Après la CRDS, Macron reporte aussi la suppression de la taxe d’habitation

Le président de la République juge « légitime » de repousser la suppression de la TH pour les 20 % des Français les plus aisés. 6 à 7 milliards d’euros de baisses d’impôts s’éloignent.
Raphaël Legendre-L'Opinion
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C’est la surprise du chef ! S’il n’est pas question pour Emmanuel Macron de rétablir l’ISF ou d’imposer une contribution spéciale sur les plus riches pour éponger une partie du coût des mesures prises pour faire face à la crise - « nous sommes déjà le pays ou la fiscalité est la plus importante », a-t-il rappelé à juste titre - la suppression de la taxe d’habitation (TH) pour les 20 % des Français les plus aisés pourrait en revanche être décalée. Face à la crise, il est « légitime (...) d’attendre quelques années de plus » pour supprimer la taxe d’habitation, a-t-il jugé lors de son interview du 14 juillet.

Mesure phare de son programme, cette suppression devait coûter 20 milliards d’euros aux caisses de l’Etat, qui s’est engagé à compenser entièrement le manque à gagner pour les collectivités locales, bénéficiaires de la taxe d’habitation. Depuis cette année, huit ménages sur dix en sont effectivement complètement exonérés, ce qui entraîne une charge de 10 milliards d’euros pour l‘Etat. La supprimer pour les 20 % restant entre 2021 et 2023 aurait coûté entre 6 et 7 milliards d’euros supplémentaires, les résidences secondaires continuant à être taxées à hauteur de 3 à 4 milliards d’euros par an.

Egalité. Dans son programme, Emmanuel Macron n’avait prévu de la supprimer que pour 80 % des ménages. Mais le Conseil constitutionnel a tiré la sonnette d’alarme dans sa décision sur la loi de finances pour 2018 : la suppression devra concerner 100 % des Français. Question d’égalité face à l’impôt.

L’exécutif risque-t-il alors de se faire censurer en cas de maintien de la taxe d’habitation pour les 20 % des Français les plus aisés ? « Le Conseil constitutionnel avait indiqué dans sa première décision que la réforme était conforme à la Constitution parce qu’elle réduisait les inégalités entre contribuables », rappelle Alexandre Maitrot de la Motte, professeur de droit public à l’Université Paris-Est Créteil et spécialiste des questions de fiscalité. L’obsolescence des valeurs locatives, qui datent des années 1970 et qui servent de base au calcul de la taxe foncière et de la taxe d’habitation, fait aujourd’hui qu’un habitant de la Courneuve paye davantage de TH qu’un Parisien logé dans de l’Haussmannien.

A l’époque, le Conseil constitutionnel avait accepté de donner un peu de temps pour orchestrer cette réforme. « Mais il n’a pas précisé quel temps était nécessaire », souligne Alexandre Maitrot de la Motte. Pour passer l’examen constitutionnel, le gouvernement devra donc inscrire l’horizon à partir duquel il pense pouvoir entamer la suppression totale de la taxe d’habitation, dans la prochaine loi de finances.

Reste qu’après le prolongement de la CRDS jusqu’en 2042 pour financer le cantonnement de la « dette Covid », voilà un nouveau prélèvement prorogé, en l’espace de deux semaines. Emmanuel Macron a répété dans son interview qu’il ne commettrait pas l’erreur d’augmenter les impôts pour réduire les déficits. Hors de question de casser la reprise, comme ne 2011-2014. « Une trajectoire fiscale a été votée, c’est celle qui sera tenue », a-t-il affirmé. Sauf pour les Français touchant plus de 2 500 euros par mois.

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