
DPE : les banques veillent au grain

Ce n’était qu’une question de temps avant que la loi Climat et son implacable calendrier d’interdiction des passoires thermiques ne fasse ricochet côté financement. Une conséquence somme toute assez logique et qui commence à se dessiner depuis la fin d’année dernière.
Un enjeu plus important
Le signal d’alerte a été donné par la Fnaim. Au cours de sa dernière conférence de presse mi-janvier, son président Jean-Marc Torrollion a évoqué des premiers refus de financement pour l’acquisition de logements classés G au niveau de leur DPE fin 2021. A présent, certaines banques exigent en effet des devis de travaux pour les faire sortir du statut de «passoire thermique» et intègrent leur montant dans le calcul de l’endettement du client. L’effet est drastique : ceux qui dépassent les 35% sont priés de passer leur chemin. Si la pratique semble logique, surtout dans le cas d’un investissement locatif, elle pose question sur la capacité des banquiers à appréhender l’efficacité des travaux.
«Le phénomène est très récent et pour l’instant très marginal, mais il n’y a pas de raisons qu’il ne se généralise pas», prévient Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux. Xavier Lacombe, co-fondateur du groupe Artémis Courtage, n’en pense pas moins et confirme que les banques sont entrées dans une phase «d’alerte et de pédagogie» auprès des clients. «C’est la première étape, mais on sait qu’elles pourraient durcir leurs règles d’ici quelques mois», avance-t-il.
Officiellement, pourtant, les banques n’ont pas haussé le ton. Yann Lhuissier, directeur marchés & clients et membre du Comex de LCL, assure que la politique crédit de son établissement reste «inchangée malgré la loi Climat». Il estime qu’il est encore «tôt pour renforcer les conditions d’octroi car la loi créera des opportunités importantes pour les investisseurs et que des dispositifs importants existent pour les travaux d’amélioration». En revanche, il reconnait que le paradigme a changé depuis l’adoption de la loi, ce qui peut faire augmenter «le risque de vacance locative» dans l’analyse du dossier. Même son de cloche du côté du Crédit Agricole : aucune directive n’a été donnée au niveau du groupe. L’accent a été mis sur la formation des conseillers et l’accompagnement des clients. «Nous discutions déjà avec eux de leurs biens avant la loi Climat, mais il est vrai que l’enjeu des travaux était moins crucial dans l’analyse du dossier», reconnait une source interne, qui a également entendu parler de «ces banques qui durcissent leur conditions».
Le président de l’Apic, Bruno Rouleau, évoque, lui, une «dizaine de remontées, essentiellement à Paris et Marseille». Lui aussi confirme la tendance : «les banques font plus attention à la capacité des emprunteurs à faire des travaux dans le cadre d’un investissement locatif dans l’ancien», appuie-t-il.
Double peine
Si pour l’instant la tension semble surtout porter sur les investissements locatifs, la question peut d’ores et déjà se poser pour les résidences principales. Avec en corollaire une sanction à double tranchant pour les Français les plus modestes.
Selon les notaires de France, en 2020, les appartements classés F et G ont pu se vendre jusqu’à 14% moins cher qu’un logement D. La décote a pu même atteindre 20% pour les maisons. Les ménages aux revenus les plus faibles peuvent donc être attirés par ces logements de prime abord moins cher que ceux plus performants énergétiquement (même si les factures d’énergie les rappelleront vite à la réalité). Toutefois, un durcissement des conditions des banques couplé aux restrictions du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), pourrait compliquer leur acquisition d’un logement G. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose puisque, rappelons-le, une passoire thermique est une habitation qui est tout sauf agréable à vivre. Mais c’est aussi leur ôter la possibilité de devenir propriétaire et d’y réaliser des travaux. Une équation avec tellement d’inconnues qu’il devient finalement difficile de s’y retrouver.
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