Cas de mise en cause d’une préconisation fiscale

Il en a coûté cher au conseiller en gestion de patrimoine qui ne s’est pas tenu à jour de l’évolution des règles fiscales
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Le 29 juin 2017, la Cour d’appel d’Aix en Provence (n°15/00805) a rappelé toute la discipline nécessaire à l’exercice du conseil en gestion de patrimoine. Cet arrêt n’a que plus de force à l’heure des premières réflexions autour de la mise en œuvre du projet de loi de finances pour 2018.

Dans l’affaire portée à la connaissance de la justice, une entreprise a confié à un cabinet de conseil l'étude des incidences juridiques et fiscales d’un projet d’acquisition immobilière. Une solution avec création d’une SCI et démembrement des parts de cette SCI a été envisagée et, par lettre du 5 novembre 2012, cette société s’est vue confier la mission de mettre en œuvre cette solution. Un acompte de près de 10.000 euros correspondant à 30 % de ses honoraires lui a été versé. Ce cabinet a alors exécuté sa mission en procédant à la rédaction d’une délégation de créance, d’une cession temporaire d’usufruit de parts sociales mais aussi des statuts modifiés d’une SCI. Il a également procédé aux formalités de publication et fait enregistrer l’acte de cession, les droits d’enregistrement s'élevant à 10.350 euros.

La loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, dont le projet de loi a été déposé le 14 novembre 2012, a modifié le régime fiscal des cessions d’usufruit temporaire et a été rendue applicable aux cessions réalisées à compter du 14 novembre 2012. Coup dur pour le conseiller, l’acte de cession temporaire d’usufruit au bénéfice de son client, a été enregistré après cette date. Il a donc été soumis à ce nouveau régime d’imposition, moins intéressant pour lui d’un point de vue fiscal. En réaction, il a établi un acte de résiliation de la cession temporaire d’usufruit et a vainement réclamé le remboursement des droits d’enregistrement auprès de l’administration fiscale. Il a aussi demandé le remboursement des honoraires versés qu’il n’a pas obtenus.

La société a fait assigner son conseil et son assureur devant le tribunal de commerce de Nice pour obtenir la condamnation pour faute de ce conseil et son indemnisation. Par jugement du 6 janvier 2015, le juge a statué en retenant que la faute du conseiller dans le cadre de l’exercice de sa mission n’a pas été démontrée par son client. Ce client a alors porté l’affaire devant la Cour d’appel d’Aix en Provence qui a adopté un point de vue différent de celui du tribunal de première instance au motif que «celui qui a accepté de donner des renseignements et a fortiori un conseil à lui-même l’obligation de se renseigner».

Plus précisément, elle a considéré que «l’existence de collectifs budgétaires et de loi de finances rectificatives survenant en fin d’année civile ne pouvait être ignorée» par le conseiller en qualité de professionnel du conseil en investissements financiers et «il lui appartenait dans le cadre de son obligation de conseil, de se renseigner sur les projets législatifs en cours et sur leur date d’application». Le cabinet a autant moins d’excuse que l’information est publique, il aurait dû s’informer des projets en cours et en tenir compte au moment de rédiger les actes. Elle aurait ainsi dû porter à la connaissance de son client «la possibilité de rétroactivité de la loi de finances, clairement envisagée dès l’origine qui n’est certes pas usuelle, mais faisait peser un risque non négligeable sur l’opération qui ne correspondait plus dès lors, en cas d’adoption, aux objectifs fixés». En s’abstenant de se renseigner sur les dispositions du projet de loi de finances rectificative susceptibles d’influer sur le projet qu’elle mettait en œuvre et en s’abstenant d’en aviser son client, le cabinet a commis une faute contractuelle. Le préjudice est constitué par la perte totale des frais d’enregistrement et par la perte totale de l’acompte versé.

L’assureur du cabinet ayant opposé une clause d’exclusion, la cour lui a rétorqué que les clauses d’exclusion sont d’interprétation stricte. Le présent litige est relatif à la responsabilité professionnelle de l’assurée, laquelle a commis une faute dans l’exercice de son activité assurée et ce préjudice est réparé par l’allocation de dommages et intérêts. Il n’existe aucun litige sur le montant des honoraires facturés l’assureur a du sa garantie conformément au contrat d’assurance

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