La répression pénale de la fraude fiscale renforcée

La réforme du verrou de Bercy limite le rôle que peut jouer la Commission des infractions dans la répression pénale de la fraude fiscale.
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En juin, Bercy s’est doté d’une nouvelle feuille de route pour lutter contre la fraude fiscale. Elle prévoit de durcir la réponse pénale, notamment en renforçant « la judiciarisation des fraudes ». Dans ce cadre, un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale devrait être créé pour punir la mise à disposition de schémas de fraude.

Cette feuille de route s’inscrit dans la droite ligne de la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018. « La réforme du verrou de Bercy, prévue dans ce cadre, a accru les prérogatives de l’autorité judiciaire en matière de lutte contre la fraude fiscale en prévoyant la transmission automatique au procureur de la République des dossiers de fraude fiscale les plus importants », rappelle Benjamin van Gaver, associé du cabinet August Debouzy. Ce dispositif prévoyait dans la répression de la fraude fiscale l’intervention d’un organisme indépendant dont l’avis lie l’administration et la Commission des infractions fiscales (CIF). Conçu à l’origine comme un mécanisme protecteur pour les intérêts des contribuables, ce verrou a concentré les critiques pendant quelques années, notamment après l’affaire Cahuzac, qui a éclaté en 2013.

Transmission automatique

Dans le cadre de cette réforme, un mécanisme de transmission automatique au parquet a été mis en place, assorti de pénalités administratives pour les affaires dans lesquelles les droits appliqués atteignent 100.000 euros. Ce seuil est réduit à 50.000 euros pour les affaires concernant les personnes soumises à une déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Dans les autres situations, l’administration fiscale reste juge de l’opportunité de déposer une plainte pour fraude fiscale. Une fois saisi du dossier, le parquet est libre de poursuivre ou non. D’après les chiffres de Bercy, dans le cadre de ce mécanisme de dénonciations obligatoires, en 2021, 1.373 dossiers, représentant 659 millions d’euros de droits rappelés, ont été transmis à l’autorité judiciaire (1.217 dossiers en 2021 et 823 en 2020). 257 plaintes pour fraude fiscale ont été déposées après avis favorable de la CIF et 92 plaintes pour escroquerie en matière fiscale.

Baisse de l’activité de la CIF

La réforme de 2018 a profondément amoindri l’activité de la CIF. La CIF a été saisie en 2022 de 270 propositions de poursuites pénales. A titre de comparaison, 1.061 dossiers lui avaient été transmis pour avis en 2015. Elle n’a tenu que 24 séances en 2022, 34 en 2020, alors qu’elle en tenait en moyenne 60 à 70 avant la réforme. « Cette baisse d’activité n’est pas surprenante, commente Benjamin van Gaver. La diminution des saisines de la CIF correspond à la progression des dénonciations obligatoires. Cet impact est d’autant plus effectif que le seuil de 100.000 euros est très bas et rapidement atteignable, notamment pour les personnes morales. » Or les nouvelles compétences conférées à la CIF, notamment en matière de name and shame, ne devraient pas servir de relais d’activité. « La CIF a été saisie en 2022 et, pour la première fois, de cinq propositions de publication des sanctions administratives », constate l’avocat. Le volume de saisines à ce titre devrait cependant rester limité à l’avenir, tant le législateur a strictement encadré les conditions de mise en œuvre de ce dispositif.

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