
« Associer les professions du chiffre et du droit, c’est le risque d’un conflit d’intérêts »

L’Agefi Actifs - Réforme de vos tarifs, libéralisation de vos conditions d’installation…, qu’avez-vous pensé de l’examen du projet de loi Macron par la commission spéciale de l’Assemblée nationale?
Catherine Carely - C’est très décevant. Le Ministre de l’Economie, présent du début à la fin des travaux, a pu imposer son point de vue aux parlementaires et aux rapporteurs, en maintenant l’essentiel de son texte, et en réécrivant certains amendements de compromis présentés par Richard Ferrand et Cécile Untermaier. Nous espérons que cela évoluera dans la suite des débats. Nous regrettons dans le même temps l’absence de la Ministre de la Justice, en raison peut-être des évènements que notre pays a traversé en ce début d’année 2015. La profession notariale, qui n’est pas hostile à la réforme et qui au contraire a toujours marqué sa volonté de modernisation, a transmis des propositions concrètes en ce sens.
Pour interpeller le gouvernement ainsi que les parlementaires, nous avons d’ailleurs lancé une grande campagne d’information dans la presse papier.
S’agissant de la libéralisation des conditions d’installation des notaires, la Chambre dénonce les conditions de régulation de la libre installation des notaires placés sous la tutelle de l’Autorité de la concurrence. Le texte issu des débats est très confus. S’agissant de l’appel à manifestation d’intérêt qui pourra être fait auprès des notaires pour appeler des candidats à l’installation dans une zone donnée, comment fera-t-on pour départager dix postulants? Un concours devrait être organisé.
Quant à la réforme sur les tarifs, ceux-ci pourront varier dans une amplitude beaucoup trop importante d’un tiers. L’objectif est de faire chuter d’autant le coût de la rémunération des notaires, en réduisant en plus leur tarif. Cela va entraîner la faillite de nombreuses études. Pour les clients, le bénéfice économique de la réforme reste à démontrer dans la mesure où le coût des «petits actes», aujourd’hui réalisés en dessous du prix de revient, va obligatoirement augmenter.
Cette déstabilisation ne pourra qu’entraîner une dégradation de la qualité de service que nous rendons actuellement à la clientèle.
Pour permettre aux études moins rentables de continuer à exercer, un amendement adopté propose d’instaurer un dispositif de péréquation nationale? Qu’en dites-vous?
Effectivement, un amendement a été adopté par la Commission parlementaire. Mais au-delà de la solidarité interne aux offices, cette péréquation a pour objet d’alimenter un fonds interprofessionnel en faveur de l’aide juridictionnelle.
Il est donc demandé aux seuls notaires, pour l’instant, de financer l’intervention des avocats. Alors que ceux-ci ont également des rémunérations et des honoraires parfois importants.
Quel sera l’impact de la réforme de la libre installation sur Paris selon vous?
Paris est un «miroir aux alouettes» pour beaucoup. C’est se moquer du monde d’affirmer l’existence d’un désert juridique en Ile-de-France car personne ne rencontre de difficulté, aujourd’hui, pour rencontrer un notaire lorsqu’il veut le saisir d’un dossier.
A Paris, le nombre de notaires augmentait régulièrement jusqu’à l’été dernier. Mais il y a une limite naturelle à notre nombre. C’est la nécessité de disposer d’offices organisés et pérennes disposant de tous les outils nécessaires à notre mission de service public. Les notaires qui se créeront en coup de vent n’apporteront pas toujours ces garanties minimales. Le notariat en sera déstabilisé.
Les députés de la commission ont conservé l’instauration d’une interprofessionnalité d’exercice entre métiers du chiffre et du droit. Vos réactionssur ce point ?
Nous dénonçons cette doctrine floue du full service souhaité par Emmanuel Macron et rappelons l’importance de conserver son indépendance à l’authenticité par rapport au conseil privé. Les fonctions publiques doivent conserver leur indépendance et leur identité par rapport aux fonctions privées. Même si la proposition d’ouvrir ces sociétés aux autres professionnels d’horizons différents, telle une banque ou un assureur, a été abandonnée, il reste que c’est certainement ce qui attend le droit dans quelques années. En raison de nos règles déontologiques, il sera par exemple difficile pour nous de cautionner les montages fiscaux qui auront lieu dans ces structures.
Lors des débats de la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale, Madame Karine Berger a évoqué très précisément les risques d’une association des professions du droit et du chiffre. Il ne lui a pas été répondu précisément sur cette question qui a pourtant fait l’objet d’une loi il y a 12 ans après l’affaire Enron. Comment par exemple oublier que les experts comptables exercent des missions de contrôle des comptes pour la plupart des entreprises petites et moyennes et qu’il y aurait un conflit moyen d’intérêt à les retrouver dans des structures conjointes avec les avocats et les notaires
A ce jour, avez-vous reçu des demandes pour la création de SPFPL pluri-professionnelles?
Non, mais cette nouvelle possibilité de financement ne date que de quelques mois. Ce qu’oublient les pouvoirs publics qui créent sans arrêt de nouvelles structures, c’est qu’il faut du temps pour qu’elles s’enracinent dans un monde économique très mouvant et que rien ne se passe comme on voudrait le planifier.
Comment les notaires vont-ils désormais facturer leurs honoraires de conseils?
Ces honoraires sont d’ores et déjà libéralisés, dès lors qu’ils sont détachables des actes réalisés par les notaires qui sont inclus dans le tarif, et qui intègrent naturellement eux-mêmes une partie de conseil et de réflexion stratégique.
Ce qui est en cause, c’est l’essentiel de la participation des notaires à l’accès au droit, qui s’effectue de manière informelle, lors de rendez-vous gratuits, ou dans le cadre de permanences d’accueil que nous avons créé. Cela a toujours constitué un des rôles majeurs du notaire. Ce rôle, nous ne pourrons plus l’exercer sous la forme traditionnelle. Nous détenions une fonction publique. Il nous est demandé d’intégrer le Code de commerce.
Propos recueillies par Valentine Clément
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