
OAT, Bund, T-Bond : ces taux que les marchés ne lâchent pas des yeux

Jusqu’à l’infiniment petit, ou presque. Les variations des taux souverains sont scrutées chaque jour, voire chaque seconde, par les marchés qui guettent le moindre changement de 0,01 point de pourcentage – ou «point de base» - de la rémunération de ces obligations émises par les Etats.
Les rendements des principaux emprunts (OAT, T-Bond, Bund…) sont aussi comparés entre eux et les variations d’écart de taux d’intérêt (les «spread») abondamment commentés. S’ils passionnent autant les opérateurs c’est que ces simples chiffres contiennent de nombreuses informations.
Les taux souverains indiquent le prix qu’il en coûte à un Etat pour s’endetter ce qui informe sur la confiance que lui accordent les investisseurs. Ils servent aussi de référence en fixant une sorte de plancher au loyer de l’argent, en général proche du taux de référence de la banque centrale pour les maturités les plus courtes. Enfin et surtout, leurs évolutions renseignent sur l’état de l’économie du pays et sur ses perspectives en termes de croissance et d’inflation.
42% pour le taux grec
Le 20 mars 2017 la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française avait ainsi propulsé le taux souverain à dix ans français de 115 points de base, traduisant l’inquiétude des investisseurs quant à la politique qu’aurait pu mener la présidente du Front national en cas d’accession à la magistrature suprême. Encore plus marquant, lors de la crise grecque du début des années 2010, le rendement de la dette hellénique s’était envolé, atteignant le niveau stratosphérique de 42% les 1er janvier et 1er mars 2012.
Mais d’où viennent ces taux dont les variations peuvent faire trembler les marchés financiers et vaciller un pays entier ? En réalité, ils sont de deux ordres. Les obligations d’Etat sont d’abord vendues sur le marché primaire, où sont émis des titres pour la première fois par opposition au marché secondaire qui correspond à un marché de seconde main. C’est là qu’est déterminé ce que l’opération coûtera réellement au pays émetteur. Les OAT (obligations assimilables au Trésor) françaises sont ainsi émises de manière régulière chaque mois par l’Agence France Trésor (AFT) auprès d’un groupe de banques sélectionnées (on parle d’adjudication) ou directement sur le marché, généralement pour des montants plus importants, de façon ponctuelle (on parle de syndication).
Hausse des taux, baisse des obligations
Les taux des obligations arrêtés à ces occasions ne sont connus qu’au moment des adjudications (ou des syndications) sur le marché primaire. Mais ils bougent chaque seconde sur le marché secondaire. Comme une action cotée en Bourse, les obligations souveraines déjà émises sont achetées et vendues en permanence par les investisseurs. Si leur prix augmente, cela entraîne une baisse de leur taux et inversement.
Ainsi, dans un contexte de hausse des taux directeurs des banques centrales, l’ensemble des taux d’intérêt risque d’augmenter, poussant les investisseurs à réclamer une meilleure rémunération des obligations souveraines. Ils n’accepteront de les acheter qu’à un prix plus bas, ce qui fait mécaniquement monter le taux d’intérêt servi.
Prenons un exemple. Une obligation d’une valeur de 1.000 euros – qui donnera lieu à un remboursement de 1.000 euros au bout d’une échéance de dix ans - a été émise à un taux initial de 2%, soit un coupon annuel de 20 euros. A la suite d’un changement brutal des conditions économiques, les investisseurs en réclament désormais 3%. Pour obtenir ce taux, ils n’accepteront pas d’acheter le titre au-dessus de 923 euros. A ce prix, l’investisseur récupèrera toujours un coupon de 20 euros par an mais enregistrera aussi un gain de 77 euros en dix ans (1.000 – 923), soit 7,7 euros par an (hors actualisation). Au global, son rendement ressort à 3% (27,7/923 = 3%).
OAT, T-Bond, Bund, BTP, Bono...
En réalité, chaque pays ne compte pas un mais plusieurs taux souverains en fonction des différentes maturités des emprunts (entre 2 et 8 ans pour les maturités moyen terme et plus de 8 ans jusqu’à 50 ans pour les maturités long terme). Si la durée n’est pas précisée c’est probablement qu’il s’agit d’une obligation à 10 ans qui est la plus regardée.
Et tous les bons du trésor ne sont pas étudiés avec la même attention par les investisseurs. Le plus scruté est, bien sûr, le taux du Treasury Bond américain, le T-Bond, à maturité de 10 ans (en dessous de 10 ans de maturité on parle de T-Notes et en dessous de 1 an de T-Bills).
En Europe, le Bund allemand fait référence. L’OAT française, le Bono espagnol ou le BTP italien y sont souvent comparés. L’écart entre ces taux constituent les fameux spreads, qui peuvent donner des sueurs froides aux marchés s’ils s’élargissent. Un écartement trop prononcé entre ces différents taux peut entraîner un phénomène de fragmentation de la zone euro particulièrement redouté par la Banque centrale européenne.
