Recours contre la réforme du courtage : la riposte s’organise

Les services de la Première ministre et cinq associations professionnelles agréées ont répondu à la QPC de l’ANCDGP visant à abroger la réforme.
conseil contitutionel  Paris
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Le dossier est passé des mains de Bercy à celles des services de la Première ministre. Un signe que le recours de l’ANCDGP visant à faire abroger les textes de la réforme de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement commence à faire du bruit. Il faut dire que l’ANCDGP, qui souhaite voir disparaître l’adhésion obligatoire aux associations professionnelles agréées, n’y est pas allée de main morte: après une demande gracieuse d’abrogation des textes auprès des services de l’ex-Premier ministre Jean Castex en février – sans réponse – elle a déposé devant le Conseil constitutionnel en mai un recours pour excès de pouvoir, assortie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et d’une question préjudicielle.

Un risque sérieux pour la réforme

«Le Trésor a tenuune réunion avec les associations pour indiquer qu’il fallait envisager sérieusement le risque que la loi tombe, affirme Philippe Loizelet, président de l’ANCDGP. Notre QPC a été transférée intégralement du Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel, aucun contre-argument du ministère de l’Economie et des Finances n’est venu fragiliser notre position.» Bercy a depuis été délestée du dossier, repris par les services de la Première ministre: les observations du gouvernement au Conseil constitutionnel sont signées Aurélie Bretonneau, directrice adjointe au secrétariat général du gouvernement.

Cinq associations professionnelles sur les sept agréées par l’ACPR (Anacofi, la CNCGP, la CNCEF assurance et crédit, l’Afib et la compagnie des IAS-IOBSP) ont formulé une demande d’intervention volontaire (1) pour faire valoir leur position.

«L’intervention conjointe des associations a pour vocation d’insister sur certains aspects mis en cause dans la procédure, à l’image par exemple de l’impartialité ou de l’exercice du pouvoir de sanctions, appuie Nicolas Ducros, secrétaire général de la CNCGP. Lors de la procédure d’agrément de ces associations, elles ont bien appréhendé ces points qui ont été soumis et validés par l’ACPR, l’autorité de contrôle. Il apparaissait nécessaire d’évoquer auprès du Conseil constitutionnel la validité des règles de droit existantes et leur déclinaison dans la pratique.»

Le retrait de l’ANCDGP des instances de l’Anacofi

«L’ANCDGP agit contre un texte soutenu par les associations alors qu’ils sont membres de l’Anacofi, tout en ne représentant plus qu’environ 2% de nos effectifs, regrette David Charlet, président de l’Anacofi. Nous avons décidé de défendre le texte que 95% de nos membres soutiennent.»

Dans l’attente de la résolution du différent, l’ANDCGP s’est miseen accord avec le conseil d‘administration de l’Anacofi en retrait des instances et ne participera plus aux débats et décisions de l’association jusqu’à la résolution de l’affaire.

«Pourquoi l’ANCDGP s’oppose-t-elle à un texte que la majorité souhaite et approuve, et qui nous a obligé à engager des moyens considérables?, pointe David Charlet. La réforme ne met pas en place des associations agressives pour les entreprises, mais d’accompagnement. Nous n’entendons pas alimenter ce psychodrame: ils tirent, nous gérons et c’est tout.»

L’ANCDGP estime de son côté que ses liens avec une association agréée ne sont pas contradictoires avec sa position. «L’ANCDGP a toujours annoncé qu’elle s’opposerait à la Loi, mais la QPC actuelle n’est pas suspensive de l’entrée en vigueur du texte, donc nous devons l’appliquer et c’est bien logiquement que nous avons soutenu et parfois conseillé les associations candidates, l’Anacofi en tête, du fait de notre accord historique sur les CIF», estime Philippe Loizelet.

Les intermédiaires dans l’incertitude

La date du 20 septembre, relayée comme la date à laquelle le Conseil constitutionnel devrait se prononcer sur la demande,n’a rien d’officielle car le jeu de ping-pong entre parties est loin d’être fini. Le mémoire en intervention des associations professionnelles agréées a été transmis le 29 août à l’ANCDGP, qui a jusqu’au 7 septembre pour répondre. De même,le gouvernement peut formuler des observations complémentaires face au mémoire en réplique que l’ANCDGP a produit le 31 août. Le Conseil constitutionnel a en réalité trois mois pour se prononcer à partir de sa saisine, soit jusqu’au 25 octobre.

Problème, beaucoup d’intermédiaires, nouveaux dans la profession (déjà concernés par l’obligation) ou en exercice (qui seront concernés en janvier 2023, au moment du renouvellement de l’immatriculation Orias), semblent suspendus à la décision du Conseil constitutionnel pour leur demande d’adhésion. Endya, l’une des associations agréées, a décidé de suspendre ses investissements dans l’attente de la décision des Sages pour éviter de s’engouffrer à fonds perdus dans la réforme.

«Si le parcours d’adhésion n’est pas modifié, nous demandons aux intermédiaires en exercice de patienter, informe Daisy Facchinetti, secrétaire générale d’Endya. Nous préparons un guide de conformité en lien avec notre outil informatique pour que nos adhérents puissent commencer la procédure d’adhésion en amont et la formaliser une fois la décision prise pour rattraper notre éventuel retard formel.»

L’attentisme ou l’action

La CNCEF pense au contraire que cette attitude attentiste complexifiera drastiquement la mise en œuvre de la réforme au moment de l’entrée du stock des 40.000 IAS et 20.000 IOBSP en exercice. «On sent monter une forte inquiétude chez les intermédiaires, dont beaucoup pensent que le recours suspend la loi et ne remplissent pas la procédure d’adhésion, rapporte Elizabeth Decaudin, déléguée générale du Groupe CNCEF. Sachant que l’Orias connaît toujours des dysfonctionnements et un temps de traitement des dossiers rallongé, de parfois plus de deux mois, ce flou contribue à repousser leur entrée en exercice. Pour les intermédiaires déjà en exercice, même en automatisant les inscriptions au maximum, les associations n’arriveront pas à traiter les demandes dans les temps.»

Dans la foulée de l’annonce d’Endya, la CNCEF s’est fendue d’un communiqué pour rappeler que l’examen de la requête par le Conseil constitutionnel ne suspendait pas l’application de la loi. Selon une source, l’Afib aurait décidé d’adopter une attitude similaire à celle d’Endya en réduisant la voilure dans l’attente d’un éventuel couperet. L’Agefi Actifs a tenté de joindre l’association, sans succès, de même que Géraud Cambournac, son ancien directeur général dont la page Linkedin indique qu’il n’occupe plus cette fonction depuis juillet 2022...

(1) L’intervention volontaire est le fait pour un tiers à une procédure d’en devenir partie s’il a un intérêt légitime à le faire

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