
Le Conseil d’Etat précise le champ de la protection
Le Conseil d’Etat vient de juger que l’article L. 80A du livre des procédures fiscales, qui protège le contribuable des changements dans l’interprétation des textes fiscaux par l’administration, ne s’applique pas, en principe, dans le cas d’un montage artificiel constitutif d’un abus de droit (CE, Ass., 28 octobre 2020, n°428048). « Cet arrêt a été rendu en Assemblée du contentieux, la formation de jugement la plus solennelle du Conseil d’État. C’est dire son importance », précise Patrick Michaud, avocat fiscaliste.
L’article L. 80 A du LPF, une garantie pour lecontribuable
L’administration fiscale ne peut procéder à des redressements d’imposition si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration consiste en un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et qu’il est démontré que l’interprétation sur laquelle il s’est fondé a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. « Ce principe dit de l’opposabilité de la doctrine administrative, constitue un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s’il l’invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d’en respecter les termes, de l’interprétation de la loi formellement admise par l’administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit », explique Patrick Michaud.
A la suite d’un contrôle sur pièces du dossier fiscal des époux A..., l’administration fiscale a considéré que lacession par le contribuable de 4.000 actions d’une SA à une SCI intervenue la veille de la cession de la totalité des parts qu’il détenait dans une SAS à cette même SA, avait été réalisée dans le seul but de ramener sa participation dans le capital de cette dernière entreprise à moins de 1 % et de se placer ainsi dans les prévisions d’une instruction de 2007 qui assouplit les conditions prévues par la loi fiscale pour bénéficier d’un abattement sur la plus-value réalisée. L’administration fiscale a écarté les opérations réalisées par le contribuable comme ne lui étant pas opposables, conformément à la procédure spéciale de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. « Ce texte vise notamment la fraude à la loi. Il s’agit de sanctionner les contribuables qui recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions avec pour seul objectif d’obtenir un avantage fiscal. Les montages artificiels dénués de toute substance et élaborés sans autre finalité que d’échapper à l’impôt, en sont un bon exemple », analyse Patrick Michaud.
En 1998, le Conseil d’Etat avait rendu un avis protecteur pour le contribuable. L’administration fiscale ne peut recourir à la procédure d’abus de droit pour redresser un contribuable en établissant que l’interprétation de la loi sur laquelle ce contribuable s’est appuyé, contenue dans la doctrine administrative, dépasserait la portée qu’elle entendait donner à celle-ci (CE, Avis Ass., du 8 avril 1998, 192539). « L’arrêt du 28 octobre 2020 ne déroge pas à cette solution, commente Patrick Michaud. Le bénéfice de la garantie contre les changements de doctrine ne peut fonder un redressement ». Toutefois, l’élargissement de la définition de l’abus de droit à la notion de fraude à la loi qui vise également l’abus de textes ou de décisions, a permis au juge administratif d’infléchir sa jurisprudence.
Un arrêt deconfirmation
En 2018, la cour administrative d’appel de Paris a validé l’interprétation de cette opération comme d’un montage artificiel destiné à rechercher le bénéfice de l’application littérale de l’instruction de 2017 dans le but exclusif d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value qui aurait du être normalement supporté (CAA Paris, 20décembre 2018, n° 17PA007-47). Le Conseil d’Etat confirme cette décision. « L’administration peut donc faire échec à la garantie contre les changements de doctrine mais à la condition expresse d’établir la preuve objective de l’existence d’un montage artificiel, dénué de toute substance et élaboré sans autre finalité que d’éluder ou d’atténuer l’impôt », conclut l’avocat.
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