Le logement neuf en plus mauvaise passe que pendant le Covid

Au premier semestre, les mises en vente et les réservations sont en chute libre et atteignent des niveaux plus bas qu’en 2020.
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Bis repetita.

Après l’annus horribilis de 2022 et leurs alertes dès la fin du premier trimestre, les promoteurs immobiliers se préparent à une nouvelle année difficile. Les chiffres du premier semestre témoignent d’une activité proche de la paralysie et sont encore plus mauvais qu’à la même période en 2020, au plus fort de la crise sanitaire du Covid. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) en veut pour preuve son bilan du premier semestre qu’elle a présenté ce jeudi 14 septembre lors d’une conférence de presse.

Ventes en berne, stocks et prix en hausse

A première vue, il y a du mieux. Les permis de construire, les ventes et les mises en vente sont en hausse au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de l’année. 96.600 autorisations de construire ont été délivrées au deuxième trimestre, en légère hausse rapport au T1 (93.900). Les ventes ont également augmenté d’un peu plus de 14%, passant de 21.008 au premier trimestre à 24.301 au deuxième. Même les mises en vente ont connu une augmentation de 25% (20.570 contre 16.912 au premier trimestre).

En revanche, ramenés au second semestre, tous ces indicateurs s’inscrivent en baisse par rapport au S1 2022 et même au S1 2020 qui avait mis la filière à l’arrêt pendant trois mois à cause du confinement et des restrictions sanitaires. Ainsi, les ventes accusent un repli de 31% par rapport au S1 2022 et de 20,87% par rapport au S1 2020 (58.697 réservations). Le niveau des mises en vente est également plus bas : 39.393 contre 40.359 au S1 2020.

Le tarissement de la demande a fait augmenter le stock des promoteurs pour le cinquième trimestre consécutif. 103.514 logements sont ainsi sur le marché, pour une durée d’écoulement moyenne de 17,3 mois. Très loin des habitudes des opérateurs. «Notre paradigme a changé, a confirmé Pascal Boulanger le président de la FPI lors de la conférence de presse. On tablait habituellement sur 160.000 ventes par an. Après deux ans de crise, on part désormais du postulat que l’on n’en vendra plus que 90.000». Il a également ajouté que les promoteurs s’estiment satisfaits lorsqu’ils ont un an de logements à écouler. «Aujourd’hui, peu de métropoles affichent des délais d’écoulement inférieurs à 12 mois», a-t-il regretté, citant notamment Besançon (10,7 mois) et Brets (11,6 mois).

Parallèlement, les prix ont continué d’augmenter entre le T2 2023 et le T2 2022 : +4,4% en régions (4.751 euros / m²) et + 5,4% à Paris (5.802 euros / m²). « Contrairement au marché de l’ancien, lorsqu’il est confronté à une crise de la demande, les prix dans le neuf continuent d’augmenter, car leur nature est technique. Ils dépendent des coûts des promoteurs, en hausse ces dernières années, notamment ceux de construction et le foncier», a expliqué Pascal Boulanger.

«Le recours aux institutionnels est illusoire !»

La crise de la demande fait voler en éclat les fondamentaux du marché. Le ratio investisseurs particuliers et propriétaires occupants se dégrade, au profit des seconds. «Il était encore équilibré ces dernières années malgré un premier décrochage en 2020, mais il s’est complètement tordu au deuxième trimestre 2023. Cela est notamment dû au fait que les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif sont quasiment à l’arrêt», a commenté le délégué général de la FPI France Didier Bellier-Ganière. Si les deux typologies d’acquéreurs sont beaucoup moins présentes, les investisseurs ne représentent plus que 35% des transactions, alors qu’ils pesaient encore 44% au deuxième trimestre de l’année dernière et même 50% en 2018.

La part des acquéreurs institutionnels est elle légèrement en hausse, témoignant d’un transfert de la vente au détail vers la vente en bloc. Pour Didier Bellier-Ganière, ce glissement est dû au fait que le segment des institutionnels (majoritairement des bailleurs sociaux) a été le premier à plonger dès 2022 et donc le premier à se relever légèrement.

Pour autant, Pascal Boulanger a réfuté catégoriquement l’idée d’un transfert massif vers cette clientèle de la part des promoteurs. «Vouloir faire reposer la production de logements locatifs sur les seuls investisseurs institutionnels est illusoire ! a-t-il martelé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2015 et 2022, les ventes aux investisseurs particuliers éligibles aux dispositifs d’aide fiscale l’investissement locatif étaient de l’ordre de 50.000 à 60.000 logements en moyenne par an. Sur la même période, celles aux institutionnels s’établissaient aux alentours de 6.000 ».

Le marché dans l’attente de CDC Habitat et Action Logement

Comme la Première ministre Elisabeth Borne l’avait annoncé avant l’été, CDC Habitat et Action Logement rachèteront 47.000 logements aux promoteurs pour tenter de débloquer le marché.

Selon la FPI, les opérateurs attendent une réponse à leurs dossiers à partir de vendredi 15 septembre. Les premières remontées de terrain font état d’attentes et de processus différents entre les deux organismes. Alors que CDC Habitat choisirait principalement en fonction d’une équation budgétaire, Action Logement ferait davantage d’efforts pour essayer de préserver les marges des promoteurs immobiliers. Dans les deux cas, les promoteurs vendraient leurs biens à un prix décoté.

Les organismes vérifieront de l’adéquation de leur offre aux prix du marché et devraient supprimer les frais applicables lors d’une vente classique. «S’agissant d’une vente directe, les honoraires de commercialisation, dû au réseau de distribution (aux alentours de 5%) pourraient logiquement être annulés, a avancé Pascal Boulanger. En revanche, les honoraires de gestion, en moyenne entre 5% et 6% du montant de l’opération, qui servent à payer la masse salariale, devraient être conservés. » Enfin, en fonction de l’organisme, la marge des promoteurs (autours de 5% selon la FPI) pourrait être conservée, rognée…Ou tout simplement disparaitre.

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