
Le 118e Congrès des notaires pousse pour le family office et la fiducie

«Le notariat doit amorcer un virage, c’est une question de survie.» Thierry Delesalle, président du 118e Congrès des notaires de France, a choisit de donner à la séance d’ouverture du 13 octobre à Marseilleune teinte résolument dramatique. Il le martèle depuis des mois, les notaires doivent passer d’une culture de l’acte à une culture du conseil au risque de disparaître. Le thème même du Congrès, l’ingénierie notariale, participe de cette exhortation de la profession.
La manne immobilière
Pourquoi vouloir susciter l’urgence chez la profession juridique aux revenus les plus confortables et dont la pérennité paraît garantie par les actes qui ne peuvent être consignés autrement que dans les minutes d’un office? Parce que cette assise est, pour Thierry Delesalle, un château de sable bâti à outrance sur l’immobilier. Cette activité représente plus de la moitié du chiffre d’affaires du notariat, bien loin devant la famille (moins d’un tiers). «De 2 millions en 1950 à plus de 5 millions en 2021, l’objectif a été de produire toujours plus d’actes, la profession s’est focalisée sur cette production quasi-industrielle […] et nous avons organisé nos études à cette seule fin: celle de répondre au mieux à cette demande exponentielle exprimées par les marchés immobiliers», tance-t-il.
Entre objectif de la zéro artificialisation nette (Zan), chute des permis de construire et possible grippage du marché de l’ancien lié à la hausse des prix, les nuages se profilent à l’horizon. A Marseille, le nombre de permis de construire s’est effondré de 90% en un an. «Nous pourrions revenir à un rythme beaucoup plus faible qu’aujourd’hui, de 600.000 à 800.000 transactions par an, poursuit Thierry Delesalle. Je ne suis pas optimiste sur le maintien de cette manne immobilière des 1,5 millions de mutations dans l’ancien et des 120.000 vefa annuelles.»
, David Ambrosiano contre la Common law , Ralentissement de la révision des cartes d’installation des nouveaux notaires pour stabiliser l’effectif de la profession, sauvegarde du tarif pour faire face à l’inflation… David Ambrosiano, président du Conseil supérieur du notariat (CSN), a fait part des diligences habituelles du notariat à Rémy Decout-Paolini, directeur des Affaires civiles et du Sceau, venu remplacer le garde des Sceaux au pied levé. «C’est vrai, nous n’avions pas assez de notaires en 2015 […] mais il faut passer aujourd’hui à un régime de croisière réaliste après les secousses du démarrage», harangue David Ambrosiano. L’originalité du discours du président du CSN, dont le mandat s’achèvera d’ici la fin de l’année, résidait dans l’opposition à un ennemi résolument anglo-saxon. «Nous avons été imprégnés par les dogmes d’un libéralisme absolu, abreuvés du catéchisme de la dérégulation, des sophismes de la mondialisation», vilipende David Ambrosiano. Contre la Common law, système juridique dérégulateur en vigueur dans une grande partie des pays anglophones le droit continental (ou droit romano-germanique) doit s’affirmer. «Si les traités doivent être retouchés dans le cadre du chantier sur les institutions européennes, il faut absolument que le préambule du traité instituant l’Union européenne fasse référence aux fondements du droits romano-germanique comme source de la tradition juridique européenne.» ,
Family office et fiducie
Le 118e Congrès veut tracer une nouvelle voie axée sur la culture du conseil. Pour ne pas s’attirer les foudres de Bercy, Alexandre Thurel, rapporteur général du Congrès, précise que «l’ingénierie notariale ne consiste pas à inventer des pratiques opaques pour enrichir les exilés fiscaux». L’équipe du Congrès lorgne du côté des family officers, estimant que les notaires ont toute légitimité pour tenir ce rôle, mais Alexandre Thurel l’assure: cette pratique ne sera pas réservée aux patrimoines importants. Difficile de savoir, à partir de cette déclaration d’intention, si l’ingénierie notariale pourrait empiéter sur les plates-bandes des family offices traditionnels.
Les propositions du Congrès ne sont en tout cas pas focalisées que sur les problématiques patrimoniales, traitant de sujets divers comme la qualité des parties à une vente immobilières, la définition du professionnel de l’immobilier, le contrat de mariage ou les formes sociales au prisme de la quête de sens. Une proposition transverse concerne la fiducie, qui permet de transférer temporairement la propriété d’un patrimoine à un tiers qui en assure la gestion conformément aux missions déterminées dans le contrat. Seuls les établissements de crédit, les entreprises d’investissements ou d’assurance et les avocats peuvent être fiduciaires (soit les personnes qui gèrent la propriété des biens transférés). Le Congrès demande que le corpus de fiduciaires soit élargi aux notaires et à ce que la fiducie libéralité, aussi appelée fiducie transmission, soit autorisée. Le législateur l’avait interdite par crainte qu’elle ne soit utilisée pour contourner l’imposition successorale. Une proposition résolument patrimoniale.
Plus d'articles du même thème
-
Le Conseil supérieur du notariat opposé à une nouvelle vague de créations d’offices
L’organe représentatif prend le contrepied de l’Autorité de la concurrence qui se montre favorable au lancement de 600 nouveaux offices notariaux à horizon 2025. -
Le portefeuille de la caisse de retraite des notaires a perdu 240 millions d’euros en 2022
La CPRN a enregistré une performance de -12,2% sur son portefeuille d’actifs. -
Face à la crise du logement, les notaires montent au créneau
Alors que le logement sera le sujet central de leur prochain congrès, les notaires dévoilent en avant-première des propositions censées supprimer certains points de blocages identifiés sur le marché.
Sujets d'actualité
- Gestion privée : l’Europe va connaitre un de ses plus grands transferts de richesse
- Alexandre Claudet, président d’Aestiam : "Ce qui se passe sur le marché des SCPI n'est pas catastrophique"
- Les gérants de SCPI passent leurs difficultés au tamis
- Lorenzo Gazzoletti: « Richelieu Gestion est en quête d’acquisitions »
- Amundi ajoute un fonds event driven à sa plateforme de hedge funds Ucits
Contenu de nos partenaires
-
Exclusif
Séisme au Maroc: dans les coulisses du jour le plus long de Mohammed VI
L'Opinion a reconstitué les premières heures post sinistre du roi du Maroc pour répondre à la catastrophe naturelle la plus mortelle de son règne -
Spécial Pologne
« Les Russes veulent revenir » - la tribune d'Eryk Mistewicz
« Il y a 30 ans, le dernier soldat soviétique a quitté la Pologne. À en croire les idéologues de Poutine, les Russes aimeraient aujourd'hui retourner en Pologne et dans toute l'Europe centrale. Nous faisons tout, nous, Polonais et Ukrainiens, Français aussi, tous en Europe et aux États-Unis, pour les en empêcher », explique le président de l'Instytut Nowych Mediówryk. -
Editorial
Antonio Guterres, le prophète de malheur qui ne fait peur à personne
Le Secrétaire Général de l’Onu va crescendo dans les prévisions apocalyptiques