Le Gilt britannique, émis en livres sterling, est surveillé d’un peu plus loin. En Asie, les taux des bons souverains japonais et chinois sont encore moins dans les radars des observateurs car ces marchés sont assez peu ouverts aux investisseurs internationaux.
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RDC: à Ntoyo, dans le Nord-Kivu, les survivants des massacres commis par les ADF enterrent leurs morts
Ntoyo - Lundi soir, les habitants de Ntoyo, un village de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’apprêtaient à assister à des funérailles quand une colonne d’hommes armés a surgi de la forêt. «Parmi eux, il y avait de très jeunes soldats», raconte à l’AFP Jean-Claude Mumbere, 16 ans, rescapé d’un des deux massacres commis par les rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) dans la nuit de lundi à mardi, l’un à Ntoyo et l’autre dans un village distant d’une centaine de kilomètres. Le bilan de ces attaques, au moins 89 tués selon des sources locales et sécuritaires, a peu de précédent dans une région pourtant en proie à une instabilité chronique, victime depuis trente ans de multiples groupes armés et conflits. Les ADF, groupe armé né en Ouganda et qui a prêté allégeance à l’Etat islamique, est connu pour une extrême de violence à l'égard des civils. «Ils étaient nombreux et parlaient une langue que je ne comprenais pas. De loin, ils portaient des tenues qui ressemblaient à celles des militaires», se souvient le jeune homme, venu assister mercredi aux funérailles de sa soeur, l’une des victimes de ce nouveau massacre perpétré dans la province du Nord-Kivu. Plus de 170 civils ont été tués par les ADF depuis juillet dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, selon un décompte de l’AFP. Plus au sud, malgré les pourparlers de paix de ces derniers mois, des affrontements se poursuivent entre l’armée congolaise (FARDC) et affiliés, et le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda et son armée, qui s’est emparé des grandes villes de Goma et de Bukavu. A Ntoyo, Didas Kakule, 56 ans, a été réveillé en sursaut par les premiers coups de feu. Il dit avoir fui avec femmes et enfant à travers les bananeraies pour se réfugier dans la forêt voisine, avec d’autres habitants. Tapis dans l’obscurité, les survivants n’ont pu que contempler leurs maisons consumées par les flammes. «Les coups de feu ont retenti longtemps. Ma maison a été incendiée, ainsi que le véhicule qui était garé chez moi. Chez nous, heureusement, personne n’a été tué», dit Didas Kakule. Jean-Claude Mumbere, lui, a été touché par une balle pendant sa fuite. «Ce n’est qu’après m'être caché dans la forêt que j’ai réalisé que je saignais», affirme-t-il. «Inaction» Mercredi, Ntoyo, 2.500 habitants, n'était plus qu’un village fantôme, et la plupart des survivants partis se réfugier dans l’agglomération minière voisine de Manguredjipa. Une dizaine de corps étaient encore étendus sous des draps ou des bâches, battus par une forte pluie. Des volontaires ont creusé des tombes, assistés par des jeunes des environs, et planté 25 croix de bois dans la terre humide. Une partie des dépouilles avait déjà été emportée par les familles, les cercueils ficelés à la hâte sur des motos. Parmi les quelques proches de victimes venus aux funérailles, Anita Kavugho, en larmes devant la tombe de son oncle. Il est mort "à cause de l’inaction des autorités qui ne réagissent pas aux alertes», peste la jeune femmme, une fleur à la main. Des pickups de l’armée congolaise stationnent non loin, devant un véhicule calciné. Le déploiement de l’armée ougandaise (UPDF) aux côtés de l’armée congolaise dans le nord-est de la RDC depuis 2021 n’a pas permis de mettre fin aux multiples exactions des ADF, groupe formé à l’origine d’anciens rebelles ougandais. Quatre militaires congolais étaient présents à Ntoyo au moment de l’attaque. Les renforts stationnés à environ 7 km à Manguredjipa sont arrivés trop tard. «C’est leur faillite, on signale aux militaires que les assaillants sont tout près, et ils n’arrivent pas à intervenir», lâche Didas Kakule, amer. Cette énième tuerie risque d’aggraver la «fissure» entre l’armée et la population, estime Samuel Kakule, président de la société civile de Bapere. Les ADF «se dispersent en petits groupes pour attaquer nos arrières», répond le lieutenant Marc Elongo, porte-parole de l’armée congolaise dans la région, présent à Ntoyo mercredi. Quelques jours auparavant, les forces ougandaises et congolaises s'étaient emparées d’un bastion ADF dans le secteur et avaient libéré plusieurs otages du groupe, selon l’armée. Mais comme souvent, les ADF se sont dispersés dans la forêt, et ont frappé ailleurs. Une stratégie pour attirer les militaires loin de ses bases, selon des sources sécuritaires. © Agence France-Presse -
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