-teinte depuis un an mais créateur d’opportunités pour certains. «C’est dans les périodes de changement de régime que l’on voit ceux qui savent décrypter les marchés financiers et particulièrement la Bourse», affirme Hugues Aubry.
Un point significatif à avoir en tête au vu de la situation actuelle du milieu bancaire et du rachat de Credit Suisse par UBS. «La situation des politiques monétaires actuelles qui restent restrictives peut créer des crises sur les valeurs boursières. Il est donc important, si on investit en Bourse, de s’assurer de la situation d’endettement des véhicules et des sociétés dans lesquels on se place», ajoute Alessandra Gaudio.
Mais les produits structurés ne sont pas les seuls actifs à risque élevé qui ont le vent en poupe ces derniers temps. Le private equity et les fonds d’infrastructure connaissent également un regain d’intérêt de la part des conseillers. «Les moments sensibles comme aujourd’hui vont permettre aux meilleurs intermédiaires de se démarquer. Lorsque les taux étaient bas, il n’y avait pas beaucoup de possibilités et tout le monde optimisait sa stratégie de la même manière. Aujourd’hui la situation a changé », lance un intermédiaire en assurance. Cependant, « tous les placements risqués ne se valent pas dans un contexte de hausse des tauxet de remontée de l’inflation», tient à préciser Jean-Baptiste Roudillon.
Le passif des épargnants
Au-delà de l’instabilité du secteur bancaire, les banques elles-mêmes font face aux effets de marché qui ont pour conséquences de restreindre l’accès à la dette pour les épargnants. «Nous allons naturellement continuer à parler de crédit à nos clients pour qu’ils ne négligent pas ce levier dans la gestion de leur patrimoine. Oui les taux sont en hausse, donc probablement plus attractifs aujourd’hui que demain», avance le directeur épargne chez LCL. Dans le climat d’incertitude dans lequel ils évoluent, certains conseillers n’hésitent pas à se tourner vers le plan d’épargne logement (PEL), laissé de côté durant la période de taux bas. Il assure notamment un taux d’emprunt fixe aux épargnants au moment de l’achat de leur bien immobilier. Depuis le 1er janvier, ce taux de prêt s'élève à 3,20%, tandis que le taux annuel effectif global maximal auquel les banques peuvent prêter de l’argent aujourd’hui vient de passer la barre de 4% (4,24%) pour les crédits immobiliers de vingt ans et plus.
Confiance maintenue
Jusqu’ici, les intermédiaires ont évité la crise de confiance avec les épargnants. La période n’est pas pour autant terminée et qui sait quand le marché repartira. En attendant, ils remarquent tout de même un changement de paradigme, notamment dans le comportement de leurs clients. «Ils sont de plus en plus sensibles aux problématiques liées à la préparation de leur avenir. La conviction de devoir épargner est forte, contrairement à hier lorsque les niveaux de rendement étaient très bas et que l’argent ne coûtait rien», constate le directeur épargne de LCL. Confrontés à des paramètres inconnus pour certains, omis pour d’autres, les épargnants montrent un intérêt important pour les questions concernant leur épargne, une aubaine pour les professionnels.
, UNE ANNÉE 2023 SOUS TENSION POUR LE CONSEIL
La distribution de conseils financiers est dans le viseur des observateurs mais aussi des décideurs. A Bruxelles, les discussions autour de la stratégie pour les investisseurs de détail devraient donner lieu à une décision en faveur ou non de la suppression de la rémunération via les commissions. En France, le ton monte également, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n’a de cesse de rappeler à l’ordre les distributeurs sur leurs obligations issues de la directive sur la distribution d’assurances (DDA). De leur côté, les sénateurs Husson et Montgolfier n’ont pas hésité à déposer une proposition de loi – toujours en discussion– pointant du doigt les frais et le mandat d’arbitrage en assurance-vie. L’année promet d’être mouvementée.
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